Walter Benjamin? Il s’agit d’un philosophe allemand qui a toujours erré «aux confins des doctrines qui se combattent, dans les lisières entre histoire, sociologie, esthétique et théologie», selon l’écrivain français Hector Bianciotti. Son œuvre est composée de réflexions fragmentaires traitant de mille et un sujets, dont de nombreux articles comme celui dont je vais parler, tiré d’une compilation de textes titrée Images de pensée (Christian Bourgois éditeur, 2011). Pour lui, le succès présente plusieurs caractéristiques…
1. «Il n’y a pas de grands succès qui ne correspondent à des performances réelles. Mais supposer que ces performances en sont le fondement serait une erreur. Les performances en sont la conséquence», écrit-il d’emblée. Ainsi, celui dont le travail est reconnu par les autres éprouve une grande joie, laquelle est une manifestation du succès.
2. «la satisfaction que donne la rémunération paralyse le succès, la satisfaction que donnent les performances l’intensifie», poursuit-il. Rémunération et performance peuvent dès lors être vues comme des éléments placés sur les plateaux d’une balance : lorsque «tout le poids de l’estime de soi est versé sur le plateau de la performance, (…) le plateau de la rémunération s’envole».
3. «À la longue ne peuvent avoir de succès que ceux qui semblent ou sont véritablement menés par des motifs simples, transparents», estime-t-il. Pourquoi? Parce que les gens «fracassent tout succès dès lors qu’il leur semble opaque, sans valeur instructive, exemplaire».
4. «On ne s’imagine pas à quel point la faim pour ce qui est sans équivoque possible constitue l’affect suprême des gens. Moins il est équivoque, plus est grand le rayon d’action (d’un message), plus les gens affluent vers lui», affirme Walter Benjamin. Il prend un exemple, on ne peut plus frappant – et prémonitoire pour l’époque : «Un centre, un führer, un mot d’ordre».
5. Rien ne sert de viser la postérité. «On n’a pas assez à l’esprit combien la notion de «postérité» est moderne. Au XVIIe siècle encore, aucun auteur n’aurait eu l’idée d’invoquer devant ses contemporains une postérité», explique-t-il.