Renoncer pour mieux s'épanouir, à l'image de Pierre Karl Péladeau

Publié le 02/05/2016 à 15:42

Renoncer pour mieux s'épanouir, à l'image de Pierre Karl Péladeau

Publié le 02/05/2016 à 15:42

Pierre Karl Péladeau aura été à la tête du PQ pendant à peine un an... Photo: DR

L'image a saisi tout le monde, tant elle était chargée d'émotions : Pierre Karl Péladeau a quitté lundi après-midi la direction du Parti Québécois, les yeux embués de regrets et la voix étranglée par la souffrance. Il a mis fin à sa jeune carrière en politique pour se consacrer désormais entièrement à sa famille, dont on sait qu'elle traverse des remous en raison de sa séparation avec Julie Snyder, avec qui il a eu deux enfants. Oui, il a eu le cran de renoncer à son côté «performant» au profit de son côté «aidant»...

«Un choix déchirant», a-t-il dit. Mais un choix, soulignons-le, salutaire. J'en veux pour preuve deux témoignages qui me sont revenus en tête à l'instant où Pierre Karl Péladeau prononçait son allocution, de peine et de misère. D'une part, celui d'Anne-Marie Slaughter, d'autre part, celui de Christian Nibourel...

Découvrez mes précédents billets

Mon groupe LinkedIn

Ma page Facebook

Mon compte Twitter

En 2011, Anne-Marie Slaughter était l'une des principales conseillères aux Affaires étrangères d'Hillary Clinton. Elle travaillait 18 heures par jour à Washington pendant que son conjoint, lui, s'occupait de leurs enfants dans le New Jersey. Elle travaillait si fort et si bien qu'elle était pressentie pour une promotion. Et, du jour au lendemain, elle a renoncé.

Mme Slaughter a pris la décision de quitter ses fonctions et la carrière prodigieuse qui l'attendait pour retrouver mari et enfants. Pourquoi? Elle l'a expliqué en grande partie dans un livre qui est sorti il y a de cela quelques mois, Unfinished business: Women, men, work, family. Et ce, en mettant l'accent sur un point en particulier, à savoir que pour nous épanouir - que l'on soit une femme ou un homme - nous devons impérativement nous mettre en situation d'exprimer les deux côtés que nous avons tous, le côté «performant» et le côté «aidant».

«Mon mari se débrouillait très bien, mais mon fils vivait une période difficile [des démêlés avec la justice, en pleine crise d'adolescence]. Je savais qu'il fallait que je revienne. J'avais de la difficulté à m'avouer que je ne voulais surtout pas, rendue à la fin de ma vie, m'apercevoir que j'avais raté les cinq, six dernières années des enfants à la maison. J'avais été conditionnée à penser que c'était sur le marché du travail que j'avais le plus de valeur. Mais au fond, je savais que, plus tard, je trouverais que c'était le mauvais choix», a-t-elle confié au magazine Châtelaine au moment de la sortie de son livre.

En conséquence, elle a fait le choix de renoncer. D'y réfléchir. Et d'en arriver à ce type de conclusion : «Messieurs, vous croyez être heureux en volant de succès en succès au travail, mais vous passez à côté de la moitié de votre vie. Vous ne profitez pas de relations privilégiées avec vos enfants, vos parents, votre conjojnte, vos amis», a-t-elle poursuivi.

Et d'enfoncer le clou : «Les hommes ont deux grands regrets au moment de mourir, d'après Bronnie Ware, infirmière en soins palliatifs et auteure du bestseller The top 5 regrets of the dying. À savoir : «J'aurais dû mener la vie à laquelle j'aspirais plutôt que celle qu'on attendait de moi» et «J'aurais dû passer plus de temps avec ma famille». Voilà qui est dit.

Mme Slaughter estime que les hommes, tout comme les entreprises pour lesquelles ils travaillent, gagneraient à tenter de davantage concilier travail et vie privée. Par exemple, en hésitant moins à prendre les congés parentaux auxquels ils ont droit, et donc en surmontant les a priori négatifs à cet égard.

«Les chefs d'entreprise devraient donner l'exemple à ce sujet. Je crois qu'il faut applaudir les hommes qui le font, et très fort. Aujourd'hui, nous devons dire : «Voilà un vrai homme!», en parlant de celui pou qui il est aussi naturel de prendre soin de ses enfants que de rapporter un salaire au foyer», a-t-elle lancé.

Un exemple frappant : Christian Nibourel, le pdg du cabinet-conseil Accenture France depuis 2007. Car sa priorité a toujours été de ménager de vraies coupures avec sa famille.

«Libérer du temps pour sa vie personnelle et pour se ressourcer est un facteur fondamental de performance professionnelle, a-t-il dit en 2011 au magazine français Management. Et ce temps-là se doit d'être intense et régulier pour apporter tous ses bienfaits, tant pour soi que pour ses proches.»

Chaque fin de semaine, ce père de quatre enfants emmène la petite dernière à la piscine, soupe en tête-à-tête avec son fils étudiant, sort au théâtre ou au cinéma avec sa femme et se met aux fourneaux. Comment y parvient-il? En planifiant sur son agenda ces rites familiaux, «comme autant de points de repère» qui ne sont jamais remis en question, quoi qu'il advienne.

Et en semaine, il n'accepte que deux soupers d'affaires par semaine. Jamais plus. Afin de pouvoir être avec les siens, le soir.

«En vacances, je me fais une fierté de ne jamais regarder mes courriels. Parce qu'il faut savoir faire de vraies coupures», a-t-il précisé.

Impressionnant, n'est-ce pas? Comme quoi, il est tout à fait possible de concilier travail et vie privée, même si l'on occupe un rôle clé aux Affaires étrangères américaines ou si l'on est à la tête d'une des plus grandes entreprises de France. Et comme quoi Pierre Karl Péladeau, en renonçant à sa carrière politique, a fait preuve d'un immense leadership. D'un leadership authentique, dont nous ferions bien, vous comme moi, de nous inspirer.

L'idée est simple : viser l'équilibre entre notre côté «performant» et notre côté «aidant». Et ce, quitte à renoncer à certaines de nos ambitions professionnelles, démesurées en vérité. Car renoncer peut nous offrir une occasion en or de nous épanouir, au travail comme dans notre vie privée. Ni plus ni moins.

En passant, l'écrivaine québécoise France Théoret a dit dans Nous parlerons comme on écrit : «Il y a plus de bonheur à renoncer qu'à vouloir ce qui ne se possède jamais»».

 

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

Blogues similaires

Les salutations de Jacques Ménard... ainsi que les miennes

Édition du 30 Juin 2018 | René Vézina

CHRONIQUE. C'est vraiment la fin d'une époque chez BMO Groupe financier, Québec... et le début d'une nouvelle. ...