Le scandale VW serait-il lié à des incitatifs inadéquats?

Publié le 25/09/2015 à 13:57

Le scandale VW serait-il lié à des incitatifs inadéquats?

Publié le 25/09/2015 à 13:57

Je lis présentement l’ouvrage de Tren Griffin intitulé « Charlie Munger, The Complete Investor ». En parcourant la section qui traite des biais cognitifs, j'ai eu un flash : le scandale dans lequel s’enfonce Volkswagen après avoir admis avoir équipé ses véhicules diesel d’un logiciel qui faussait les résultats des tests antipollution aurait probablement pu être évité si la société avait prévu des incitatifs adéquats pour ses dirigeants.

Après avoir lu plusieurs livres portant sur les biais cognitifs, je me disais justement qu'il serait intéressant de tenter d'appliquer les principes énoncés par Munger aux divers scandales qui font régulièrement les manchettes. Celui mettant en vedette Volkswagen m'offre une telle occasion.

Munger appelle le biais cognitif lié au pouvoir des incitatifs la « tendance à réagir de façon excessive aux incitatifs et aux punitions ». Selon lui, il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des incitatifs. Si ces derniers sont mal alignés avec les objectifs à long terme d'une entreprise, ils vont inévitablement mener à des erreurs critiques qui pourraient menacer sa survie. Voici ce que Munger aurait dit lors de l'assemblée annuelle de 2001 de Wesco: «La règle inébranlable de la nature humaine est que l'on obtient ce pour quoi l'on motive. Si vous voulez voir apparaître des fourmis, versez du sucre sur le plancher.»

Sans avoir examiné le régime de rémunération des dirigeants de Volkswagen, je crois que les scandales tels que celui avec lequel la société est aux prises ont souvent comme source un régime de rémunération déficient: les incitatifs liés à la croissance des revenus, à l'atteinte d'objectifs de rentabilité et à la performance du titre de l'entreprise en bourse sont souvent beaucoup trop généreux. En outre, trop d'importance est accordée à l'atteinte d'objectifs à court ou moyen terme, au détriment de ce qui est essentiel pour la pérennité de la société.

Quel que soit le dirigeant et peu importe son niveau d’intégrité, des incitatifs inadéquats le pousseront inévitablement à agir dans un sens susceptible de l’amener à commettre des erreurs graves pour la santé de la société qu'il dirige.

Si vous voulez que votre jardinier taille adéquatement votre haie de cèdres, ne le payez pas avant qu'il ne fasse l'ouvrage. La même remarque vaut pour la rémunération trop généreuse versée à des dirigeants pour des actions à court terme sans réelles préoccupations pour les retombées à plus long terme. En cette période électorale, je ne peux m'empêcher d'ajouter que c'est la même chose pour nos élus qui pensent bien plus aux prochaines élections qu'à prendre des décisions qui auraient une incidence positive pour la collectivité dans de nombreuses années.

L'envers de la médaille concerne le pouvoir des facteurs « démotivants » et des punitions. Ces dernières doivent être très sévères pour les dirigeants d'entreprises et l'exemple de leur application doit servir à dissuader ceux qui pourraient être tentés de couper les coins ronds. Selon Munger, « rendre les dirigeants d’entreprises responsables de leurs actions serait un très bon premier pas. »

Je ne peux m’empêcher de penser que les programmes de rémunération de trop de dirigeants sont fondés sur le principe du «heads I win, tails you lose». Autrement dit, ils bénéficient de tout le potentiel de gains si tout va bien mais ont relativement peu à perdre si les choses ne se déroulent pas comme prévu.

Une autre façon relativement simple d'aligner les intérêts des dirigeants d'entreprises avec ceux de leurs actionnaires est de les inciter à être eux-mêmes d'importants actionnaires. Non pas par l'exercice d'options d'achats d'actions pour lequel leur risque est pratiquement nul, mais par l'achat au prix du marché d'une somme importante d'actions. De cette manière, ils penseront davantage comme un actionnaire-propriétaire qui vise l'accroissement à long terme de la valeur de l'entreprise qu'il dirige et non pas seulement à l'octroi de son boni de fin d'année. Plusieurs entreprises aux États-Unis ont fait un premier pas dans ce sens en forçant leurs hauts dirigeants et administrateurs à détenir un minimum d’actions, mais je crois qu’on devrait aller plus loin dans cette direction.

Il y a encore trop d'exemples de dirigeants d'entreprises qui commettent de graves erreurs, mettant du même coup leur entreprise en sérieuses difficultés en raison d’incitatifs mal alignés avec les objectifs à long terme. Le scandale de Volkswagen semble encore une fois donner raison à Munger.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue: Philippe Le Blanc est président et gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine. Il est également éditeur de la Lettre financière COTE 100, publiée depuis 1988.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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