Manon Massé et quelques leçons de gestion de la gauche

Publié le 09/06/2023 à 13:22, mis à jour le 09/06/2023 à 13:33

Manon Massé et quelques leçons de gestion de la gauche

Publié le 09/06/2023 à 13:22, mis à jour le 09/06/2023 à 13:33

«Manon Massé a réussi ce que peu de gestionnaires arrivent à bien faire: savoir partir avec élégance et au bon moment, après avoir préparé une relève.» (Photo: Archives)

EXPERT INVITÉ. Manon Massé a «cassé le moule». En politique québécoise, elle s’est imposée comme une leader aussi charismatique qu’incontournable. Son legs en tant que co-porte-parole de Québec Solidaire (QS) nous rappelle qu’en gestion, l’atypique peut être extrêmement efficace!

Le «cas Manon Massé» fera école. Du moins, je le souhaite. Quelles leçons pouvons-nous tirer de son parcours? En voici trois pour les gestionnaires que nous sommes.

 

1. Recruter des personnes hors normes

«Vous avez pris une femme qui ne rentre pas dans le moule, et vous l’avez mise sur une pancarte, avec une moustache pis tout’ le kit», a-t-elle lancé avec l’aplomb qu’on lui connaît, lors de l’annonce de son prochain départ du poste de co-porte-parole de QS.

«Vous avez vu quelque chose en moi que j’ignorais. Vous avez vu une leader assumée».

Ouvertement lesbienne, la femme politique a prouvé qu’une élue peut réussir sans talons hauts ni colliers de perles. Que l’on soit d’accord ou non avec ses idées, Manon Massé a apporté à QS, et à la vie politique en général, de l’authenticité, de l’empathie et de l’engagement — des qualités essentielles dans le recrutement de toutes les ressources dans nos organisations.

Devant des gens qui s’habillent différemment, s’expriment autrement, sont touchés par d’autres réalités et proposent des solutions surprenantes, que fait-on? On se bloque ou… on s’ouvre? 

En gestion, le vieux dicton «qui se ressemble s’assemble» nous limite. Recruter des gens qui nous ressemblent, c’est réconfortant comme une bonne soupe au poulet. Mais ça nous fait rarement avancer…

La différence de Manon Massé n’a pas freiné l’agrandissement de la famille solidaire, bien au contraire. Son ex-collègue Françoise David disait dans La Presse+: «Elle a été capable de gagner l’estime et la sympathie de gens qui, au départ, avaient peu de choses en commun avec elle». Gabriel Nadeau-Dubois en a ajouté: «C’est assez ironique. C’est une femme qui vient de la marge et qui, pourtant, a sorti le parti de la marge, alors que bien des observateurs nous condamnaient à la marginalité pour toujours. Et ça, c’est un énorme service qu’elle nous a rendu comme famille politique, qu’elle a rendu à toute la gauche québécoise».

Recruter des gens hors normes, ça dérange. C’est tant mieux!

 

Est-ce qu’il y a des perles autour de vous qui pourraient faire évoluer votre organisation à l’extérieur des sentiers battus?

 

2. Partir avec élégance

Manon Massé a réussi ce que peu de gestionnaires arrivent à bien faire: savoir partir avec élégance et au bon moment, après avoir préparé une relève.

Dans le cas de QS, il n’est pas dans la culture organisationnelle de désigner des gens qui prendront la relève. Ce qui importe ici, c’est que Manon Massé a été suffisamment inspirante pour donner le goût à de nombreuses femmes de s’engager en politique, dans différentes fonctions.

 

3. Être sensible à son positionnement médiatique

Parmi les dictons du XXe siècle qui parviennent à résister au temps, il n’y a pas que «Qui se ressemble s’assemble». «Parlez de nous en mal ou en bien, mais parlez de nous!» est dans la même catégorie. Et pourtant…

Je ne connais pas de «gestionnaires du XXIe siècle» qui n’accordent pas une attention soutenue à la réputation de leur organisation. Qu’en est-il de la vôtre, lorsqu’elle fait parler d’elle — que ce soit souhaité ou non — dans des médias traditionnels, numériques ou sociaux? Se dire simplement: «OK, c’est beau! Passons à autre chose» ne contribue pas à une gestion efficace.

Je suis convaincu que l’équipe parlementaire de QS s’est dotée d’indicateurs de performance «maison» afin de déterminer — selon une expression consacrée en politique: «Qui a gagné la journée?». Des mots-clés tels que «logement» et «Manon Massé» sont sans doute liés dans leurs analyses quantitatives et qualitatives.

Des firmes spécialisées en analyse des médias scrutent le contenu des retombées médiatiques afin d’obtenir différents croisements de données quantitatives. C’est un atout pertinent en gestion.

 

Voici deux retombées positives au bénéfice de Manon Massé qui ont généré des résultats différents. Elles portent sur l’annonce récente de Mme Massé:

98,5 fm: selon Mesure Média, cet échange à la Commission Normandeau-Ferrandez a valu un gain de réputation de 24 379$ à Manon Massé. 

 

Chronique de Josée Legault, Journal de Montréal: selon Mesure Média, cette chronique a généré un score de performance de 110% au bénéfice de Manon Massé. Ce score doit être apprécié par QS, généralement jugé sévèrement par ce quotidien.

À retenir:

• Accepter d’être dérangé, ça déstabilise. Mais les gestionnaires qui acceptent de se faire déranger voient leurs organisations évoluer!

• L’authenticité, l’empathie et l’engagement sont des valeurs «payantes» dans le rayonnement médiatique.

• L’analyse du contenu des médias contribue assurément à une meilleure gestion. Exigez de connaître le gain — ou le déficit — de réputation et le score de performance de retombées importantes.

À propos de ce blogue

Stratège en communication, Pierre Gince est l’un des deux co-fondateurs de la firme d’analyse et d’évaluation des médias Mesure Média. Professionnel des communications depuis 1976, il a une vision entrepreneuriale qui met l’accent sur l’éthique. Très engagé dans l’industrie des communications, il a reçu de la Société québécoise des professionnels en relations publiques (SQPRP), en 2016, le prestigieux Prix Yves-St-Amand afin de récompenser la façon dont il s’est distingué au cours de sa carrière. Régulièrement, il commente dans les médias, l’actualité du point de vue de la réputation (notamment sur lesaffaires.com, le Grenier Magazine, à Radio-Canada et au 98,5 FM). Co-auteur (avec Marie Grégoire) des livres Robert Bourassa et nous et René Lévesque et nous — en 2019 et 2020. Co-auteur (avec Monique Giroux) de Félix Leclerc et nous en 2022. Et co-auteur (avec Steven Finn) de Guy Lafleur et nous en 2023.

Pierre Gince

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