Inversion des taux: du «bruit» pour l'investisseur à long terme

Publié le 29/03/2019 à 16:22

Inversion des taux: du «bruit» pour l'investisseur à long terme

Publié le 29/03/2019 à 16:22

(Photo: Chris Liverani pour Unsplash)

BLOGUE INVITÉ. On sent que la nervosité est de retour sur les marchés boursiers depuis quelque temps. Vendredi dernier, notamment, le S&P 500 a essuyé un recul de 1,9%.

C’est que pour la première fois depuis 2007, les taux d’intérêt des obligations 10 ans du gouvernement américain ont baissé sous les taux obtenus pour les mêmes obligations d’une échéance de trois mois. Ainsi, en fin de journée, le taux obtenu sur les obligations 10 ans était de 2,437% comparativement à 2,549% pour les obligations trois mois («T-bills»).

Une courbe inversée des taux est un signal que les investisseurs anticipent un ralentissement économique, voire une récession, dans les mois et trimestres à venir. C’est ce qui explique la nervosité récente des marchés.

Évidemment, une récession n’est jamais favorable aux marchés boursiers. Elle causerait sans doute une diminution des bénéfices des entreprises, surtout pour celles dont les activités sont davantage liées à l’économie.

Mais il y a un autre côté à la médaille. Il concerne l’évaluation des titres boursiers et leur attrait comparativement aux autres options d’investissement. Comme on a pu le voir plus haut, les taux d’intérêt d’une obligation «sans risque» 10 ans du gouvernement américain offrent à peine 2,5% présentement. L’automne dernier, le rendement de cette même obligation avoisinait les 3,2%...

Dans ce contexte, il faut se demander si les actions offrent un potentiel de rendement comparatif attrayant.

Or, selon Standard & Poors, les bénéfices prévus en 2019 pour les sociétés qui composent l’indice S&P 500 sont de 165,50$US, ce qui, au niveau actuel de l’indice, se traduit par un ratio cours-bénéfices de 16,9. Si l’on calcule l’inverse du ratio cours-bénéfices, on obtient un rendement des bénéfices d’environ 5,9% (165,50$US/2798).

Vous conviendrez comme moi que le rendement des bénéfices de 5,9% offert par le marché boursier dans son ensemble est largement supérieur au rendement sans risque de moins de 2,5% des obligations 10 ans du gouvernement américain.

Bien sûr, il n’y a pas de garantie en Bourse – c’est précisément la raison pour laquelle ses rendements sont largement supérieurs à long terme à ceux moins risqués des obligations. En 2019, les bénéfices des sociétés pourraient très bien être inférieurs à la prévision de Standard & Poors, surtout si une récession survenait. Sa prévision annuelle a d’ailleurs été réduite de 3,6% depuis trois mois.

Les récessions font partie intégrale des cycles économiques. Les sociétés qui sont en bonne santé financière et dont les activités ne sont pas trop cycliques les traversent généralement sans difficulté. Certaines réussissent même à profiter de ces périodes économiques plus difficiles pour prendre du galon: faire des acquisitions, racheter leurs actions, gagner des parts de marché face à des concurrents moins solides.

J’ai bien de la difficulté avec les soi-disant «signaux» de vente et d’achat tels que celui de l’inversion des taux. Lorsque tout le monde parle du même signal (et c’est ce que tous les médias font depuis plusieurs jours), on peut à mon avis le remettre sérieusement en question.

Un investisseur qui pense à long terme ne devrait pas se laisser influencer par de tels «bruits» ambiants.

Philippe Le Blanc, CFA. MBA 

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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