Les cinq risques qui pourraient faire dérailler 2015

Publié le 08/04/2015 à 13:52

Les cinq risques qui pourraient faire dérailler 2015

Publié le 08/04/2015 à 13:52

À chaque instant, les marchés financiers mondiaux sont exposés à un certain nombre de risques. Afin d'évaluer l'impact potentiel de ceux-ci sur les portefeuilles de placement, on tentera généralement de les positionner sur deux axes: la probabilité qu'ils se matérialisent et l'impact qu'ils auront le cas échéant. Un positionnement dynamique des risques sur ces deux axes permettra aux investisseurs de bien jauger l'exposition de leur portefeuille, la rémunération qu'ils reçoivent en échange de cette dernière et les ajustements qui pourraient s'imposer.

À l'heure actuelle, cinq principaux risques apparaissent sur le radar des six à 12 prochains mois. Les voici par ordre d'importance, de celui qui mérite le plus d'attention à ceux, non moins importants, qui ne font que mijoter pour l'instant:

1. La Réserve fédérale américaine surprend avec une politique plus restrictive que prévu: la principale question réside dans la façon dont la Réserve fédérale s'y prendra pour mettre fin à la politique monétaire la plus accommodante de son histoire et la lecture qu'en feront les marchés. Pour l'instant, le consensus prévoit une première hausse pour décembre 2015 tandis que les marchés escomptent un taux directeur à 0.45% pour la fin de l'année. Qui plus est, la probabilité actuellement attribuée par le consensus à une première hausse de taux en juin n'est que de 10%. Ainsi, il n'est pas impossible que les marchés soient pris à contrepied s'il fallait que les hausses de taux commencent plus rapidement que prévu ou soient plus importantes. Pour en suivre l'évolution, les indicateurs les plus pertinents seront le degré de sous-utilisation de la main-d'œuvre (labor market slack), l'inflation des salaires et l'inflation des prix à la consommation. Malgré le risque d'incertitude que ce contexte amène, la Réserve fédérale a fait preuve de passablement de transparence au cours des dernières années et il est fort probable qu'une hausse de taux plus hâtive ou plus prononcée que prévu serait justifiée par une croissance économique plus robuste qu'anticipé permettant d'espérer une réaction plus mesurée des marchés.

2. La Grèce quitte la zone euro: l'instabilité qu'une telle résolution des problèmes grecs provoquerait serait principalement due au fait qu'à la base, un des piliers de l'union monétaire européenne est l'irréversibilité de l'adhésion des pays membres permettant de mettre en place des filets de sécurité, de supporter les membres en détresse et d'améliorer la stabilité générale du système. Si cette clause ne tient plus, l'évolution future de la zone euro devient sensiblement moins prévisible. Néanmoins, si la Grèce devait effectivement quitter la zone euro, les effets seraient beaucoup mieux contrôlés que si la même situation s'était produite en 2012: le momentum économique en Europe est meilleur, les banques européennes ont diminué leur exposition à la dette grecque de façon drastique, les autres économies périphériques en difficulté ont entrepris des réformes structurelles importantes et plusieurs mesures politiques ont été adoptées depuis 2012 afin de limiter les impacts d'une telle éventualité. Ainsi, compte tenu du chemin parcouru depuis 2012, il est fort probable qu'un repli plus prononcé que prévu donnerait lieu à des occasions d'investissement attrayantes si ce risque devait se matérialiser.

3. L'économie chinoise ralentit davantage que prévu: la Chine est présentement au milieu d'un processus de recentrage de son économie qui devrait lui permettre de passer d'un modèle principalement basé sur les exportations à un modèle basé sur la consommation intérieure. La croissance à long terme sous ce nouveau modèle sera moins euphorique qu'elle l'a été, mais elle sera aussi beaucoup moins dépendante des investissements étrangers et du commerce extérieur la rendant plus stable et durable à long terme. Malgré ces effets positifs, un marché immobilier survolté et l'endettement excessif du secteur privé pourraient mener à une transition moins calme qu'espéré. Si la croissance du PIB chinois devait tomber loin sous la barre des 5%, il est fort probable que plusieurs économies périphériques qui exportent vers la Chine, ainsi que les grands producteurs de certaines matières premières, suivraient dans le sillon. L'état chinois semble avoir la situation sous contrôle pour l'instant, mais un suivi de près est justifié.

Les risques 4. Détérioration du conflit entre la Russie et l'Ukraine et 5. Baisse prolongée des prix du pétrole sont davantage politiques qu'économiques. Ils doivent toutefois demeurer sur le radar compte tenu du risque de détérioration et des implications qui pourraient s'en suivre. L'aspect crucial du conflit entre la Russie et l'Ukraine tient au maintien des exportations de gaz naturel de la Russie vers l'Europe. Malgré une rhétorique parfois belliqueuse, c'est cet aspect du conflit qui risque d'avoir le plus d'impact sur les marchés financiers à terme. Quant aux prix du pétrole, leurs niveaux dépréciés sont généralement vus comme stimulants pour l'économie mondiale, au détriment des pays qui en sont exportateurs (incluant le Canada) et des entreprises du secteur. Néanmoins, l'incertitude liée à la dynamique future du marché du pétrole et ses conséquences éventuelles sur les rapports de force qui en ont régi l'évolution depuis la création de l'OPEP en 1960 en font un sujet chaud qui mérite de faire partie de cette liste.

Il est toujours complexe d'identifier longtemps à l'avance les risques qui engendreront de réels problèmes et causeront des maux de tête aux investisseurs. La capacité à soupeser des probabilités souvent inter-reliées que certains événements se matérialisent et à évaluer leurs conséquences sur une variété de classes d'actif relève davantage de l'art que de la science. Il demeure que c'est souvent dans cet art que réside la capacité de certains investisseurs à 'battre' le marché et qu'une gestion rigoureuse et avisée des expositions d'un portefeuille de placement peut être salutaire pour sa performance à long terme.

À propos de ce blogue

Au fil des ans, Pierre a conseillé un large éventail d'investisseurs privés et institutionnels, y compris des familles fortunées, des fondations et des fonds de pension sur la saine gestion de leurs actifs. Au-delà de sa connaissance approfondie des marchés financiers, des stratégies d'investissement et de la construction de portefeuille, il a développé une expertise plus particulière en matière de conseil aux investisseurs sur l'utilisation de stratégies de placement non traditionnelles et d'investissements internationaux. Le mandat de ce blogue est donc d'aiguiller les lecteurs dans l'exploration de pistes paraissant inhospitalières à première vue, mais pouvant mener à des expériences très gratifiantes lorsqu'on sait s'y orienter. Pierre est titulaire d'un MBA, porte les titres de Chartered Financial Analyst (CFA) et Chartered Alternative Investment Analyst (CAIA), et est également Fellow de l'Institut canadien des valeurs mobilières et de l'Institut des banquiers canadiens. Il travaille pour UBS (Canada) à titre de gestionnaire privé senior.

Pierre Czyzowicz