Discours sur l'électrification: le courant passe mal


Édition du 09 Novembre 2013

Discours sur l'électrification: le courant passe mal


Édition du 09 Novembre 2013

Photo: Bloomberg

BLOGUE. L'annonce en grande pompe de la stratégie québécoise d'électrification des transports a été suivie le même jour par la pire panne de courant que nous ayons connue en 2013.

Les plus superstitieux y verront un mauvais augure, mais la volonté gouvernementale de faire du Québec un leader international dans le domaine risque de se heurter à des écueils bien plus sérieux.

Au départ, l'idée est séduisante. Électrifier le transport terrestre permettrait de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre tout en mettant à profit notre ressource la plus précieuse : de l'électricité issue de sources renouvelables. D'autant plus que les chercheurs québécois se sont distingués au fil des décennies par la mise au point de techniques touchant la production et le transport de cette électricité.

D'où le plan du gouvernement Marois de créer une filière véritablement intégrée, dotée d'un potentiel qui dépasse largement les frontières du Québec. Il entend globalement consacrer 516 millions de dollars au développement de cette nouvelle «grappe» industrielle, pour reprendre une expression populaire au siècle dernier.

Une partition qui contient trop de bémols

Personne ne peut être contre la vertu. Tout le monde serait fier de voir le Québec devenir un modèle à suivre, tel que l'a suggéré la première ministre Marois elle-même.

Mais la partition comporte malheureusement trop de bémols pour nous convaincre de l'entonner à l'unisson.

Il y a, d'abord, l'horizon de temps.

Cette stratégie fait partie intégrante de la politique économique, baptisée «Priorité emploi», que vient de dévoiler le gouvernement. On se rend bien compte, à Québec, que l'état de l'emploi est devenu gênant. Comme le disait une note des économistes du Mouvement Desjardins, l'économie du Québec est tombée en panne, tout comme le marché du travail.

On peut certainement stimuler l'apparition d'emplois au Québec en misant sur notre savoir-faire en électricité. Mais ce sera à long terme. Avant que les investissements ne surviennent, avant que les usines ne soient érigées, avant que les machines ne se mettent à tourner, il va falloir des années. Or, par définition, l'urgence ne peut attendre. Ce n'est pas là la panacée pour rescaper les chômeurs québécois.

Par ailleurs, le gouvernement parle fort, mais ses objectifs réels sont modestes. Prenez ce qui concerne l'augmentation du parc de véhicules électriques au Québec. On en compte actuellement environ 2 000. À force de subventions, allant jusqu'à 8 000 $, le plan est de le hausser à 12 500 $ d'ici 2017.

Savez-vous combien de voitures et de camions légers (la cible) roulent aujourd'hui sur les routes du Québec ? Quelque 4 500 000, selon l'Institut de la statistique du Québec. Autrement dit, à supposer qu'on se rende à l'objectif, la proportion de véhicules électriques atteindrait alors 0,026, ou à peine un quart de un pour cent.

Des ventes qui décollent lentement

Et c'est ainsi qu'on aiderait à réduire l'impact des gaz à effet de serre sur le climat planétaire ?

D'autant que les acteurs québécois sont eux-mêmes réservés. Le réputé Centre national du transport avancé (CNTA), de Saint-Jérôme, a dans ses cartons un minivéhicule électrique, un peu plus gros qu'une voiturette de golf, adapté aux besoins des utilisateurs de la banlieue. Sympathique. Mais pas pour demain. On dit «prudemment» que le projet pourrait aboutir en moins de 10 ans, si tout va bien.

Ouais. Tout ça, alors que Nissan commercialise lentement sa Leaf, que les ventes de la Volt, de GM, ont chuté de 30 % de septembre à octobre et que ces immenses constructeurs internationaux ont consacré des milliards de dollars à la mise au point de telles voitures, dont les ventes décollent lentement malgré leurs qualités.

Et nous arriverions à nous imposer en partant pratiquement de zéro ?

Dans le domaine du transport collectif, fort des Bombardier, Nova Bus, Prévost Car et autres, le Québec peut légitimement prétendre à une expertise reconnue. Mais il faudra là aussi du temps pour en arriver à une véritable offre commerciale.

Le gouvernement est prêt à engager 220 M$ pour soutenir les efforts des entreprises québécoises ainsi que pour en attirer d'autres de l'étranger. Si on maintient le cap, il y a de bonnes chances que la filière finisse effectivement par se déployer... un jour. Le discours sur l'électrification des transports va peut-être au-delà du «show de boucane», mais ce n'est quand même pas le remède miracle qui va permettre à l'économie québécoise de se remettre rapidement sur pied.

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