Un lecteur me critique au sujet de Bombardier

Publié le 20/02/2015 à 16:51

Un lecteur me critique au sujet de Bombardier

Publié le 20/02/2015 à 16:51

BLOGUE. Après la publication de mon blogue sur Bombardier la semaine dernière (Bombardier : une leçon pour la Saint-Valentin), j’ai reçu un long courriel de critique d’un lecteur, qui tient à garder l’anonymat. Voici donc ce texte critique que j’ai dû couper quelque peu sans, je l’espère, en enlever les points essentiels. J’en profite pour inviter à me faire part de vos commentaires et critiques concernant mes blogues. J’apprécie les critiques constructives!

« Monsieur Leblanc,

Vous avez choisi de tirer à boulets rompus sur une société Québécoise qui, ne vous en déplaise est toujours un fleuron de notre économie. Vous assimilez les investisseurs Québécois qui font confiance à Bombardier à une bande de nostalgiques qui vivent dans le passé. Des demeurés, quoi. Quel mépris pour vos lecteurs.

Pourquoi faut-il que ce soient toujours les Québécois de souche qui descendent mesquinement toute entreprise locale qui réussit ? Car oui, Bombardier est une réussite exceptionnelle tant par sa division ferroviaire que celle de l’aéronautique… Facile de critiquer; mais innover et créer des emplois ça c’est pas mal plus difficile et beaucoup plus utile.

Nous savons tous que les Boeing, Airbus, Embraer et Co. ont connu des difficultés semblables et même bien pires que celles de Bombardier. Pourtant, elles sont toujours là et travaillent dur pour développer de nouveaux produits innovateurs pour satisfaire les exigences de leurs clients. Seule l’industrie aéronautique saura reconnaître la valeur réelle de cette excellente technologie qu’est la CSeries et les économies d’opération que les avionneurs en tireront. Il faut du cran et du temps pour faire naître des projets de cette envergure et en faire une réussite. Bombardier, quoi qu’on en dise réussira à vendre et à rentabiliser leur avion avant-gardiste. Dommage que des chroniqueurs de pacotille ne pensent qu’à se faire valoir en leur tirant dessus alors qu’ils approchent de leur but. Votre Cote 100 a aussi vécu et vivra encore des difficultés n’est-ce pas ? Mais l’ampleur de votre entreprise et les risques qu’elle comporte ne sont rien à côté de celle de Bombardier et je n’y risquerais pas un sou car je peux tout aussi bien que vous analyser les tendances de la bourse mais je ne saurais pas construire un avion et vous non plus.

Pourquoi cette lettre ? Parce que je m’intéresse au domaine des affaires et que j’en ai assez de ces chroniqueurs complexés qui adhèrent toujours à ce que la religion nous enseignait ils y a quelques décennies; soit que le domaine des affaires est l’apanage des étrangers et que dès qu’une entreprise de chez nous semble vouloir émerger et réussir, vous devez la rabrouer et lui rappeler que la réussite en affaires n’est pas pour la société Québécoise…

Pour ma part, je conseillerais ceci aux actionnaires de Bombardier: non seulement maintenir leurs actions dans leur portefeuille mais en racheter davantage pour appuyer une entreprise de chez nous qui le mérite bien. Son bilan et ses perspectives de croissance sont très solides. Et je vous fais un pari: d’ici 5 ans l’action de Bombardier aura triplé de valeur. L’entreprise fera des profits enviables et vous devrez vous rétracter pour vos commentaires mesquins envers ceux et celles qui font toujours confiance à cette entreprise en ce moment plus difficile.

Sans rancune et bonne lecture !

J.M. »

Ma réplique

D'une part, vous dites que j'« assimile les investisseurs québécois qui font confiance à Bombardier à une bande de nostalgiques qui vivent dans le passé ». Je me suis peut-être mal exprimé et ai peut-être trop généralisé. Par contre, je sais pertinemment que de nombreux investisseurs possèdent des actions de Bombardier de longue date et qu'ils n'ont jamais voulu s'en départir pour des raisons que je jugerais sentimentales dans bien des cas. Je crois que trop d'investisseurs voient toujours Bombardier comme l'entreprise qu'elle était dans les années 1990, ce qui n'est plus du tout le cas, selon moi.

