Votre tasse à café influence-t-elle votre attitude au bureau?

Publié le 16/08/2016 à 06:09

Votre tasse à café influence-t-elle votre attitude au bureau?

Publié le 16/08/2016 à 06:09

L'air de rien, nos objets trahissent notre personnalité... Photo: DR

Je rentre tout juste de vacances et viens donc de retrouver mon espace de travail que j'avais fini par oublier presque complètement — j'ai dû appeler le service informatique pour m'aider à retrouver mon mot de passe, c'est dire! Un espace épuré : une table en bois, un Mac, quelques pochettes bourrées de documents en papier, une boîte à crayons en forme de cannette et — bien sûr — la tasse à café bleue à pois blancs que je traîne avec moi depuis nombre d'années. Un espace dans lequel, comme nombre d'entre vous, je me sens bien puisque "comme chez moi".

Ces retrouvailles ont déclenché en moi une curieuse interrogation : qu'est-ce qui fait que l'on se sente chez soi, ou pas, dans un espace de travail? Est-ce le fait de pouvoir le personnaliser? Et par suite, le fait que les objets qui le composent ressemblent à son occupant? Autrement dit : au bureau, les objets ont-ils une influence non négligeable sur nous?

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Vous me connaissez, j'ai voulu en avoir le coeur net. Et c'est ainsi que j'ai mis la main sur une étude fascinante intitulée Products as self-evaluation standards: When owned and unowned products have opposite effects on self-judgment. Celle-ci est signée par : Liad Weiss, professeur de marketing à l'Université du Wisconsin à Madison (États-Unis); et Gita Venkataramani Johar, professeure de science des affaires à l'École de commerce Columbia à New York (États-Unis). Regardons ensemble de quoi il s'agit...

Tout à commencé par l'envie de prendre le contre-pied de nos idées reçues. Les deux chercheurs ont en effet noté qu'il était courant de croire que nos achats traduisaient souvent notre personnalité : par exemple, acheter un stylo Mont Blanc ou un Bic n'est pas innocent car cela envoie aux autres un signal particulier (dans le premier cas, on tient à indiquer aux autres à quel point nous sommes quelqu'un de sophistiqué ; dans le second, quelqu'un de pratique). Mais voilà, et si l'on se trompait avec cette croyance-là... Oui, et si c'était plutôt le Mont Blanc lui-même qui faisait de nous quelqu'un qui se comporte de manière sophistiquée, et le Bic, de façon pratique...

Voilà pourquoi Mme Johar et M. Weiss ont procédé à plusieurs expériences visant à vérifier leur intuition. Dans l'une d'entre elles, ils ont offert en guise de cadeau une tasse à café à chacun des 185 volontaires : pour certains, il s'agissait d'une tasse grande et belle ; pour les autres, d'une tasse petite et moche. Puis, ils ont demandé à chacun de s'en servir avant de répondre à des questionnaires détaillés sur leur humeur du moment. Eh bien, tenez-vous-bien :

> Mieux. Il se trouve que ceux qui avaient eu en cadeau la tasse grande et belle se sont sentis en général plus grands et plus confiants en eux-mêmes qu'à l'habitude.

> Moins bien. Ceux qui avaient eu la tasse petite et moche se sont sentis en général plus petits et moins confiants en eux-mêmes qu'à l'habitude.

Ce n'est pas tout! Les deux chercheurs ont eu l'idée de non pas donner, mais de seulement prêter la tasse grande et belle à d'autres participants. Est-ce que cela a changé quoi que ce soit? La réponse est : oui, mille fois oui. Car ces personnes-là se sont senties en général nettement moins bien après avoir bu avec. Et inversement, lorsqu'on ne faisait que prêter une tasse petite et moche à des volontaires, ces derniers se sentaient mieux par la suite, la plupart du temps.

Bref, vous comme moi, nous avons tendance à adopter les caractéristiques propres à un objet qui nous appartient, et à adopter les caractéristiques contraires à un objet qui nous est prêté!

Vraiment? Pour s'en assurer, les deux chercheurs ont effectué une expérience similaire à l'aide, cette fois-ci, d'écouteurs dont les uns reproduisaient les sons avec une étonnante fidélité et les autres, modifiaient allègrement les sons (notamment en boostant les basses). Résultats? Les voici :

> Plus honnêtes. Ceux qui avaient reçu en cadeau les écouteurs fidèles au son d'origine se sont montrés particulièrement honnêtes en jouant à un jeu où la tricherie était possible.

> Plus malhonnêtes. Ceux qui avaient eu en cadeau les autres écouteurs s'étaient montrés particulièrement tricheurs au même jeu.

Par conséquent, les objets ont bel et bien une incidence notable sur notre comportement. Une incidence d'autant plus insidieuse que nous ne soupçonnons même pas son existence.

À noter que, là aussi, le fait de donner ou de seulement prêter l'objet en question changeait radicalement les résultats de l'expérience. Pourquoi, au juste? Mme Johar et M. Weiss estiment que cela découle vraisemblablement de notre perception de la propriété : lorsqu'une chose nous appartient, nous la considérons comme "nôtre", si bien que nous nous identifions pleinement à elle ; en revanche, lorsque nous usons d'une chose qui appartient à autrui, nous envions celle-ci lorsqu'elle nous plaît, et donc ses caractéristiques propres, si bien que nous ressentons une vive frustration, si vive même que nous réagissons sous la forme d'un rejet pur et simple de ces caractéristiques-là.

«Cette trouvaille présente de multiples implications, notamment dans le cadre du quotidien au travail, affirment les deux chercheurs dans leur étude. C'est que les biens personnels de chaque employé sont à même de modifier son comportement dans un sens ou dans l'autre, chaque jour de la semaine. D'où la suggestion suivante à l'attention des managers, entre autres : recourir à une politique de "cadeaux transformateurs", soit de dons d'objets pratiques ayant la capacité d'orienter le comportement individuel dans le sens désiré (une tasse grande et belle, des écouteurs de haute fidélité, etc.).»

Que retenir de tout ça? Ceci, à mon avis :

> Qui entend se sentir mieux au travail se doit de s'entourer d'une poignée d'objets raffinés. Il lui faut les choisir soigneusement, en veillant à ce qu'ils soient — à ses yeux, pas à ceux des autres! — beaux, élégants, design, etc. Parce que ceux-ci n'auront de cesse d'influencer son humeur à son insu, jour après jour. Quant au manager qui souhaiterait améliorer le quotidien des membres de son équipe, une bonne astuce consiste par voie de conséquence à trouver l'objet qui fera du bien à tel ou tel, puis à trouver une bonne occasion pour l'offrir.

En passant, le styliste italien Giorgio Armani a confié lors d'une entrevue accordée au Figaro : «L'élégance, c'est dans la tête, c'est une façon d'être».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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