Leaders, souffrez-vous (sans le savoir) du complexe de Napoléon?

Publié le 15/05/2018 à 06:06

Leaders, souffrez-vous (sans le savoir) du complexe de Napoléon?

Publié le 15/05/2018 à 06:06

Napoléon Bonaparte se voyait petit, mais costaud... Photo: La Nuit au musée 2

Petite question : «Avez-vous déjà connu, au fil de votre carrière, un boss hyper dynamique, et donc hyper épuisant? Ou même un boss hyper stressé, et donc hyper stressant? Voire carrément un boss méchant et hargneux, pour ne pas dire agressif?» Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Mais je mettrais ma main au feu que vous pensez plus au «oui» qu'au «non»...

Question subsidiaire : «Le boss en question était-il de petite taille?» Pourquoi cette interrogation? C'est que j'ai mis la main sur une étude révélatrice à ce sujet, intitulée The Napoleon complex: When shorter men take more et signée par deux professeurs de l'Université libre d'Amsterdam (Pays-Bas) : Jill Knapen, enseignante en psychologie organisationnelle, et Mark van Vugt, enseignant en psychologie, assistés de leur étudiante Nancy Blaker. Une étude qui n'est pas très flatteuse pour les leaders de petite taille...

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Les trois chercheurs ont procédé à deux expériences visant à analyser le comportement des gens de petite taille lorsqu'ils sont confrontés à une personne qu'ils perçoivent comme plus grande qu'eux:

> Le jeu du dictateur. Dans un premier temps, il a été demandé à 164 hommes de jouer au jeu du dictateur, dont le principe est très simple : on donne au joueur A une somme d'argent intéressante, et celui-ci est invité à la partager avec le joueur B comme bon lui semble (ça peut être un partage moitié-moitié, ou ça peut être aucun partage du tout, le joueur A décidant de tout garder pour lui); les deux joueurs sont face à face; une fois l'éventuel partage effectué, la partie est terminé. Bien entendu, les chercheurs s'étaient arrangés pour qu'une grande partie des joueurs A soient plus petits en taille que le joueur B qui leur était associé.

> Le jeu de la sauce piquante. Dans un second temps, les participants ont été invités à effectuer une dégustation ludique de sauces piquantes. L'idée était simple : le joueur A devait doser à sa guise la quantité de piments forts qui serait ajoutée à la sauce que devait ensuite avaler le joueur B (la dose pouvait être faible, et donc, la sauce pas trop piquante, comme elle pouvait être forte, et donc, la sauce extrêmement piquante). Une fois de plus, les chercheurs se sont arrangés pour mettre ensemble une grande partie des participants de petite taille (A) soient associés à des personnes de grande taille (B).

Résultats? Tenez-vous bien:

> Égoïstes. Dans le jeu du dictateur, les joueurs de petite taille ont été nettement moins partageurs que les autres. Autrement dit, ils ont fait preuve d'égoïsme.

> Méchants. Dans le jeu de la sauce piquante, les joueurs de petite taille ont été nettement plus méchants que les autres, en y allant allègrement avec les piments forts qu'allait devoir ingurgiter l'autre joueur. Autrement dit, ils ont fait preuve de méchanceté.

Impressionnant, n'est-ce pas? Les leaders de petite taille sont, par conséquent, prompts à se montrer égoïstes et méchants lorsqu'ils ont du pouvoir.

«Les résultats de nos travaux montrent que le complexe de Napoléon est bel et bien une réalité : la plupart des dirigeants de petite taille surcompensent leur «infériorité supposée» par de l'égoïsme et de la méchanceté», notent les trois chercheurs dans leur étude.

Le complexe de Napoléon? Il s'agit d'un terme concocté par la psychiatre autrichien Alfred Adler pour caractériser le complexe d'infériorité dont souffriraient certaines personnes de petite taille en situation d'autorité. La simple perception d'être physiquement plus petit que les autres les amenerait à se comporter à l'image d'un chef excessivement autoritaire, à l'image de la légende qui veut que Napoléon – 1,68 m – souffrait de passer pour un «nain» lorsqu'il côtoyait ses meilleurs soldats, les colosses de sa Garde impériale, et se montrait, du coup, odieux avec eux.

Voilà. Vous êtes maintenant en mesure de mieux saisir pourquoi le boss en question avait un comportement parfois si bizarre à vos yeux. C'est tout bonnement qu'il se sentait plus petit que les autres, et donc, «inférieur». Ce qui l'amenait à faire preuve, de temps à autres, d'égoïsme et de méchanceté.

Bon. Une réflexion me vient : Et si cette personne-là est justement votre boss actuel...

Que faire dans un tel cas? Je pense que la clé se trouve dans un détail de l'étude : la «perception» de petitesse. Si votre boss se montre égoïste et méchant, c'est sûrement parce qu'au fond de lui il se sent «inférieur» aux autres; et ce, pour mille et une mauvaises raisons: il est plus jeune et moins expérimenté que les employés dont il a la charge; il ne pense pas être capable de maîtriser 100% des tâches qui lui sont confiées depuis qu'il a été promu au poste de boss; etc.

Vous me voyez venir : l'idée, c'est alors de contribuer à le... rassurer. Quant à la capacité de l'équipe à relever les défis actuels et à venir. Quant à la pertinence de son rôle de boss. Quant à – que sais-je? – les périls professionnels qu'il croit encourir en cas d'échec. Pourquoi? Parce qu'à partir du moment où il ne se percevra plus comme le «petit» de l'équipe, il n'agira plus comme un Napoléon en puissance. C'est aussi bête que ça.

Enfin, une toute dernière réflexion : et si ce leader-là, c'est justement vous-même... Eh bien, la solution est tout aussi simple : vous venez de réaliser que vous souffrez du complexe de Napoléon, et c'est là un pas de géant vers la guérison. Croyez-moi. Car il ne vous reste plus qu'à identifier toutes vos inquiétudes professionnelles en lien avec celui-ci, et vous les verrez s'effondrer d'elles-mêmes sous vos yeux, comme par magie.

Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis:

> Qui entend guérir du complexe de Napoléon se doit de changer de style de leadership. Il lui faut prendre conscience que ses sautes d'humeur et autres coups de gueule intempestifs à l'égard de ses employés ne sont que le fruit de sa «petitesse supposée». Puis, il doit apprendre à se montrer moins égoïste et moins méchant qu'à l'accoutumée. Par exemple, en s'ouvrant davantage aux idées des autres, surtout lorsqu'elles prennent le contre-pied de ses propres idées. Idem, en faisant preuve de bienveillance à l'égard des uns et des autres, au lieu de céder à son réflexe naturel de sévir dès que quelque chose ne se passe pas comme prévu. Mine de rien, ces petits changements l'amèneront à adopter un tout nouveau style de leadership, nettement plus en phase avec la réalité du management du XXIe siècle : de nos jours, un vrai leader est un coach, et non plus, comme au XXe siècle, un «petit chef».

En passant, Napoléon Bonaparte disait : «L'intelligence ne se mesure pas des pieds à la tête, mais de la tête au ciel».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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