Avant d'investir dans le cannabis, faites vos calculs!

Publié le 22/01/2018 à 08:47, mis à jour le 25/10/2019 à 09:36

Avant d'investir dans le cannabis, faites vos calculs!

Publié le 22/01/2018 à 08:47, mis à jour le 25/10/2019 à 09:36

L'humain n'est pas doué pour prendre des décisions de nature économique sous le coup de l'émotion ou de l'intuition. Même si cette habitude l’a, semble-t-il, très bien servi au cours des millénaires de son évolution, il y a un monde de différence entre une décision devant une situation qui met sa survie en jeu (un lion l'attaque) et une décision visant l'achat d'une maison.

J'estime que la meilleure chose à faire devant toute décision financière est, de un, prendre son temps et, de deux, compter un peu.

Par prendre son temps, j'entends qu'il ne faut jamais se sentir pressé ou stressé lorsque vient le temps de prendre une décision. Pourquoi croyez-vous qu'un bon vendeur laisse souvent entendre que votre décision d'acheter cette maison ne peut pas vraiment attendre, qu'il y a un autre acheteur sur le point de faire une offre ou que l'escompte de 25% sur ce réfrigérateur prend fin aujourd'hui?

Il est tellement facile de se sentir poussé vers des décisions d'investissement en Bourse. Votre voisin a quintuplé son argent ces derniers mois en achetant des bitcoins. Le marché américain s’est apprécié de près de 20% l'an dernier et vous n'aviez pas de titres américains... Pourquoi ne participerais-je pas moi aussi à cette manne que nous offre le gouvernement canadien en légalisant le cannabis? La tentation est souvent trop forte et l'on ne peut résister à l'appât du gain rapide et facile, sans compter l'effet de l'envie que provoquent les gains des autres.

Mais avant de vous laisser tenter, prenez l'habitude de prendre votre temps. Quelle est l'urgence d'acheter maintenant?

Prenez le temps de compter avant de vous lancer. Cet investissement a-t-il du sens, économiquement parlant? Puis-je de façon rationnelle justifier un tel investissement en fonction des chiffres?

Un exemple qui défraye l'actualité présentement: le secteur du cannabis au Canada. Une évaluation sommaire des 10 plus importantes sociétés canadiennes du secteur tourne autour de 20 G$ en cemoment. Est-ce réaliste?

Voyons plutôt les chiffres. Nous sommes environ 35 M de Canadiens. Prenons comme hypothèse que le quart des citoyens seront éventuellement des consommateurs, soit près de 9 M. Supposons maintenant qu'ils achèteront pour 500$ de cannabis, en moyenne, par année, ce qui un total de 4,5 G$ par année. Or, une part importante de cette somme ira au détaillant du produit, c’est-à-dire au gouvernement dans la plupart des provinces. Disons qu'il restera la moitié aux producteurs, soit près de 2,5 G$. Il s’agit là des revenus; mais l'important, ce sont les profits. Compte tenu de l'aspect «commodité» ou denrée de base du cannabis, ou de tout autre produit agricole, j'estime qu'une marge bénéficiaire de 5% serait un jour réalisable, ce qui pourrait se traduire par des bénéfices de 125 M$. Est-ce suffisant pour justifier une évaluation de quelque 20 G$? (Cela donne un multiple de 160 fois les profits hypothétiques futurs).

Bien sûr, je peux m'être trompé dans plusieurs éléments de mes calculs. On peut par exemple argumenter sur les marges de profit futures. On peut aussi considérer que le marché américain pourrait être inclus dans ces calculs ou qu’il y aura davantage de sociétés que les 10 que j’ai considérées. Comme on dit, il s'agit d'un calcul rapide. Mais c'est tout de même un calcul. C'est probablement plus que ce que la majorité des investisseurs ont fait avant d'acheter des actions des titres de ce secteur au cours des derniers mois. Vous pouvez remettre mon calcul en question, mais faites votre propre calcul!

C’est précisément le point que j’essaie de communiquer: faites des calculs avant de vous laisser entraîner par l'émotion et l'appât souvent irrésistible du gain rapide.

Philippe Le Blanc, MBA, CFA

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

 

Blogues similaires

Bourse: la Banque Royale fait trembler le marché des actions privilégiées

19/04/2024 | Denis Lalonde

BALADO. La Banque Royale envoie un signal clair qu'elle pourrait racheter toutes ses actions privilégiées.

Encore trop tôt pour sauter dans l’arène

Édition du 14 Juin 2023 | Dominique Beauchamp

ANALYSE. Les banques canadiennes pourraient rester sur le banc des pénalités quelque temps encore.

Productivité: les entreprises doivent investir davantage

22/04/2024 | Pierre Cléroux

EXPERT. Depuis 2019, le Canada a enregistré le plus faible rythme de croissance de productivité parmi le G7.