Une hausse des taux directeurs signifie-t-elle une baisse des marchés boursiers?

Publié le 18/02/2022 à 13:20

Une hausse des taux directeurs signifie-t-elle une baisse des marchés boursiers?

Publié le 18/02/2022 à 13:20

Le logo de la Réserve fédérale américaine

De nombreux observateurs craignent qu’une continuation de la hausse des taux d’intérêt dans les prochains mois entraînera une correction des marchés boursiers. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. De nombreux observateurs attribuent la correction récente des marchés boursiers à la hausse des taux d’intérêt survenue au cours des dernières semaines. En effet, le taux offert par une obligation 10 ans du gouvernement américain est maintenant de 2,04% par rapport à un peu plus de 1,60% en début d’année.

Si j’examine l’indice américain Nasdaq, en grande partie constitué de titres de sociétés technologiques, il a atteint son sommet le 22 novembre dernier et touché un bas récent le 28 janvier dernier, provoquant ainsi une correction de plus de 18 %. Pendant la même période, le taux d’intérêt 10 ans du gouvernement américain est passé de 1,48% à 1,93%. Ces chiffres semblent corroborer la relation négative entre les taux d’intérêt et les cours boursiers.

C’est probablement pourquoi de nombreux observateurs craignent qu’une continuation de la hausse des taux d’intérêt dans les prochains mois entraînera une correction des marchés boursiers.

Or, je lisais récemment un article intéressant publié par Zacks Investment Research qui permet de remettre en question une relation cause à effet directe entre les taux d’intérêt et les marchés boursiers, du moins à moyen terme. Voici le tableau présenté par Zacks :

 

Période de hausse des taux par la Fed

Changement du taux directeur

(en points de pourcentage)

Variation du S&P 500

durant la période

Juillet 1954 à octobre 1957
2,7% +33%
Mai 1958 à novembre 1959
3,4% +32%
Mai 1967 à septembre 1969 5,2% +5%
Mars à septembre 1971 1,8% -2%
Février 1972 à juillet 1974 9,6% -26%
Janvier 1977 à juillet 1981 14,4% +28%
Février 1983 à août 1984 3% +13%
Mars 1988 à mars 1989 3,3% +14%
Décembre 1993 à avril 1995 2,7% +33%
Janvier 1999 à juin 2000 1,9% +14%
Juin 2004 à juillet 2005 4,2% +12%
Novembre 2015 à janvier 2019 2,3% +30%
Source: Réserve fédérale, Bloomberg, Zacks    

 

Ainsi, depuis les années 1950, il y a eu aux États-Unis 12 périodes pendant lesquelles la Réserve fédérale américaine a haussé son taux directeur de manière soutenue.

Quels ont été les rendements enregistrés par le marché boursier durant ces périodes de taux haussiers?

Au cours des 12 périodes recensées, l’indice S&P 500 n’affiche que deux périodes de rendements négatifs : –2% entre mars et septembre 1971 (alors que le taux directeur a augmenté de 1,8%) et –26% entre février 1972 et juillet 1974 (hausse du taux directeur de 9,6%).

Pendant les dix autres périodes, le S&P 500 a enregistré des rendements positifs, en moyenne de 21,4%.

J’en conclus que des hausses des taux d’intérêt ne sont pas obligatoirement défavorables aux marchés boursiers, bien qu’elles puissent accroître leur volatilité à court terme.

En effet, il faut se rappeler que des hausses d’intérêt ne sont pas totalement négatives pour l’investisseur, car elles surviennent la plupart du temps lorsque l’économie tourne à plein régime. Il me semble d’ailleurs que ce soit le cas présentement alors que la robustesse de l’économie après la pandémie mène à une inflation élevée que les autorités réglementaires tentent de mater.

La forte baisse des marchés boursiers survenue pendant les années 1970 et que je cite plus haut s’est produite au cours d’une période économique différente, me semble-t-il, de celle que nous traversons présentement. À l’époque, les cours du pétrole avaient explosé à la hausse en raison de l’embargo des États-Unis par l’OPEP (Organisation de pays producteurs de pétrole) et alors que l’économie américaine chancelait déjà. Les économistes parlaient alors d’une période de « stagflation ».

Je ne fais aucune prévision à court terme des marchés boursiers. Il me semble toutefois que de nombreux observateurs ne se concentrent que sur l’aspect négatif d’une hausse des taux d’intérêt sur les marchés boursiers et oublient que c’est une économie en expansion qui mène à cette hausse des taux. Selon moi, rien n’indique que nous traversions une période similaire à celle des années 1970.

 

Philippe Le Blanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100

À propos de ce blogue

Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100+. Il est également l’auteur du livre Avantage Bourse et coauteur de La Bourse ou la Vie.

Philippe Leblanc
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