Patronat vs syndicats: qui domine?

Publié le 13/03/2023 à 10:00

Patronat vs syndicats: qui domine?

Publié le 13/03/2023 à 10:00

«Le style de la nouvelle présidente de la FTQ, Magali Picard, est venu changer rapidement la dynamique des relations de presse des principales centrales syndicales au Québec.» (Photo: Courtoisie FTQ)

EXPERT INVITÉ. Depuis toujours, les associations patronales et les syndicats exercent une influence significative dans la vie sociopolitique du Québec. Leurs stratégies et actions sont collées au contexte du moment et orientées vers l’avenir prévisible, en misant sur les enjeux qui touchent plus particulièrement leurs membres.

Sans surprise, ces groupes d’intérêts rivalisent d’imagination afin de «passer leurs messages» — à la fois lors d’innombrables rencontres, sur différentes tribunes et à travers les médias traditionnels et sociaux. La personnalité de leurs dirigeantes et dirigeants génère sans contredit des impacts significatifs ou… minimes.

Débutons par une question: quel est le portrait, à l’approche du printemps 2023? Qui domine?

Réponse: il y a des gagnants et des perdants, tout dépendant l’angle sous lequel on observe les données. C’est la beauté des analyses fines!

 

Les associations patronales: plus médiatisées et un plus grand spectre

En 2021 et 2022, ce sont les quatre mêmes associations patronales qui se sont démarquées dans les médias écrits au Québec: la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), le Conseil du patronat (CPQ), la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) et la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).

À part la CCMM qui a augmenté à peine son important volume de couverture (1481 vs 1402 retombées dans les médias écrits), les trois autres associations patronales choisies y ont enregistré des hausses significatives entre 2021 et 2022:

• FCEI : + 538 retombées

• CPQ : + 511 retombées

• FCCQ : + 306 retombées

Le changement le plus remarqué provient de la FCEI, où le départ de l’omniprésente Martine Hébert, en 2019, avait sorti l’organisation du «Top 3» des organisations patronales les plus médiatisées au Québec. Après une période de flottement, c’est François Vincent — devenu le principal interlocuteur — qui a replacé la FCEI à l’avant-scène.

Parts de voix de quatre associations patronales au cours des 14 derniers mois.

 

Au-delà des données quantitatives, les analyses du contenu des médias regorgent d’une foule de données qualitatives très utiles à la gestion.

 

Ainsi, l’analyse des données qualitatives du côté patronal fait ressortir à quel point certains enjeux sont communs — la pénurie de main-d’œuvre, par exemple — et dans quelle mesure l’attention des médias est bien différente, d’une organisation à l’autre.

Ces données peuvent ensuite être segmentées selon les marchés. On y apprendrait quoi? Qu’une organisation se démarque dans les marchés de Montréal et de l’Estrie, qu’une autre est dominante dans l’Outaouais et relativement absente ailleurs, qu’une autre s’impose à Québec et dans les marchés régionaux uniquement, etc.

Notons aussi que les associations patronales surprennent souvent les médias en abordant des enjeux qui, auparavant, étaient mis en vedette par les syndicats. Deux exemples:

• le Conseil du patronat a pris position en faveur de la langue française ;

• le président de la FCCQ, Charles Milliard, crée des liens avec le domaine culturel.

 

Les syndicats sont omniprésents, leurs leaders discrets

Dans l’actualité, les instances syndicales occupent toujours plus de place que les organisations patronales. Il y a deux raisons principales à cela: 

• La première, c’est leur style de gestion axé sur les revendications — notamment lors de conflits de travail. Dans ces cas-là, leurs porte-paroles sont beaucoup plus enclins à transmettre leurs points de vue ;

• La seconde raison est liée aux personnalités. Lorsque les centrales syndicales sont dirigées par des gens colorés et charismatiques, elles gagnent généralement en présence et en notoriété — qui parmi les plus vieux a oublié Louis Laberge, de la FTQ? À l’opposé, certains syndicats dirigés par des gens plus effacés ont contribué à faire glisser sous le radar, la «marque» qui est sous leur responsabilité…

Les syndicats sont toujours plus médiatisés que les associations patronales. CSN vs FCEI: près de trois fois plus!

 

Voici le type de données que scrutent nos clients: la CSN est première en volume de couverture médiatique, mais ses dirigeantes et dirigeants arrivent au 3e rang. Inversement, la CSQ est première avec ses dirigeantes et dirigeants. Source du visuel: Mesure Média

 

Parlant de personnalités… Le style de la nouvelle présidente de la FTQ, Magali Picard, est venu changer rapidement la dynamique des relations de presse des principales centrales syndicales au Québec.

