La tendance émergente? Dire «non» à une promotion!

Publié le 18/11/2019 à 06:06

La tendance émergente? Dire «non» à une promotion!

Publié le 18/11/2019 à 06:06

C'est que trop de soleil peut éblouir, et même nuire... (Photo: Lennon Cheng/Unsplash)

BLOGUE. Sans cesse en quête de signaux faibles révélateurs de tendances émergentes, je suis récemment tombé sur un article du quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung qui a su attirer mon attention. Son titre : «Chef werden? Nein, danke!», ce qui signifie «Devenir boss? Non merci!»

Un chiffre y éclate, carrément renversant : en Allemagne, seulement 7% des employés souhaitent devenir manager dans les cinq à dix prochaines années, d’après une étude internationale du cabinet-conseil Boston Consulting Group (BCG). Oui, vous avez bien lu : seulement 7%. Et les auteurs de l’étude de s’interroger : «Est-ce là le signe de la fin du management tel que nous le connaissions jusqu’à présent?»

À votre avis, quel est le pourcentage en Amérique du Nord? Et donc, ici même? OK, je vous le donne dans le mille : 10%. Oui, seulement 1 employé sur 10 a aujourd’hui pour ambition de devenir un manager, d’assumer davantage de responsabilités managériales d’ici les dix prochaines années. C’est tout.

D’où provient un tel désamour pour le leadership? Quelques chiffres concernant les managers allemands permettent de s’en faire une idée:

– Plus dur. 82% des managers allemands trouvent leur travail plus dur qu’auparavant;

– Plus stressés. 64% d’entre eux se sentent plus stressés au travail aujourd’hui que les années précédentes;

– Au bord du burn-out. 60% d’entre eux se sentent surmenés, voire sur le point de sombrer dans les affres du burn-out.

C’est bien simple, seulement 2 managers allemands sur 5 pensent continuer à assumer leurs responsabilités actuelles à l’avenir. Autrement dit, ils sont actuellement 60% à chercher activement la sortie de secours!

Pas étonnant, donc, que si peu d’employés aient le goût d’occuper la place de leur boss actuel…

La question saute aux yeux : d’accord, plus personne n’est, semble-t-il, intéressé par le rôle de manager, mais comment convient-il de s’y prendre pour dire «non» au patron qui, demain matin, vous proposera une promotion? C’est qu’un simple «non merci» ne suffira pas pour éviter de griller votre carrière…

En effet, une récente étude du cabinet-conseil Robert Half montre qu’aux yeux des hauts dirigeants quelqu’un qui décline une promotion:

– A peur du changement (36%);

– Refuse de s’investir dans l’entreprise (24%);

– Manque d’ambition (20%).

Autrement dit, il est on ne peut plus périlleux de dire «non» à ce moment-là.

Alors, comment se sortir de l’impasse? Les experts de Robert Half avancent un conseil pratique : «Il est recommandé d’argumenter sa décision afin d’éviter de pénaliser sa vie au sein de l’entreprise et, à plus long terme, sa carrière», notent-ils dans l’étude.

Prenons trois cas de refus motivés:

– Rémunération inappropriée. Vous pouvez trouver que la rémunération proposée est insuffisante, au regard des nouvelles responsabilités à assumer. C’est là un motif de refus justifié. Cela étant, il ne faut surtout pas lancer : «Oui, mais là, ce n’est pas assez payé!» Mieux vaut alors indiquer point par point tout ce que la nouvelle donne changerait pour vous, et souligner combien la différence monétaire n’est pas adéquate. L’idée, c’est d’avancer avec la raison, pas la passion.

À noter à ce sujet qu’aujourd’hui 1 employeur canadien sur 2 (47%) offre couramment des promotions… sans aucune augmentation de salaire. Ce qui représente un bond du simple au double en l’espace de sept années puisque cette part était de 25% en 2011, selon des données de Robert Half. En conséquence, l’argument de la rémunération inappropriée est fort souvent on ne peut plus justifié…

– Incompatibilité avec votre plan de carrière. Il se peut que l’offre faite vous déstabilise complètement, car celle-ci ne correspond pas du tout à ce que vous anticipiez (ex. : «Mon gars, notre nouvelle filiale au Mexique a besoin d’un champion comme toi pour atteindre ses objectifs! T’es prêt à partir d’ici 15 jours?») Là encore, argumentez posément, en rappelant point par point ce qui figure dans votre dernière évaluation, en particulier le passage où vous avez indiqué quelles orientations vous comptiez donner à votre carrière; et, si vous savez oser, profitez-en pour souligner que puisqu’il y a une ouverture à des changements vous concernant, vous aimeriez justement discuter de celui que vous aimeriez le plus voir survenir à court terme.

– Désintérêt pour des responsabilités managériales. On l’a vu, plus personne, ou presque, ne souhaite devenir manager, assumer davantage de responsabilités managériales. Si c’est là votre motif principal de refus, ne le présentez pas de but en blanc (on a vu que c’était très mal perçu par la haute direction), proposez plutôt des alternatives. L’idée, c’est d’envoyer le message que vous comprenez la nécessité de l’entreprise de trouver quelqu’un de compétent pour occuper le poste en question, que vous vous en souciez vous-même, et que vous avez la sagesse de décliner l’offre pour votre profit comme pour celui de l’entreprise : «Il y a certainement quelqu’un de mieux placé que moi pour faire la job…» Faites ainsi preuve d’empathie, et, si vous le sentez bien, allez jusqu’à faire des propositions concrètes (ex. : suggérez un nom, proposez d’en parler discrètement dans votre réseau de contacts, etc.)

Voilà. D’autres cas de figure peuvent se présenter (ex. : vous avez un problème relationnel avec l’un des membres de l’équipe dont vous auriez la responsabilité, etc.), et il vous appartiendra de trouver la justification parfaite de votre refus. Un principe à respecter, systématiquement : décliner poliment avec des arguments raisonnés & faire preuve d’empathie en proposant votre aide pour trouver la bonne personne pour le poste en question. Et le tour sera joué!

En passant, la journaliste française Françoise Giroud a dit dans une entrevue accordée au quotidien Le Monde, le 11 mars 1983 : «La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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