Vous dites aussi que je « descends mesquinement toute entreprise locale qui réussit ». Je ne crois pas que ce soit le cas. Sachez par exemple que COTE 100 a été longtemps actionnaire de Bombardier, de 1988 à 2001. Il est d'ailleurs assez ironique que, pendant les années 1990, une des principales critiques que nous essuyions des investisseurs est que nous ne prêchions que par Bombardier et que notre performance boursière ne reposait que sur ce seul titre... Par ailleurs, j'ai écrit au cours des dernières années plusieurs blogues sur les plus grands succès boursiers québécois dont Metro, Logistec, Couche-Tard, CGI, CN, MTY, Richelieu, etc. J'ai aussi écrit dans ce blogue, une série de billets sur les plus grands créateurs de richesse au Canada, dont plusieurs sont des sociétés québécoises.

En outre, COTE 100 possède dans ses portefeuilles sous gestion des actions de plusieurs de ces titres, dont CGI, Couche-Tard, Metro, Mediagrif et d'autres, dans bien des cas depuis de nombreuses années. Personnellement, je crois au succès des sociétés d'ici et je trouve que nous avons au Québec de nombreuses sociétés (inscrites en bourse ou non) tout à fait exceptionnelles. Nous gérons aussi le Fonds COTE 100 RÉA qui investit dans de petites sociétés québécoises depuis 1995.

Vous dites que « Bombardier est une réussite exceptionnelle ». Désolé, je ne crois pas que ce soit le cas depuis une quinzaine d'années. Le verdict des chiffres et de la valeur boursière du titre sont à mon avis sans équivoque.

Mon père, Guy Le Blanc, m’a aussi fait part d’un autre point important. M. Raymond Royer, ex-président de Bombardier qui a quitté l’entreprise en 1996 et qui a piloté de main de maître l'ascension de Bombardier durant les années 1990, avait coutume de dire qu’une entreprise est un subtil mariage entre les intérêts des employés, des fournisseurs et des clients ainsi que des actionnaires. Or, si Bombardier a continué d'être un fleuron québécois pour ses employés, ses clients et ses fournisseurs, j’estime qu’elle a été un échec pour ses actionnaires au cours des 15 ans dernières années.

Enfin, vous dites qu'il est « facile de critiquer ». Je ne critique pas et je suis le premier à espérer que Bombardier réussisse avec sa Série C. J'écris mon blogue en tant qu'investisseur. De cette perspective, je crois que les risques auxquels fait face Bombardier sont très élevés et que ces risques n'en valent peut-être pas la chandelle pour les investisseurs. Il est vrai que je peux me tromper et que la Série C fasse un succès commercial et financier de Bombardier au cours de la prochaine décennie - je l'espère franchement car ce serait très positif pour notre économie et pour les actionnaires de l’entreprise. Il reste que la Bourse est un jeu de probabilités et, en tant qu’investisseur, je ne crois pas que ces probabilités soient favorables. Je crois aussi que l'investisseur doit évaluer le titre de Bombardier objectivement, avec les données et les faits d'aujourd'hui, et ne pas laisser les succès passés de l'entreprise influencer sa décision d'investissement.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100, une boutique de gestion de patrimoine, et éditeur de la Lettre financière COTE 100 depuis 1988.

 

Blogues similaires

Vente à découvert: Reddit aura-t-elle besoin de sa propre armée?

Édition du 10 Avril 2024 | Denis Lalonde

EN ACTION. La première fois que j’ai porté une attention à Reddit (RDDT, 45,42 $US), ...

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

La baisse du PIB par habitant ne doit pas inquiéter, mais...

25/03/2024 | Pierre Cléroux

EXPERT. Depuis 2020, soit au début de la pandémie, le PIB par habitant a diminué de 1,3% par année au Canada.