Un bon entrepreneur fait-il un bon investisseur?

Publié le 15/09/2017 à 15:54

Un bon entrepreneur fait-il un bon investisseur?

Publié le 15/09/2017 à 15:54

(Photo: 123rf.com)

Je tiens à souligner d'emblée que je vais généraliser dans ce blogue. J'ai rencontré de nombreux fondateurs d'entreprises au fil des 25 dernières années et je crois être en mesure de constater certaines récurrences dans leur comportement, d'identifier certaines des caractéristiques que plusieurs d'entre eux partagent et qui expliquent à mon avis leur succès.

- L'hyperactivité. Beaucoup d'entrepreneurs sont à mon avis des hyperactifs. Comment peut-il en être autrement quand on décide de se lancer en affaires? Il faut développer son offre de service, bâtir une organisation, trouver des clients, financer son entreprise auprès de prêteurs et d'investisseurs, et j'en passe. Il y a trop peu de 24 heures dans une journée.

L'entrepreneur est aussi une personne qui doit prendre des décisions en série, de grandes décisions stratégiques qui auront un impact majeur sur son entreprise à moyen terme, de même qu’une multitude de petites décisions à tout moment de la journée qui, au total, tissent une culture pour son entreprise. La plupart du temps, l'entrepreneur n'a d'autre choix que de prendre des décisions rapides; il n’a pas le luxe de prendre son temps et d'obtenir toute l'information pertinente.

Le succès d'une entreprise repose également en bonne partie sur la capacité de l'entrepreneur de transiger, de vendre: il est essentiellement un vendeur qui sait convaincre ses clients, ses employés, les investisseurs et ses créanciers de lui faire confiance et d'acheter son produit ou sa vision de son entreprise. Une transaction représente un succès pour l'entrepreneur et plus il multiplie les transactions, plus il a du succès.

Aussi, l’entrepreneur est plus souvent complètement obsédé par une seule et même entreprise, la sienne. Il ne voit pas à l'extérieur, sinon ce qui pourrait affecter ou aider son entreprise.

- La persévérance. J’aurais aussi pu écrire l'entêtement ou l’obstination. Un entrepreneur prend généralement de grands risques en lançant son entreprise et, une fois lancée, il fera tout pour assurer son succès. Il doit absolument être convaincu que sa vision est juste et qu'il a raison de poursuivre dans le sens de cette vision. Le contraire, le doute et l'hésitation, mèneront à l'échec.

Voilà selon moi deux des qualités qu'ont de nombreux entrepreneurs qui ont réussi. C'est peut-être pourquoi ces derniers sont souvent perçus comme des héros, des gens plus grands que nature. Les vrais entrepreneurs sont des gens à part, différents. Heureusement qu'ils existent car ce sont eux (et elles) qui font avancer notre économie, qui créent de la valeur et des emplois. Je leur lève mon chapeau et espère que le Québec continuera d’être un terreau fertile pour les entrepreneurs.

- Le contrôle. Les entrepreneurs sont généralement des gens qui contrôlent tout ce qui se passe dans leur entreprise – des «control freaks»! Ils sont au courant de tout ce qui se passe et sont impliqués dans la plupart des décisions qui concernent leur entreprise. Si un problème se présente, ils s’en occupent immédiatement et activement. Je crois qu’on peut dire que plusieurs d’entre eux ne sont pas des experts de la délégation.

Mais curieusement je ne crois pas que ces qualités des entrepreneurs se transposent avec succès dans le monde de l'investissement, du moins à ma propre vision de ce qui fait un bon investisseur.

À mon avis, un bon investisseur investit pour le long terme. En ce sens, il minimise le nombre de décisions qu'il a à prendre chaque jour. Moins il est actif, moins il transige, et plus il a de chance de connaître du succès en Bourse.

De plus, contrairement à l'entrepreneur, l’investisseur ne tombe pas en amour avec ses investissements. Il reste objectif et est prêt à admettre une erreur et à vendre un mauvais placement ou encore à admettre que les perspectives d’une industrie peuvent changer et devenir moins attrayantes. En revanche, il est aussi constamment à l’affût de nouvelles idées et cherche les occasions qui pourraient se présenter dans de nouvelles industries.

Règle générale, l’investisseur ne peut pas contrôler ce qui se passe au sein des entreprises dans lesquelles il investit. En ce sens, l’investissement boursier est un exemple extrême de délégation – ce sont les dirigeants d’entreprises qui prennent les décisions et l’investisseur n’a pas son mot à dire. S’il est insatisfait de la direction empruntée par une entreprise, la seule chose qu’il puisse vraiment faire est de voter avec ses pieds et vendre ses actions.

Bref, les qualités qui font un bon entrepreneur ne font pas nécessairement un bon investisseur.

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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