Souffrez-vous sans le savoir de l'effet Psst?

Publié le 06/03/2017 à 06:26, mis à jour le 06/03/2017 à 06:34

Souffrez-vous sans le savoir de l'effet Psst?

Publié le 06/03/2017 à 06:26, mis à jour le 06/03/2017 à 06:34

Un biais cognitif dangereux parce qu'aussi insoupçonné que séduisant... Photo: DR

Vous comme moi, nous souffrons à un degré plus ou moins élevé de différents biais cognitifs. Si, si… Un exemple parmi d’autres : l’effet Lake Wobegon, qui amène chacun de nous à considérer qu’il est toujours meilleur que la moyenne des gens (sauf dans des cas flagrants d’incompétence : dans mon cas, ne me demandez surtout pas de toucher à un moteur de voiture, ce serait une catastrophe); imaginons que vous organisiez une compétition amicale avec vos collègues (disons, courir le 100 mètres), eh bien, si vous êtes en bonne santé, je suis sûr que vous vous positionneriez sur la ligne de départ en étant convaincu que vous franchirez la ligne d’arrivée parmi les premiers, et non pas parmi les derniers. Pas vrai?

D’autres biais cognitifs existent. À l’image du biais de confirmation, qui nous incite à privilégier les informations qui confortent nos idées préconçues et à ignorer celles qui vont à l’opposé de ce que nous croyons. À l’image encore de l’effet de dotation, qui fait en sorte que nous attachons plus de valeur à un bien lorsqu’il nous appartient que lorsqu’il n’est pas à nous.

Or, il se trouve qu’un tout nouveau biais cognitif a été récemment mis au jour. C’est ce que j’ai appris dans une étude intitulée The SPOT Effect: People spontaneously prefer their own theories et signée par deux professeurs de psychologie de l’Université de Southampton (Grande-Bretagne): Aiden Gregg et Constantine Sedikides, assistés de leur étudiante Nikhila Mahadevan. Il s’agit de l’effet Psst (pour Préférence Spontanée pour Sa propre Théorie). Regardons ensemble de quoi il retourne, et, surtout, ses implications pour notre quotidien au travail…

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Les trois chercheurs ont demandé à des centaines de personnes volontaires de bien vouloir se prêter à une petite expérience rigolote. Le principe était simple… Il fallait que chacun d’eux imagine une planète située en-dehors de notre système solaire et sur laquelle vivaient différentes sortes de créatures, certaines étant des prédateurs et d’autres des proies. Puis, chacun devait imaginer deux sortes de créatures en particulier : les Niffites, présentés comme des prédateurs pour les Luppites.

Bien. À ce moment-là, les participants ont été placés dans deux catégories distinctes, à leur insu :

– Appropriation du scénario. Pour certains, il leur a été souligné que la planète et les créatures ainsi inventées étaient le fruit de leur imaginaire. Et donc, qu’elles étaient leur propre création.

– Désappropriation du scénario. Pour les autres, il leur a été demandé de considérer que la planète et les créatures en question n’étaient pas entièrement le fruit de leur imagination, mais plutôt le résultat de ce que leur avaient demandé de faire les expérimentateurs, en particulier l’un d’eux, Alex. Du coup, ces inventions n’étaient pas vraiment leur propre création.

Enfin, chaque participant a dû évaluer la pertinence d’une série d’affirmations qui leur ont été présentées dans un formulaire. Les premières d’entre elles allaient dans le sens du scénario qui leur avait été soumis (ex.: «Les Niffites sont plus grands que les Luppites»), alors que les dernières pouvaient paraître de plus en plus illogiques (ex.: «On a observé des Luppites en train de manger des cadavres de Niffites»). L’idée, c’était de voir jusqu’où les participants étaient prêts à aller contre la logique pour défendre le scénario qu’ils avaient échafaudé eux-mêmes ou celui que leur avait suggéré un certain Alex.

Résultat? Tenez-vous bien :

> Existence de l’effet Psst. Plus on se considère comme l’auteur d’un scénario, plus on va refuser de considérer les faits qui l’affaiblissent. Et inversement, moins on considère que le scénario en question est le fruit de notre seule imagination, plus on va être prompt à tenir compte des faits qui le décrédibilisent. Autrement dit, il y a bel et bien un effet Psst, qui veut que l’appropriation d’un scénario – voire juste d’une idée – nous aveugle quant à sa valeur et sa pertinence.

«Notre étude ne met pas en lumière le fonctionnement de ce nouveau biais cognitif, mais sa simple existence. À noter un autre point important : il semble que cet effet soit hautement sensible puisqu’il suffit d’indiquer que le scénario établi mentalement par un participant a été influencé par un inconnu – Alex – pour le voir s’estomper», notent les trois chercheurs.

On le voit bien, nous sommes tous susceptibles de souffrir de l’effet Psst, et donc prompts à refuser de voir les faiblesses, pour ne pas dire les défauts, d’une idée juste parce que nous considérons qu’elle est la nôtre. Un peu comme lorsqu’on est amoureux, et donc sourds aux avertissements des nos amis quant aux vices apparents de l’élu(e) de notre coeur. Oui, nous nous aveuglons nous-mêmes au point, parfois, de refuser de nous rendre à l’évidence. Ce qui correspond, à bien y regarder, à un biais cognitif qui mixe à la fois l’effet Lake Wobegon, le biais de confirmation et l’effet de dotation.

Maintenant, que retenir de tout ça? Ceci, je pense :

> Qui entend minimiser l’effet Psst sur son travail se doit de partager ses idées avec ses collègues. Il lui faut arrêter de chercher par lui-même la meilleure idée qui soit – par exemple, LA solution au problème rencontré – pour plutôt la chercher avec les autres. Car cela estompera le biais cognitif qui nous amène à refuser de considérer les faiblesses de notre propre idée. À noter un bon truc pratique pour y parvenir : en réunion, dès lors que quelqu’un émet une idée neuve, ne pas chercher à argumenter avec un «Oui, mais...», qui, en vérité, vise à casser l’idée en question, mais avec un «Oui, et...», qui, lui, favorise l’enrichissement de l’idée émise.

En passant, l’écrivain français Marcel Aymé aimait à dire : «Les idées fausses ne sont pas toutes mauvaise».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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