La levée de l'embargo ne plaît pas à tous les Cubains

Publié le 23/11/2015 à 06:09

La levée de l'embargo ne plaît pas à tous les Cubains

Publié le 23/11/2015 à 06:09

Un business qui s'apprête à partir en fumée... Photo: DR

Miami, c'est bien connu, est une terre d'exil pour les Cubains qui ont préféré fuir le régime communiste de Fidel Castro et de Che Guevara, descendus de la Sierra Maestra en 1959 pour prendre le pouvoir, cigare au bec et armes à la main. Et ceux-ci se sont lancé dans les affaires, avec une telle réussite qu'on présente souvent aujourd'hui Miami comme la véritable capitale économique de l'Amérique latine. Voilà pourquoi je me suis fait une obligation d'aller faire un petit tour, la semaine dernière, dans la Petite Havane.

Ma première impression? Mitigée, pour rester poli. Car on sent à plein nez le piège à touristes, avec ses boutiques à saveur artificiellement cubaine : les magasins à enseignes cubaines pullulent, la musique qui s'en échappe est elle aussi cubaine, mais il est évident qu'il n'y a pas vraiment de vie de quartier. Les Cubains exilés n'habitent pas là. Ils ne vivent pas là. Car, bien entendu, ils se sont fondus dans la population depuis des décennies.

Néanmoins, j'ai eu la curiosité de pénétrer dans une petite boutique située à l'angle de la SW 8th Street et de la SW 11th Avenue qui vendait des cigares cubains. Des cigares cubains? Il me semblait pourtant que leur vente était interdite depuis l'embargo américain sur toutes les produits en provenance de l'île communiste. L'explication est toute simple : tout juste après avoir mis les pieds en Floride, les Cubains exilés se sont lancés dans une production locale de cigares, et l'ont, bien entendu, présentée comme une production de cigares cubains.

À l'intérieur de la boutique, en dépit des sourires bienveillants, j'ai vite senti que l'ambiance était morose. Pourquoi? Je vous le donne dans le mille : la levée de l'embargo américain annoncée en septembre dernier par le président américain Barack Obama risque de faire s'effondrer le business du cigare à Miami. Rien de moins.

Il faut savoir que l'industrie du cigare est, l'air de rien, une grosse industrie. Une très grosse industrie, même.

Le cigare est en effet un des principaux produits d'exportation de Cuba, derrière le nickel et les produits biopharmaceutiques. En 2013, il dégageait un chiffre d'affaires de 447 millions de dollars américains, en hausse alors de 8% en l'espace d'une année, selon Habanos, l'un des plus grands groupes cubains du cigare. Et il se vendait surtout, par ordre d'importance, en Espagne, France, Chine, Allemagne, Suisse, au Liban et dans les Emirats arabes unis.

Détail important à noter : les États-Unis étaient cette année-là le plus grand marché mondial de havanes roulés à la main, un marché hors d'accès pour les cigares produits à Cuba. Autrement dit, nombre de producteurs locaux de cigares - les local tabacaleros - roulaient jusqu'alors sur l'or à Miami, puisqu'eux seuls pouvaient y faire des affaires.

Les statistiques manquent quant aux ventes faites réellement par les producteurs de cigares de Miami. Toutefois, j'ai réussi à mettre la main sur un chiffre révélateur. En 2012, les producteurs de Miami ont fait importer pour quelque 600 millions de dollars américains de feuilles de tabac pour cigare depuis la République dominicaine, le Nicaragua et le Honduras, selon les données de l'U.S. Department of Agriculture. Oui, 600 millions de dollars américains! Et je vous laisse imaginer le prix de ceux-ci à la revente : il paraît que des boîtes de luxe de cigares roulés à la main à Miami se vendent pour l'équivalent de 700 dollars américains en Europe...

Bref, on peut comprendre que certains Cubains exilés de Miami tirent le tronche. La levée de l'embargo ne fait vraiment pas leur affaire. Mais alors là, vraiment pas. Car ils savent fort bien que leur fortune va partir en fumée en un rien de temps.

Découvrez mes précédents billets

Mon tout nouveau groupe LinkedIn

Mon groupe Facebook

Mon compte Twitter

À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

Blogues similaires

Les salutations de Jacques Ménard... ainsi que les miennes

Édition du 30 Juin 2018 | René Vézina

CHRONIQUE. C'est vraiment la fin d'une époque chez BMO Groupe financier, Québec... et le début d'une nouvelle. ...