Votre boss est un incompétent? Voici pourquoi!

Publié le 06/05/2019 à 06:06

Votre boss est un incompétent? Voici pourquoi!

Publié le 06/05/2019 à 06:06

L'incompétence, ce fléau insoupçonné de nos organisations... (Photo: Gregory Hayes/Unsplash

J’imagine que vous avez déjà entendu parler du principe de Peter. Vous savez, celui qui veut que «chaque employé ait tendance à s’élever dans la hiérarchie jusqu’à son niveau d’incompétence». Et qui a pour corollaire que, «le temps aidant, tout poste finit par être occupé par un employé incapable d’en assumer les responsabilités».

Ce principe managérial, élaboré en 1969 par le pédagogue canadien Laurence Peter et l’écrivain canadien Raymond Hull, est-il toujours pertinent de nos jours, cinquante années après son invention ? Eh bien, la réponse est sans équivoque : oui, mille fois oui. Explication.

Je suis récemment tombé sur une étude dont le titre a attiré mon attention, Promotions and the Peter principle. Celle-ci est signée par : Alan Benson, professeur de management à l’École de management Carlson à Minneapolis (États-Unis); Danielle Li, professeure d’économie à l’École de management MIT Sloan à Cambridge (États-Unis); et Kelly Shue, professeure de finance à l’École de management Yale à New Haven (États-Unis).

Les trois chercheurs ont voulu vérifier la validité actuelle du principe de Peter. Pour s’en faire une juste idée, ils ont analysé les données internes des ressources humaines de 214 entreprises américaines oeuvrant dans toutes sortes de secteurs d’activités, plus précisément celles concernant leurs équipes de vente. Pourquoi les seules ventes ? Parce qu’il est facile de mesurer la performance de chaque équipe et, mieux encore, de chaque employé.

Ces données concernaient un total de 53.035 employés, dont 1.531 avaient obtenu une promotion hiérarchique entre 2005 et 2011. Voici ce qu’elles révèlent (un conseil, asseyez-vous bien avant de lire ce qui suit):

> Performance et promotion sont bel et bien liées. Dès lors qu’un vendeur parvient à doubler le chiffre de ses ventes, ses chances de décrocher une promotion bondissent en général de 14,3 points de pourcentage par rapport aux chances «normales» qu’il avait d’être bientôt promu. Autrement dit, plus un vendeur est performant, plus il a de chances de grimper dans la hiérarchie. Ce qui vérifie le principe de Peter.

> Mais performance et incompétence managériale le sont aussi. Dès lors qu’un vendeur devient manager grâce au fait qu’il a réalisé une prouesse dans ses dernières ventes, les ventes globales de l’équipe de vendeurs dont il a la responsabilité chutent d’en général 7,5%. Autrement dit, il a un impact négatif considérable sur la performance de son équipe. Ce qui, là aussi, vérifie le principe de Peter.

> Un coût ahurissant. Lorsqu’on compare la performance des équipes de vendeurs pilotées par de nouveaux managers compétents et celle des équipes pilotées par de nouveaux managers incompétents, on note un écart des ventes d’en général… 30%. Oui, vous avez bien lu : 30%. Autrement dit, le coût de l’incompétence est phénoménal.

Comment se fait-il que les entreprises soient encore aujourd’hui victimes du principe de Peter ? Qu’elles tolèrent de telles contre-performances de la part de leurs nouveaux managers dont l’incompétence brille alors de tous leurs feux ? L’équipe de chercheurs de Carlson, du MIT Sloan et de Yale ont bien entendu tenu à le savoir, et ont davantage creusé dans leurs données. Et ce qu’ils ont découvert est d’une logique renversante :

> L’employeur semble faire un calcul erroné. Lorsqu’un vendeur dépasse toutes les attentes, il songe que le récompenser à la hauteur de son exceptionnelle performance sous forme de prime ou autre lui coûterait une petite fortune ; en conséquence, pour éviter de payer une telle somme et pour tout de même reconnaître la performance de l’employé en question, il songe à lui offrir une promotion (ou à la lui faire miroiter comme une possibilité pouvant bientôt survenir) ; et ce faisant, il oublie de tenir compte des qualités de leadership du principal intéressé dans l’attribution de la promotion ; voilà comment un très bon vendeur finit par frapper un mur, en se retrouvant promu à un poste dont les responsabilités dépassent ses compétences.

Ce raisonnement est fort vraisemblablement celui qui est tenu par les employeurs, car il suit la théorie du tournoi. Cette dernière veut en effet que l’employeur a le réflexe de s’appuyer sur la performance chiffrable des employés pour attribuer les différentes récompenses liées à celle-ci. Ce qui pousse chaque employé à donner le maximum de lui-même, dans l’espoir de décrocher la plus grosse prime ; et ce, quitte à tricher ou à viser plus haut que ce qu’il est possible d’atteindre ; et donc, quitte à accepter un poste pour lequel il n’est pas fait.

Bref, l’employeur pense bien faire, en s’en sortant à moindre coût. Mais en vérité, il commet là une énorme bourde.

«Les employeurs qui attribuent des promotions en fonction de la performance font l’erreur de miser sur la compétition au lieu de miser sur la collaboration. De fait, l’analyse des données montre que les managers les plus compétents – ceux qui permettent à leur équipe de vendeurs de booster leurs ventes – sont ceux qui brillaient auparavant par leur esprit de collaboration, par leur goût du travail en équipe, et non pas par leurs ventes personnelles. Idem, les plus incompétents étaient ceux qui brillaient auparavant par leurs propres ventes, et non pas par leur capacité à travailler en équipe», notent les chercheurs dans leur étude.

Et de souligner : «L’idéal pour attribuer une promotion, c’est par conséquent de considérer la collaboration, et non plus la compétition», indiquent-ils.

Que retenir de tout cela ? Ceci, à mon avis :

> Qui entend ne plus voir de boss incompétent au sein de son organisation se doit d’arrêter de récompenser la performance. Il lui faut plutôt reconnaître les efforts individuels et collectifs, et les souligner autrement que par une sempiternelle prime. À cela s’ajoute le fait qu’à partir du moment où il est question d’une promotion, il convient d’écarter la tentation habituelle de la décerner en fonction de la performance individuelle pour retenir, à la place, le leadership des candidats potentiels, et en particulier leur capacité à travailler en équipe. Car cela permettra d’éviter une désolante contre-performance de l’équipe pilotée par le nouveau promu.

En passant, l’écrivain français André Malraux aimait à dire : «Réussite : accession au dernier poste, c’est-à-dire au niveau d’incompétence».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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