Est-ce payant de laisser dormir son portefeuille?

Publié le 03/02/2017 à 15:08

Est-ce payant de laisser dormir son portefeuille?

Publié le 03/02/2017 à 15:08

Photo:123rf

BLOGUE. C'est en lisant le livre 100 Baggers, de Christopher Mayer, que j'ai entendu parler de cette théorie pour la première fois. En anglais, on l'appelle «Coffee-Can Portfolio», que je traduis par «portefeuille de la boîte à café».

Selon l'auteur, cette idée vient de Robert Kirby, qui était à l'époque gestionnaire de portefeuille pour la société Capital Group, une grande firme de gestion de portefeuille. En 1984, Kirby a écrit un article pour le Journal of Portfolio Management dans lequel il racontait l'histoire du mari d'une cliente dont il gérait le portefeuille. Pour chaque titre que Kirby achetait dans le portefeuille de sa cliente, le mari en achetait pour la somme de 5 000 $. La différence est qu'alors que Kirby vendait plus tard un titre, le mari conservait systématiquement ses actions. L'idée de la boîte à café vient de l'époque des pionniers de la Conquête de l'Ouest au 19e siècle où les gens cachaient leurs possessions les plus précieuses dans une boîte à café en métal hermétique pour les abriter des intempéries et des voleurs. Au Québec, on cachait autrefois ses possessions de valeur sous son matelas; aujourd'hui, c'est souvent dans un coffret de sécurité.

La théorie de la boîte à café consiste donc à acheter des titres triés sur le volet et à les laisser dormir pendant au moins 10 ans, à l'abri des commissions, des impôts et surtout des événements susceptibles de perturber un portefeuille.

Warren Buffett a exprimé un peu la même idée avec ces mots : «N'achetez un titre que si vous étiez heureux de le conserver même si le marché fermait pendant dix ans».

En d'autres mots, vaut-il mieux être un investisseur passif qu'un investisseur actif?

Eh bien, il y a une méthode toute simple pour vérifier cette théorie et c'est par la Lettre Financière COTE 100 que l'on publie depuis 29 ans.

Le premier janvier 2017, la Lettre publiait ses résultats sur différentes périodes. Du 1er janvier 2007 au 1er janvier 2017, le portefeuille réel de la Lettre affiche a affiché un rendement annuel composé de 13,1%, comparativement à 4,7% pour le S&P/TSX Total (avec les dividendes) pour la même période. Or, que se serait-il passé si nous avions conservé tous les titres du portefeuille de la Lettre de 2007 à 2017, sans apporter le moindre changement au portefeuille, conformément à la théorie de la boîte à café?

L'exercice est intéressant, surtout que, le double mandat de la Lettre est de tenter de recommander et d'acheter dans son portefeuille un nouveau titre chaque mois, de sorte que nous n'avons d'autre choix que de faire passablement de transactions afin de nous limiter à 30 titres en portefeuille en tout temps.

Avec surprise, le portefeuille de départ qui valait 660 761 $ le 1er janvier 2007, sans achat ni vente ou quelque transaction que ce soit, aurait valu dix ans plus tard la somme de 1 826 866 $. Cela se compare à une valeur de 2 270 565 $ pour le portefeuille réel (celui dans lequel il y a eu des transactions). Il s’agit d’un rendement annuel composé de 11,1% comparativement à notre rendement réellement obtenu de 13,1%.

Pour être justes, nous devons tenir compte des intérêts que nous aurions obtenus sur l’encaisse qui aurait résulté des titres du portefeuille original qui ont subséquemment été achetés (OPA; 6 des 27 titres originaux ont fait l’objet d’OPA au cours des 10 années subséquentes) ainsi que des dividendes qui auraient été reçus. J'évalue ce rendement additionnel à 1,4%, ce qui porterait le rendement du portefeuille à 12,5%.

On a donc fait un peu mieux! De peu, me direz-vous. Il reste qu’un rendement additionnel de 0,6% par année pendant 10 ans fait des petits: il se traduit par une différence de valeur de près de 125 000 $.

Cet exercice est purement théorique. J’en conclus néanmoins qu’il est généralement difficile d’ajouter beaucoup de valeur à son portefeuille en transigeant activement. En d’autres termes, en Bourse, l'inactivité vaut souvent mieux que l’activité.

Philippe et Guy Le Blanc

À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est président et chef des placements chez COTE 100, une boutique de gestion de portefeuille. Il est également éditeur de la Lettre financière par COTE 100, publiée mensuellement depuis 1988.

 

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