Twitter est-il maintenant de droite?

Publié le 16/11/2022 à 09:00

Twitter est-il maintenant de droite?

Publié le 16/11/2022 à 09:00

Donald Trump a été banni de Twitter le 8 janvier 2021 en raison du risque d'incitation à la violence après l'attaque violente du Capitole. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. L’acquisition récente de Twitter par le sulfureux et richissime Elon Musk suscite des réactions fortes dans le milieu médiatique et politique, et surtout auprès des utilisateurs du réseau social en question.

En un mot, plusieurs craignent que le PDG de SpaceX transforme Twitter en plateforme penchant fortement «à droite». Mais comment juger si Twitter ou tout autre réseau social est de gauche ou de droite?

 

La droite accueille Musk à bras ouverts

Pour plusieurs, que Twitter et les autres réseaux sociaux penchent d’un côté ou de l’autre de l’échiquier politique semble une évidence. À preuve, les conservateurs se plaignent fréquemment d’être la cible de censure par Twitter ou Facebook, surtout alors que l’équipe de gestion précédente de Twitter avait banni le président américain Donald Trump, très populaire au sein de certains cercles à droite. Cette situation pourrait nous mener à déduire que ces deux médias sociaux sont «de gauche».

Ces mêmes conservateurs ont d’ailleurs accueilli Elon Musk, généralement considéré au centre droit, en sauveur après son acquisition du média social alors qu’une certaine gauche a réagi en accusant Musk de vouloir transformer la plateforme en «fosse septique» ou en «véhicule de propagande» de droite.

Étant donné les commentaires de gauche et de droite qui ont suivi l’acquisition de la plateforme par le directeur général de Tesla, la crainte d’une politisation exacerbée de Twitter semble fondée.

Après tout, sur Twitter, le 7 novembre dernier, Elon Musk encourageait les électeurs américains à voter pour le parti républicain lors des élections de mi-mandat, rien de moins, en prêchant pour un «équilibre des pouvoirs» entre une présidence démocrate et une chambre législative qui tomberait aux mains des républicains.

On pourrait donc croire que depuis son acquisition par Elon Musk, Twitter pencherait davantage vers la droite. Toutefois, les apparences sont trompeuses.

 

Qui politise réellement les médias sociaux?

L’attention portée à Elon Musk comme élément déterminant la ligne idéologique de Twitter démontre que nous avons tendance à juger l’inclinaison idéologique potentielle d’une plateforme par l’influence de ses dirigeants, ce qui est peut-être une erreur.

Dans les faits, si une plateforme comme Twitter est de gauche ou de droite, cela n’est que partiellement dû aux dirigeants. C’est plutôt la base d’utilisateurs d’un réseau social qui créent et partagent un contenu, souvent de nature politique, qui détermine l’axe idéologique dominant d’une plateforme.

Si un média social comme Twitter doit verser vers la droite ou la gauche, cela sera donc largement déterminé par le rapport entre le nombre d’utilisateurs qui penchent d’un côté ou de l’autre et la popularité des commentaires et du contenu partagés — sans nier l’influence des modérateurs ou même de l’algorithme.

 

La question est ailleurs

La question la plus pertinente au débat entourant la nature idéologique de Twitter et des différents médias sociaux dépasse cependant celle à savoir si Twitter est de gauche ou de droite grâce à l’influence de ses dirigeants ou de ses utilisateurs.

Il faut peut-être se demander si les moyens de communication incroyables que l’internet nous offre mènent réellement à la création d’une sorte de place publique virtuelle partagée sans frontières et sans limites, au sein d’une sorte de démocratie globale qui échapperait à toutes formes de contrôle, surtout celui des médias traditionnels, comme les futuristes les plus optimistes l’annonçaient jadis.

À l’inverse, ces espaces de communications semblent plutôt donner lieu à un dialogue de sourds entre chambres d’échos qui amplifient une ferveur idéologique malsaine à gauche comme à droite, et ce, tout en contribuant à l’atomisation croissante de notre société.

Voilà peut-être pourquoi le débat fait rage avec autant d’intensité.

Malgré leurs discours vertueux pour réduire la «désinformation», la dissémination de contenu «offensant» ou même la «liberté d’expression», aussi valides ces concepts peuvent-ils être théoriquement, le but des différents camps, de la gauche et de la droite, n’est pas d’assurer la neutralité des médias sociaux et encore moins de créer un espace où les différentes idées politiques sont présentes de façon juste et équilibrée.

L’objectif véritable est et a toujours été de maîtriser les moyens de communication et les Twitter de ce monde pour assurer une domination idéologique et politique.

Au-delà du discours qui entoure la prise de Twitter par Elon Musk, on retrouve l’instinct le plus primal de l’homme: sa volonté de conquête et de contrôle.

Il a toujours été naïf de croire le contraire.

À propos de ce blogue

Considérée à une certaine époque comme un temple de la rigidité, de la hiérarchie, d’un certain conservatisme même, l’entreprise évolue aujourd’hui à grande vitesse et est souvent l’une des premières institutions, avec l’université et les médias, à adopter les mouvances dominantes du moment. En décortiquant les événements du monde des affaires qui font les manchettes, ce blogue analyse l’influence des tendances politiques et idéologiques qui s’installent dans le monde de l’entreprise et des affaires dans l’objectif d’aider les différentes parties prenantes, des employés aux employeurs jusqu’aux consommateurs, à naviguer ces fluctuations nombreuses et parfois déroutantes. Philippe Labrecque est auteur et journaliste indépendant. Il a travaillé pendant une dizaine d’années en développement économique et en intelligence d’affaires après avoir complété un baccalauréat en sciences politiques et une maîtrise en politiques publiques à l’Université Concordia, un certificat en études politiques européennes de l’Institut d’études politiques de Strasbourg ainsi qu’une maîtrise en études des conflits internationaux au King’s College de Londres. Philippe Labrecque est l’auteur du livre «Comprendre le conservatisme en 14 entretiens» aux éditions Liber (2016) ainsi que de plusieurs articles d’opinions et d’analyses publiés au sein de publications québécoises, britanniques, françaises et américaines.

Philippe Labrecque

Sur le même sujet

Elon Musk poursuit OpenAI et son dirigeant, Sam Altman

OpenAI devait rendre son code ouvert au public au lieu de le cloisonner au profit d’une entreprise privée.

Le premier patient humain de Neuralink contrôle une souris d'ordinateur par la pensée, affirme Elon Musk

20/02/2024 | AFP

Musk avait annoncé fin janvier que Neuralink avait posé son premier implant cérébral sur un patient.

Blogues similaires

Hockey Canada paiera cher la perte de sa réputation

11/10/2022 | Jean-Paul Gagné

BLOGUE. Hockey Canada vit un cauchemar qui ne sera résolu que par l’installation d’une nouvelle gouvernance.

Quelle sera la prochaine révolution industrielle?

27/03/2024 | Nicolas Duvernois

EXPERT INVITÉ. «Ne pas se tenir au courant de ces innovations, voire être réfractaire, pourrait être fatal.»

Vous sentirez l'onde de choc du «Made in China 2025»

Édition du 20 Mars 2024 | François Normand

La politique industrielle lancée en 2015 commence à atteindre sa vitesse de croisière.