Rona est-elle réellement un fleuron québécois?

Publié le 17/09/2012 à 17:00, mis à jour le 18/09/2012 à 08:32

Rona est-elle réellement un fleuron québécois?

Publié le 17/09/2012 à 17:00, mis à jour le 18/09/2012 à 08:32

BLOGUE. Ce matin, j’apprenais que la société américaine Lowe’s retirait son offre d’acheter Rona. Rappelons que Lowe’s avait fait il y a quelques semaines une offre non-sollicitée pour acheter Rona au prix de 14,50 $, offre que s’est empressée de refuser le conseil de Rona et qui a été décriée par de nombreux politiciens. Plusieurs intervenants avaient d’ailleurs mentionné que si Rona était vendue, le Québec perdrait un autre de ses fleurons, ce qui m’a fait un peu sursauter.

Bien que Rona se soit bâti une place de choix dans le secteur de la vente de produits de construction et de rénovation au Québec et même au Canada, peut-on réellement parler de fleuron de l’économie québécoise? Dans mon esprit, un fleuron financier décrit une société qui a connu un succès indéniable sur une longue période et qui a su se démarquer sur le plan financier. C’est une entreprise qui a connu une croissance soutenue, qui est très rentable et qui recèle des perspectives de croissance attrayantes. Des entreprises telles que Couche-Tard, Metro, CGI et Saputo me viennent plutôt à l’esprit.

En premier lieu, sur une période de 10 ans, le titre de Rona est passé de près de 6,75 $ à son cours actuel de près de 11,50 $. Pour la création de valeur à long terme, on a vu mieux. Il est vrai cependant que le titre valait près de 25 $ en 2005 et même en 2007. La crise financière de 2008-2009 aura donc eu un impact majeur sur son titre.

Mais plus important que le cours boursier, qu’en est-il de ses profits au cours des 10 dernières années?

De 2001 à 2011, Rona a vu ses ventes passer de plus de 1,8 milliard $ à 4,8 milliards, un taux de croissance annuel composé de 10,1 %. Pendant la même période, ses profits par action sont passés de 0,35 $ (en tenant compte d’un fractionnement 2-pour-1) à 0,57 $, un taux de croissance de 5 %. Sur 10 ans, on peut constater l’effet de la crise de 2008-2009 sur les résultats de Rona. En effet, au début des années 2000, ses profits par action suivaient définitivement une courbe ascendante : ils ont crù de façon ininterrompue de 0,28 $ en 2000, à 1,64 $ en 2006. C’est par la suite que la performance de la société s’est nettement détériorée puisque les profits ont diminué à 1,53 $ en 2007, à 1,34 $ en 2008, à 1,11 $ en 2009, à 1,09 $ en 2010 et à 0,57 $ en 2011. Ses profits de 0,57 $ en 2011 sont 35 % inférieurs à ceux de son record de 2006.

Si la crise financière de 2008-2009 a eu impact majeur sur la croissance des profits de Rona, on devrait constater le même phénomène chez ses deux principaux concurrents américains, Home Depot et de Lowe’s. De fait, la crise aura probablement eu un impact encore plus important sur ces deux entreprises car le marché immobilier américain a subi un repli nettement plus sévère aux États-Unis qu’au Canada.

Or, dans le cas de Lowe’s, ses profits par action sont passés de 0,65 $ en 2001 à 1,69 $ en 2011, un taux de croissance de 10 %. De plus, la crise de 2008-2009 a fait fléchir ses profits en 2008 et en 2009 mais ils ont fortement rebondi à compter de 2010, de sorte que ses profits de 2011 étaient à seulement 15 % de ses profits records de 1,99 $ enregistrés en 2006.

Quant à Home Depot, ses profits par action étaient de 1,29 $ en 2001 et de 2,47 $ en 2011, un taux de croissance de 6,7 %. De plus, ses profits de 2011 étaient à inférieurs à ses profits records de 2,79 $ enregistrés en 2006 par seulement 11 %.

À la lumière de ces résultats, il n’est pas surprenant que le titre de Rona s’échange à seulement 12,4 fois les profits prévus en 2012 alors que les titres de Lowe’s et de Home Depot se méritent respectivement des ratios de 14,6 et de 17,4.

Je ne me prononcerai pas sur l’importance stratégique de conserver une société telle que Rona entre des mains québécoises ou canadiennes. Mais de là à dire que la société est un fleuron de notre économie…

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 (www.cote100.com) et éditeur de la Lettre financière COTE 100 (www.lettrecote100.com).

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
Sujets liés

Bourse

Blogues similaires

Vente à découvert: Reddit aura-t-elle besoin de sa propre armée?

Édition du 10 Avril 2024 | Denis Lalonde

EN ACTION. La première fois que j’ai porté une attention à Reddit (RDDT, 45,42 $US), ...

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

La baisse du PIB par habitant ne doit pas inquiéter, mais...

25/03/2024 | Pierre Cléroux

EXPERT. Depuis 2020, soit au début de la pandémie, le PIB par habitant a diminué de 1,3% par année au Canada.