Le vrai scandale derrière l'affaire Bombardier

Publié le 07/04/2017 à 16:32

Le vrai scandale derrière l'affaire Bombardier

Publié le 07/04/2017 à 16:32

L'affaire des salaires des hauts dirigeants de Bombardier a fait couler beaucoup d'encre au cours des derniers jours. Je ne tiens pas à y revenir car tout a probablement été dit sur le sujet. Je n'avais pas l'intention d'en parler, mais l’article de M. Jean-Paul Gagné paru dans l’édition du 8 avril dans Les Affaires m'a fait réfléchir.

J'aimerais spécialement pointer du doigt une pratique corporative que je juge malsaine et qui risque fort de mener à une augmentation galopante des salaires des hauts dirigeants des grandes entreprises. Remarquez: il est déjà bien tard pour réagir. En effet, selon l'article de M. Gagné qui citait une étude réalisée par l'Université Harvard en 2014, les chefs de direction des entreprises du Fortune 500 gagnaient, en moyenne, 12,6 M$ US en 2014, soit 354 fois la rémunération moyenne des travailleurs. J’ajouterais que, comme investisseur, je porte une attention particulière à la rémunération des hauts dirigeants et tente autant que possible de me tenir loin des sociétés qui exagèrent à ce chapitre.

À mon humble avis, en plus de la cupidité, ces excès dans la rémunération des hauts dirigeants proviennent en bonne partie de la pratique des conseils d'administration d'utiliser les services des grandes firmes de consultation en ressources humaines (RH) pour les aider à établir les salaires de leurs hauts dirigeants. Avant toute chose, je crois que ces firmes de RH ont un sérieux conflit d'intérêts. Vont-elles vraiment proposer des baisses de salaires ou une rémunération inférieure aux conseils d'administration qui les emploient et les rémunèrent? Même si les dirigeants ne figurent pas dans les comités de rémunération, il y a tout de même un sérieux biais à rendre la direction heureuse.

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Deuxièmement, la façon de faire des grandes firmes de consultants est de comparer les salaires des hauts dirigeants de leur client corporatif avec ceux de sociétés comparables. Ainsi, Bombardier pourra par exemple se comparer à Boeing, Airbus, General Dynamics, etc. On établit une moyenne et on compare. Si les salaires des dirigeants sont largement inférieurs à la moyenne, on a alors toute la justification nécessaire pour augmenter sensiblement la rémunération. S’ils sont supérieurs à la moyenne, on pourra bien les justifier par la performance financière ou la taille supérieure d'une entreprise. À ma connaissance, rares sont les conseils d'administration qui sabrent dans les salaires.

Or, si la plupart des entreprises veulent offrir des salaires supérieurs à la moyenne (car c’est selon les conseils d’administration «la seule façon d’être compétitifs et d’attirer des dirigeants de qualité»), la moyenne des salaires ne peut qu’augmenter d’année en année. C’est purement mathématique! Et c’est aussi ce qui explique que les salaires augmentent inexorablement, produisant ainsi une inflation et des salaires démesurés.

Personnellement, je n'ai jamais eu de problèmes avec le fait qu'un haut dirigeant fasse fortune s'il a réalisé un travail exceptionnel et que les actionnaires de l'entreprise se sont considérablement enrichis grâce à son bon travail. Par contre, j'ai beaucoup moins de tolérance et de respect pour les conseils d'administration qui avalisent des systèmes de rémunération qui enrichissent les hauts dirigeants sans égard à l'enrichissement des actionnaires. La pratique d'utiliser des consultants externes et supposément indépendants permet aux administrateurs de se laver les mains et de justifier leurs décisions par de beaux rapports émis par ces consultants. Ils devraient toutefois se demander s'ils accepteraient de telles rémunérations si la société leur appartenait.

 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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