Russie: aubaine ou attrape?

Publié le 26/09/2014 à 13:11

Russie: aubaine ou attrape?

Publié le 26/09/2014 à 13:11

Photo: Bloomberg

Bien que l'affirmation semble quelque peu simpliste à prime abord, la meilleure façon de faire de l'argent lorsqu'on investit est d'acheter bas pour revendre haut. L'exécution profitable de cette stratégie est toutefois bien plus complexe que le suggère son libellé et la situation actuelle du marché russe en est un excellent exemple.

Au moment où le marché boursier américain gambade de sommet en sommet, un marché se transigeant à 4 fois les bénéfices de l'année précédente et payant un dividende de plus de 4.5% attire certainement l'attention des investisseurs en quête de valeur. Comparativement à la moyenne des marchés émergents dont le ratio cours/bénéfice se situe tout juste au-dessus de 12 fois et le dividende à 2.6%, l'indice MSCI Russie peut avoir des allures d'aubaine du siècle. Avant d'y plonger tête première, il sera sage de se remémorer une règle d'or du placement: 'si ça semble trop beau pour être vrai, c'est probablement le cas'.

La principale difficulté dans l'évaluation de la valeur intrinsèque du marché russe à l'heure actuelle provient du fait que ce sont des risques géopolitiques que l'on tente de traduire en prévisions financières. Contrairement aux risques d'affaires, financiers ou réglementaires, les risques géopolitiques en période de conflit sont parmi les plus difficiles à modéliser avec justesse en termes de scénarios et de probabilités. Plus il y a de belligérants impliqués et plus la conclusion est imprévisible, amplifiant par le fait même chaque soubresaut. Pour preuve, depuis le début de l'année, l'indice MSCI Russie exhibe une volatilité de 28% comparativement à seulement 8.5% pour l'indice MSCI marchés émergents.

À ce point-ci, l'escompte important de l'indice MSCI Russie par rapport à ses congénères émergents s'expliquerait en bonne partie par l'incertitude majeure découlant des éléments suivants:

- risque de détérioration sur les plans diplomatique et militaire menant à un élargissement des sanctions imposées à la Russie sur un horizon prolongé;

- réduction de la liquidité et des activités de tenue de marché (market making) pour les actions russes;

- possibilité de voir la Russie exclue de l'univers d'investissement des indices de marchés émergents si la situation devait s'aggraver.

En d'autres mots, plusieurs facteurs contribuent actuellement à réduire à néant la visibilité sur le marché russe. La liquidité réduite et la volatilité qui en découle expliquent la frilosité des investisseurs qui se traduit par les importants escomptes observés. Bien que l'attrait peut être présent dans une perspective à long terme pour les investisseurs disciplinés qui n'ont pas le cœur sensible, l'investissement en Russie ressemblera davantage à de la spéculation d'ici à ce que le brouillard se dissipe quelque peu. Seul le temps nous dira si les niveaux actuels sont une aubaine, ou bien une attrape.

L'investisseur avisé

L'investisseur avisé voudra bien comprendre la composante 'marchés émergents' de son portefeuille de placement et s'assurer que son gestionnaire possède les ressources et la capacité d'aller au-delà des traditionnels BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) lorsqu'il le juge pertinent. C'est dans les marchés moins efficients tels les marchés émergents qu'une gestion active pratiquée par un gestionnaire aguerri peut porter le plus de fruits.

Questions à poser

Avant de prendre une décision, renseignez-vous auprès d'un professionnel qualifié:

- Quelle proportion de mon portefeuille est/devrait être exposée aux marchés émergents?

- Est-ce que mon gestionnaire est un spécialiste dans le domaine et gère-t-il mon portefeuille activement?

- Quelle latitude mon gestionnaire a-t-il pour adapter mon portefeuille aux opportunités ou aux risques du moment?

À propos de ce blogue

Au fil des ans, Pierre a conseillé un large éventail d'investisseurs privés et institutionnels, y compris des familles fortunées, des fondations et des fonds de pension sur la saine gestion de leurs actifs. Au-delà de sa connaissance approfondie des marchés financiers, des stratégies d'investissement et de la construction de portefeuille, il a développé une expertise plus particulière en matière de conseil aux investisseurs sur l'utilisation de stratégies de placement non traditionnelles et d'investissements internationaux. Le mandat de ce blogue est donc d'aiguiller les lecteurs dans l'exploration de pistes paraissant inhospitalières à première vue, mais pouvant mener à des expériences très gratifiantes lorsqu'on sait s'y orienter. Pierre est titulaire d'un MBA, porte les titres de Chartered Financial Analyst (CFA) et Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA), et est également Fellow de l'Institut canadien des valeurs mobilières et de l'Institut des banquiers canadiens. Il travaille pour UBS (Canada) à titre de gestionnaire privé senior.

Pierre Czyzowicz