Femme issue des Premières Nations, elle fait bien plus que «cocher des cases», selon une expression qui gagne en popularité. Magalie Picard «parle vrai».

Dès sa première semaine à la présidence de la FTQ, une «Picardmania» a débuté dans les médias!

 

Il faut dire que Mme Picard est très habile! Le samedi 25 février dernier, lorsque le premier ministre Legault a diffusé un message sur Twitter accusant les syndicats de fermeture, elle a rapidement pris la balle au bond. Résultat: elle s’est approprié la voix des syndicats durant tout le week-end et poussé le PM sur la défensive…

Des alliances qui surprennent et… qui ont du poids 

Il y a quelques années à peine, quel aurait été votre choix de réponse la plus probable parmi les deux options suivantes?

1) Je risque d’être tué par la foudre

2) Des citations du président du Conseil du patronat se retrouvent dans des communiqués de la FTQ

Bien sûr que c’est la première réponse qui aurait été la plus populaire… puisque ces institutions se regardaient de loin et se méfiaient. Aujourd’hui, c’est la deuxième option qui survient de plus en plus, et ce, même si des divergences demeurent.

C’est dans le but de forcer les gouvernements à les écouter davantage que les plus importantes institutions syndicales et patronales parlent de plus en plus d’une même voix.

L’importance de mesurer les données de l’écosystème

Terminons avec l’importance de mesurer les données de tout l’écosystème. Ce qui a passablement changé au cours des dernières années, c’est l’intérêt des organisations à connaître en détail ce qui fonctionne bien — et moins bien — à travers tout l’écosystème sociopolitique québécois. Leurs demandes sont plus précises et exigent des réponses plus étoffées.

Ainsi, les gestionnaires des organisations patronales et syndicales ne veulent plus seulement connaître les données quantitatives et qualitatives qui les concernent. Ils et elles veulent souvent tout savoir à propos des autres syndicats et associations patronales qui interviennent directement sur les enjeux clés qui les préoccupent!

 

À retenir:

• Dans tous les domaines, les organisations et leurs porte-paroles visent des objectifs et privilégient des stratégies différentes. C’est donc normal que les résultats soient… différents ;

• Analyser des données quantitatives et qualitatives au premier niveau, c’est bien. Le faire aux deuxième et même troisième niveaux, c’est mieux!

 

Note: le Conseil du patronat du Québec est un client de notre expert invité, Pierre Gince.

À propos de ce blogue

Pierre Gince a créé la firme de relations publiques Direction Communications stratégiques en 1994, puis la firme d’analyse et d’évaluation des médias Mesure Média en 2015 après avoir fait de l’analyse de presse dès 1996. Professionnel des communications depuis 1976, il a une vision entrepreneuriale qui met l’accent sur le professionnalisme, l’éthique et l’engagement. De son parcours professionnel, on retiendra qu’il a été journaliste en presse parlée et écrite (1976 à 1984), conseiller d’un ministre du gouvernement du Québec (1984 à 1985), conseiller au sein de trois cabinets de relations publiques (1986 à 1994) et chargé de cours et conférencier invité au Québec et à l’étranger depuis 2001. Agréé en relations publiques (ARP) depuis 1995, il est l’un des membres fondateurs de l’Alliance des cabinets de relations publiques du Québec (ACRPQ), dont il a assumé la présidence entre 2013 et 2016.Récipiendaire du Prix Or, Campagne globale, des Prix Excellence de la Société québécoise des professionnels en relations publiques (SQPRP) en 2009, il a été président de l’édition 2011. Puis, de 2013 à 2021, responsable du volet stratégique de ce concours. En 2016, la SQPRP lui a remis le prestigieux Prix Yves-St-Amand afin de récompenser la façon dont il s’est distingué au cours de sa carrière, à la fois par ses activités professionnelles, son engagement, le partage de ses connaissances et l’avancement de la profession auquel il a contribué. Depuis 2010, il publie régulièrement des textes sur différentes problématiques de la communication dans Infopresse, Grenier Magazine et Mesure Média. Régulièrement, il commente dans les médias, l’actualité du point de vue de la réputation (notamment à Radio-Canada et au 98,5 FM). Co-auteur (avec Marie Grégoire) des livres «Robert Bourassa et nous» et «René Lévesque et nous», et co-auteur (avec Monique Giroux) de «Félix Leclerc et nous».

Pierre Gince

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