À côté du Plan Nord, pourquoi pas le Plan Neige?


Édition du 05 Mars 2016

À côté du Plan Nord, pourquoi pas le Plan Neige?


Édition du 05 Mars 2016

Le mercredi 24 février, le Québec est frappé par une autre tempête, les déplacements sont difficiles, l'activité tourne au ralenti. Pourtant, ce soir-là, la salle à manger de l'Hôtel Château Roberval, de la ville du même nom, au Lac-Saint-Jean, est remplie de voyageurs. Ils sont une centaine.

Des voyageurs d'un certain type, faut-il le préciser : au moins une cinquantaine de motoneiges sont stationnées autour de l'hôtel. Il y a de la neige dans la région. C'est ce que ces touristes hivernaux sont venus chercher.

Le service était efficace, la nourriture, de qualité, et les gens, satisfaits. Au bas mot, ils ont dû dépenser collectivement au moins 10 000 $ pour l'hébergement et les repas lors de leur séjour. Au coeur de l'hiver, en milieu de semaine, imaginez la manne pour l'établissement, ses employés et la ville ! Et ce devait être la même chose à Alma, à Saguenay et dans toute la région qui a reçu sa bonne part de flocons, elle, au cours des derniers mois.

C'est simple. Au Québec, il faut réussir à mettre l'hiver en valeur pour dépasser les images folkloriques, du genre des traîneaux à chiens - contre lesquels je n'ai rien -, qui sont tellement appréciées des touristes français - avec raison, d'ailleurs.

Mais le nord du Québec offre plus généralement un atout qui est de moins en moins assuré au sud : de la neige, en bonne quantité.

Ce soir-là, à l'Hôtel Château Roberval, j'ai parlé à des groupes de motoneigistes qui arrivaient de partout au Québec. De Gatineau. De Portneuf. Des Escoumins. De Saint-Hyacinthe, un quatuor qui avait au départ prévu se rendre dans Charlevoix, mais qui avait bifurqué en chemin parce qu'on y annonçait de la pluie...

Et il y avait aussi dans la salle des Américains de la Nouvelle-Angleterre pour qui les destinations canadiennes sont devenues des aubaines. C'est également la neige qui les attire.

Il faudrait miser davantage là-dessus. Et nous rendre compte qu'au-delà des misères qu'ils provoquent en ville, la neige et le froid offrent une foule d'occasions si on sait profiter efficacement de notre nordicité.

Cet hiver inhabituellement doux aura été particulier. Les météorologues y voient l'effet d'El Niño. D'accord pour cette fois. On verra pour l'an prochain. Mais qu'on apprécie ou qu'on redoute le phénomène, on assiste à un réchauffement climatique. D'immenses efforts sont déployés pour réduire l'impact des gaz à effet de serre. Tant mieux. Les conséquences potentielles sont redoutables.

Sauf que la donne a déjà changé. L'hiver n'est plus ce qu'il était. Et notre économie en souffre.

Un exemple ? À Sainte-Anne-de-la-Pérade, entre Trois-Rivières et Québec, la saison de la traditionnelle pêche aux petits poissons des chenaux a duré à peine un mois cet hiver. La rivière Sainte-Anne a gelé tard, et la saison ne pouvait se prolonger après la fin de février. Cette année, les pourvoyeurs qui aménagent les cabanes sur la glace ont «mangé leurs bas». Le village temporaire sur la rivière Sainte-Anne, avec restaurants, carrioles et autres, a été moins fréquenté. Est-ce que la prochaine saison sera meilleure ? Peut-être. Mais rien n'est moins sûr. À terme, les perspectives sont défavorables. La planète se réchauffe et la pêche risque d'en souffrir. Ce serait regrettable, parce qu'il s'agit d'une activité hivernale unique au Québec.

De nombreuses autres activités dépendent du froid et de la neige.

Pensez simplement aux stations de ski du sud du Québec, en particulier celles de l'Estrie, qui ont dû travailler fort pour enneiger leurs pistes entre pluie, verglas et neige occasionnelle. Dommage, car les voisins américains trouvaient ici de véritables aubaines en raison d'un taux de change qui leur est favorable.

En attendant les données officielles, tout indique que plusieurs touristes américains sont venus au Québec malgré tout. Simultanément, bien des Québécois ont constaté la minceur de leur pouvoir d'achat aux États-Unis à cause de la faiblesse du huard, et ils ont plutôt choisi de prendre leurs vacances d'hiver ici.

Le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitão, est l'un des rares qui ne s'en plaindront pas. Il préfère certainement que nous dépensions notre argent ici plutôt qu'ailleurs.

Mais supposons qu'on puisse transformer en occasions ce qui est habituellement perçu comme des problèmes liés aux aléas de notre climat. Imaginons que nous en fassions une marque de commerce pour en récolter de bons revenus. Le phénomène mérite d'être étudié et permettrait de reconnaître le potentiel et l'importance de l'industrie touristique.

L'édition 2015 du rapport de l'Organisation mondiale du tourisme, intitulé «Faits saillants OMT du tourisme», rappelait que le chiffre d'affaires global relativement au tourisme surpasse celui des exportations de pétrole, de la production alimentaire ou de l'industrie automobile. À lui seul, il représente 10 % du produit intérieur brut mondial et ne cesse de croître.

Oui, la concurrence internationale est vive et les touristes sont courtisés de tous les côtés, mais nous pourrions certainement récolter une plus grande part de ce gâteau. Même l'hiver. Pourvu que nous sachions mettre en valeur les attraits de la saison froide. En tout cas, la centaine de voyageurs présents ce soir-là à l'Hôtel Château Roberval pourraient en témoigner.

En attendant que le Plan Nord redécolle et vienne soutenir les économies régionales, pourquoi ne pas imaginer un Plan Neige ?

De mon blogue

Économie régionale

On parle des régions seulement quand ça va mal

Coup sur coup, samedi dernier, les deux plus importants quotidiens du Québec, La Presse et le Journal de Montréal, y sont allés en première page d'une manchette sur des villages québécois... et leurs misères. La Presse évoquait le cas de La Martre, en Gaspésie, dont les citoyens n'ont plus accès à l'eau potable depuis 16 ans, tandis que le Journal de Montréal citait l'exemple d'une demi-douzaine de petites municipalités menacées de dévitalisation. La coïncidence est étonnante, parce que les grands médias nationaux parlent rarement de la vie dans les villages québécois.

Suivez René Vézina sur Twitter @vezinar

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