Détenir des obligations n'est pas une obligation

Publié le 04/06/2021 à 10:47

Détenir des obligations n'est pas une obligation

Publié le 04/06/2021 à 10:47

(Photo: Firmbee pour Unsplash)

BLOGUE INVITÉ. J'ai reçu une question intéressante d'un lecteur (M. Gaudet) dernièrement, une question que je trouve particulièrement pertinente et d'actualité. La voici:

«La question que je me pose est complexe et personne n’est capable de me répondre franchement. Depuis 5 ans je suis 100% en actions et ne possède aucune obligation. Je suis très à l’aise avec mon portefeuille. Est-ce une nécessité d’avoir des obligations dans un portefeuille?»

D'entrée de jeu, je suis probablement un peu biaisé. Depuis que j'investis, ce qui fait maintenant plus de 30 ans, je n'ai jamais détenu d'obligations. De fait, ce n'est pas tout à fait vrai: j'en ai possédé une (de la Banque Nationale) pendant quelques mois que j'ai acquise au beau milieu de la crise financière de 2008-2009 alors que le monde entier remettait la solidité des banques en question. Il n'en reste pas moins que je suis un «gars d'actions». À long terme, j’ai toujours cru qu’il était préférable d’être «propriétaire» que «créancier».

À mon avis, il y a un problème avec la «sagesse» populaire voulant qu'un investisseur doive détenir des obligations dans son portefeuille et que la proportion doive augmenter avec l’âge. N'est-il pas courant d'utiliser la formule d'usage selon laquelle le pourcentage de son portefeuille en obligations devrait être égal à son âge moins ( - ) 20%? En tant qu’investisseur «à contre-courant», je me méfie des formules générales.

Deux exceptions

Bien que je privilégie les actions, il y a selon moi deux bonnes raisons de détenir des obligations.

La première est que l'investisseur devrait investir en actions seulement les économies dont il n'aura pas besoin avant longtemps, je dirais au moins cinq ans, préférablement 10 ans ou plus. Tout autre argent dont l’investisseur aura besoin dans un horizon de cinq ans ou moins devrait être investi dans le marché monétaire ou des obligations. Dans de telles circonstances, l’investisseur devrait moins se soucier du rendement de son capital que de le récupérer.

Je me permets un aparté ici. Bien des gens à la retraite et d'un âge avancé se sentent en quelque sorte obligés de posséder beaucoup d'obligations. Comme ils ont substantiellement moins de revenus, les obligations viendront théoriquement les combler. Pour plusieurs, c'est probablement la bonne chose à faire, car ils ne peuvent pas se permettre une baisse importante de leur portefeuille alors qu'ils sont en mode de décaissement. Toutefois, je connais de nombreux retraités qui ont accumulé des économies largement supérieures à leurs besoins financiers éventuels. Je crois que ces investisseurs devraient adopter un horizon de placement à long terme, car leurs économies iront fort probablement à leur succession. Dans de tels cas, les actions devraient être largement favorisées.

Selon moi, l’autre raison de détenir des obligations est de réduire sensiblement la volatilité de son portefeuille à court terme. Reportez-vous à mars 2020. Si vous avez été pris de panique lorsque les marchés ont chuté de près de 30% et avez vendu vos actions pendant cette période, vous devriez alors privilégier les obligations pour une partie non négligeable de votre portefeuille. Si, au contraire, vous avez traversé cette forte correction (et peut-être aussi celle de 2008-2009) sans paniquer, vous êtes fait pour détenir des actions.

En somme, si vous ne faites pas partie de ces deux exceptions, détenir des obligations n'est certainement pas une obligation!

J'ajouterais aussi que le but ultime de l'investisseur est que ses économies lui permettent d'acheter davantage dans le futur. Il veut donc s'assurer d'obtenir des rendements au moins aussi élevés que le taux d'inflation futur. Or, historiquement et à long terme, les actions ont permis de surpasser confortablement l'inflation alors que les obligations ont un historique beaucoup plus mitigé à cet égard. Avec les taux offerts présentement par les obligations, il me semble qu'il sera pratiquement impossible de le faire au cours des années à venir.

Philippe Leblanc, CFA, MBA

Chef des placements chez COTE 100

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