Les RH sont déconnectées des besoins des entreprises!

Publié le 18/05/2016 à 08:45

Les RH sont déconnectées des besoins des entreprises!

Publié le 18/05/2016 à 08:45

Une déconnexion qui nuit à l'efficacité des nouvelles recrues, entre autres... Photo: DR

L'affirmation est cinglante. «Notre conclusion? Les dirigeants d'entreprise et les responsables des ressources humaines au Canada sont déconnectés des besoins de leur entreprise.» Elle est issue - tenez-vous bien! - du rapport Tendances relatives au capital humain en 2016 du cabinet-conseil Deloitte. Un rapport qui consiste en un sondage mondial mené auprès de plus de 7.000 dirigeants d'entreprise et responsables des ressources humaines dans 130 pays, dont le Canada.

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Une explication s'impose... Heather Stockton, Kate Morican et Karen Pastakia, les trois auteures du rapport en question, ont noté qu'à l'échelle mondiale la tendance numéro 1 concernait la reconception des structures organisationnelles : «De nos jours, les modèles organisationnels hiérarchiques ne sont pas seulement remaniés, mais carrément démontés de bout en bout, un peu partout sur la planète. Nombre d'entreprises entreprennent en ce moment de se réinventer afin de fonctionner en réseaux d'équipes, seul moyen de se maintenir au diapason des défis d'un monde des affaires devenu fluide et imprévisible», disent-elles dans leur rapport.

Or, la reconception des structures organisationnelles n'apparaît, au Canada, qu'à la 4e place du palmarès des tendances actuelles en matière de capital humain! «Les entreprises canadiennes semblent plus que jamais se concentrer essentiellement sur l'engagement des employés et sur le culture d'entreprise. Le hic? C'est qu'il leur faut voir au-delà de l'engagement et de la culture, et s'occuper au plus vite de reconception de leur structure organisationnelle, dont dépend directement la capacité des entreprises à livrer concurrence et à réagir aux imprévus», expliquent-elles.

Et d'enfoncer le clou : «À mesure que notre façon de travailler change, notre façon de concevoir nos organisations doit aussi changer. Le problème, c'est que notre rapport indique que les entreprises canadiennes - et leur service des RH - ne l'ont pas encore réalisé».

Quelques données issues du rapport de Deloitte permettent de saisir l'ampleur de la déconnexion :

> Seulement 48% des sondés canadiens pensent que leur organisation est en mesure de relever les défis de structure organisationnelle, comparativement à 57% des sondés à l'échelle mondiale.

> 70% des hauts-dirigeants canadiens croient avoir réussi à attribuer les pouvoirs décisionnels «de façon appropriée dans l'ensemble de leur organisation», comparativement à 49% des sondés de niveau intermédiaire.

Autrement dit, la haute-direction de la plupart des entreprises canadiennes pense, en général, qu'elle a d'ores et déjà entrepris la reconception de sa structure organisationnelle nécessaire pour que leur entreprise vole de succès en succès dans un monde d'affaires de plus en plus volatil. Cependant, les managers et les autres employés affirment, eux, le contraire. Quelle dichotomie!

«Afin de réussir à bien se positionner pour réussir, les entreprises canadiennes doivent réellement tenir compte des perspectives de ceux qui travaillent dans ces structures, qui sont actuellement loin d'être optimales. Après tout, ce sont les employés qui, en fin de compte, sont les mieux placés pour produire une bonne reconception de la structure organisationnelle», affirment Mmes Stockton, Morican et Pastakia.

La question saute aux yeux : «Qu'entend-on, au juste, par 'une bonne reconception de la structure organisationnelle'?» Le rapport de Deloitte en donne quelques pistes intéressantes :

> L'ascension des équipes. L'important n'est plus aujourd'hui la pyramide hiérarchique, mais le réseau de connexions existant entre les différentes équipes de l'entreprise. C'est pourquoi il convient de «décentraliser la direction», de «supprimer la bureaucratie», d'«harmoniser les liens du réseau de connexions entre les différentes équipes». Ce qui peut se faire notamment «en procédant à une déstratification et en se tournant vers une structure réellement axée sur le produit, le client ou la mission».

> Un tout nouveau leadership. «On sait maintenant que les efforts visant à perfectionner les structures organisationnelles existantes sont peu efficaces, voire vains. Mieux vaut consacrer toute son énergie à l'élaboration d'un réseau de connexions dynamique, c'est-à-dire qui favorise une bonne communication entre les différentes équipes et qui permet de coordonner les activités des unes et des autres», dit l'étude de Deloitte.

