Bourse: ne jamais dire jamais

Publié le 10/12/2021 à 10:17

Bourse: ne jamais dire jamais

Publié le 10/12/2021 à 10:17

Une loupe au-dessus d'une pile de documents financiers

Il ne faut jamais dire jamais et il ne faut jamais dire que l’évaluation d’un titre n’a pas d’importance. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Je lisais récemment une recommandation sur un titre que nous détenons en portefeuille et qui a fortement chuté au cours des derniers mois.

L'analyse, très bien faite par ailleurs, expliquait les raisons de la baisse du titre. C'est toutefois la conclusion qui m'a fait sursauter: «Conséquemment, l’évaluation de [la société X] importe peu à ce stade-ci puisque son destin est entre les mains des autorités réglementaires…»

Quelques jours plus tard, mon collègue partageait le commentaire d'un analyste de JP Morgan portant sur un tout autre titre, à la mode celui-là, qui se concluait ainsi: «… et nous continuons de considérer [la société Y] comme une entreprise élite de l’industrie des logiciels et son titre mérite la plus haute considération de la part des investisseurs qui suivent des stratégies non sensibles aux évaluations.»

«Non sensible aux évaluations»? Dans la catégorie des euphémismes, j’ai trouvé l’expression plutôt cocasse. Traduction: le titre est trop cher, mais cela n’a pas d’importance.

Or, je crois que l'évaluation est toujours capitale en investissement, à tout le moins à moyen et long terme. Comme on dit communément, «tout a un prix» et le prix que l’on paye pour toute chose est fondamental. Si je vous fais une offre de 200 000$ pour votre maison, vous la balayeriez probablement du revers de la main sans la considérer plus de deux secondes – vous n’êtes pas vendeur, après tout. Mais si je reviens vous voir le lendemain avec une offre de 2M$, vous serez plus enclin à m’écouter, non?

À quoi me sert de savoir si l’entreprise est un leader de son industrie, que ses perspectives de croissance sont favorables ou que ses dirigeants sont hors-pair si ce n’est pas pour estimer la valeur de cette société?

Dans le cas d’une société dont les perspectives sont moins favorables, est-il logique de dire que vous n’êtes pas intéressé à y investir à tout prix? N’y a-t-il pas un prix suffisamment attrayant pour vous faire changer d’idée?

Tout le travail d’un analyste financier ou d’un investisseur repose sur sa capacité à évaluer une entreprise. Il doit mesurer de nombreux aspects de cette entreprise et se servir de cette analyse pour en établir une évaluation raisonnable. Si tout va bien et que les perspectives sont favorables, il attribuera une évaluation plus élevée. Si au contraire, les perspectives sont moins favorables et les risques plus élevés, il lui attribuera une évaluation modeste.

Et que dire des risques? Dans le secteur de l’assurance par exemple, vous trouverez toujours un assureur pour couvrir tout genre de risque. Plus une couverture est risquée et inhabituelle (non standard), plus la prime d’assurance sera élevée. L’assureur fait en quelque sorte le même travail que l’analyste financier – il attribue un prix, une évaluation, au risque encouru.

Il est à mon avis inadmissible et dangereux qu’un analyste dise que l’évaluation du titre qu’il a analysé n’est pas importante (d’un côté comme de l’autre, pour un titre cher ou peu cher).

En même temps, c’est précisément cette manière de penser d’une frange d’investisseurs qui crée des anomalies dans les marchés boursiers. C’est lorsqu’un groupe d’investisseurs croit que l’évaluation d’un titre ou d’un secteur est sans importance que l’on retrouve les extrêmes d’évaluations vus lors de la bulle techno de la fin des années 1990.

En même temps, lorsque vous lisez qu’un titre ne devrait pas être acheté même s’il est significativement sous-évalué sur une base fondamentale, il y a de bonnes chances que vous ayez identifié une occasion d’investissement fort attrayante. N’est-ce pas ce qui s’est produit pendant la crise financière de 2008-2009 alors que de nombreux investisseurs ont paniqué et opté pour la vente à tout prix?

Il ne faut jamais dire jamais et il ne faut jamais dire que l’évaluation d’un titre n’a pas d’importance.

 

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100

P.S. Je ferai relâche pour la période des Fêtes à compter du 18 décembre et serai de retour avec un blogue le 7 janvier 2022. J’en profite pour vous souhaiter de Joyeuses fêtes et une Bonne Année 2022. Santé et prospérité! N’hésitez pas à me faire parvenir vos questions ou commentaires par courriel.

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
Sujets liés

Bourse

Blogues similaires

Bourse: Luc Girard analyse la situation chez Dollarama et BRP

12/04/2024 | Denis Lalonde

BALADO. Les titres de Dollarama et BRP on bien fait récemment, mais la situation peut-elle durer?

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

La baisse du PIB par habitant ne doit pas inquiéter, mais...

25/03/2024 | Pierre Cléroux

EXPERT. Depuis 2020, soit au début de la pandémie, le PIB par habitant a diminué de 1,3% par année au Canada.