Et d'ajouter : «Il faut par conséquent apprendre à considérer l'organisation comme un système dynamique en constante évolution plutôt que comme un regroupement de capacités disparates ou statiques». Et par suite, inciter les leaders à s'y adapter, par exemple en veillant à ne plus prendre des décisions martiales, mais collégiales, ou encore en tirant parti des liens informels existant entre les employés à l'insu de la direction (ex.: deux employés d'équipes différentes qui mangent souvent le midi ensemble, parce qu'ils sont diplômés de la même université).

> Une pensée conceptuelle. De tels changements ne sont envisageables qu'à condition d'adopter une pensée conceptuelle. «Ce type de pensée vise la complexité inutile du lieu de travail, en accordant la priorité à l'expérience des employés - aider à améliorer la productivité, en élaborant des solutions à la fois agréables, intéressantes et simples», notent les trois auteures de l'étude.

> Une économie à la pige. Comment une entreprise peut-elle gérer avec efficacité sa main-d'oeuvre quand bon nombre de ses talents, si ce n'est la majorité, ne sont pas réellement des employés? La question est d'autant plus cruciale qu'elle est appelée à concerner de plus en plus d'entreprises dans un avenir rapproché : «Le recours aux travailleurs occasionnels devrait nettement augmenter au cours des trois à cinq prochaines années. Pourtant, seulement 62% des employeurs canadiens perçoivent la main-d'oeuvre occasionnelle comme un enjeu important, et seulement 41% d'entre eux se sentent prêts à composer avec ce type de main-d'oeuvre», indique l'étude.

La main-d'oeuvre occasionnelle? «Il s'agit du réseau de personnes qui travaillent pour une entreprise sans entente d'embauche officielle, en se connectant à elle par l'entremise du Web. C'est une main-d'oeuvre disponible sur demande, pour une année, un mois ou juste le temps d'un projet. Et donc, une main-d'oeuvre nécessitant une nouvelle approche de gestion des talents et de l'engagement», poursuit-elle, en spécifiant que celle-ci nous faisait entrer de plain-pied dans «une économie de la pige».

Vaste chantier, n'est-ce pas? Mais pas de panique, les experts de Deloitte présentent dans leur études quelques recommandations visant à à l'amorcer sans trop stresser :

> Adoptez la bonne mentalité. «Les entreprises canadiennes devraient établir et cultiver une mentalité qui encourage l'expérimentation et la prise de risques. Elles doivent devenir beaucoup plus familières avec l'innovation, l'itération rapide, l'apprentissage à partir de l'échec et le changement quasi-constant.»

> Simplifiez. «Les entreprises canadiennes devraient simplifier leurs structures pour ce qui est des coûts, de la rapidité de prise de décisions et du flux d'informations, pour n'en citer que quelques-uns.»

> Utilisez les valeurs sûres. «Les entreprises canadiennes doivent comprendre les connexions informelles existantes en leur sein ainsi que les mécanismes actuels de collaboration entre les différentes équipes. Car cela leur donnera des indices sur la façon dont le travail s'accomplit réellement. Puis, elles devraient chercher à tirer parti des meilleurs éléments ainsi découverts afin de modifier ce qui freine les progrès des employés.»

> Comblez les écarts. «Les membres de la direction et les employés ont souvent des idées bien distinctes sur la façon d'optimiser le capital humain de l'organisation. C'est pourquoi il convient d'identifier ces écarts de perception, puis de les combler grâce à des discussions ouvertes et transparentes. D'ailleurs, cela peut être l'occasion de moderniser et de simplifier les différents programmes de ressources humaines.»

> Inspirez-vous des éléments perturbateurs. «Les start-ups sont réputées pour leur agilité et leur goût immodéré pour l'innovation. Impatientes de s'emparer des talents et des parts de marché, elles n'hésitent pas à perturber les modèles d'affaires traditionnels. Ces entreprises perturbatrices adoptent souvent des structures hyper-dynamiques ainsi que des méthodes de management parfaitement adaptées au milieu des affaires modernes. D'où l'intérêt d'examiner comment les nouveaux acteurs de votre secteur d'activités abordent la structure organisationnelle et les flux de travail - sans oublier la culture, l'engagement et d'autres enjeux primordiaux en matière de capital humain. Puis, de s'en inspirer pour s'adapter à la nouvelle réalité économique.»

Voilà. C'est clair, les RH ont du pain sur la planche. Et avec eux, l'ensemble des membres de la direction de votre entreprise. Mais fort heureusement, il y a une bonne nouvelle dans tout ça, à savoir qu'il est encore temps d'agir. Mais sans trop tarder...

En passant, le philosophe grec Héraclite d'Éphèse disait : «Rien n'est permanent, sauf le changement».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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