Être compétent suffit-il pour perdurer?

Publié le 27/11/2013 à 12:51, mis à jour le 05/12/2013 à 15:11

Être compétent suffit-il pour perdurer?

Publié le 27/11/2013 à 12:51, mis à jour le 05/12/2013 à 15:11

BLOGUE. Ça ne fait aucun doute : être compétent est une nécessité, si l'on veut atteindre les objectifs professionnels qu'il nous faut atteindre. Et ce, à répétition. Mais voilà, être compétent suffit-il pour perdurer, c'est-à-dire pour conserver le poste que l'on occupe, voire progresser au sein de l'organisation dans laquelle on évolue?

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Certains diront que oui, les personnes compétentes sauront toujours tirer leur épingle du jeu, quoi qu'il arrive. D'autres diront que non, parce qu'il y a toujours des jeux politiques qui font que, le jour où l'on n'est pas dans le "bon camp", on risque de perdre son poste du jour au lendemain, sans raison valable.Comment trancher? Grâce à une étude intitulée Political leader survival: Does competence matter? signée par Richard Jong-A-Pin, professeur d'économie à l'Université de Groningue (Pays-Bas), assisté de son étudiante Shu Yu. Car elle se penche justement sur ce qui fait qu'un leader dure dans le temps, ou pas.Ainsi, les deux chercheurs ont concocté un modèle de calcul économétrique visant à analyser ce qui permettait à un leader politique de survivre aux pressions exercées ici et là, en particulier lorsque survient une crise majeure, comme un soulèvement populaire cherchant à le faire plier, ou même à le renverser. Ce modèle de calcul partait du résultat d'une autre étude, menée par Besley, Montalvo & Reynal-Querol (2011), qui avait mis au jour le fait que plus un leader politique a un niveau d'éducation élevé, plus il est compétent sur le plan économique et plus il sait doser les avantages distribués aux uns et aux autres pour asseoir sa popularité, et donc sa longévité.

Le modèle considère que :

> Pouvoir. Le pouvoir du leader dépend de deux groupes de personnes : la coalition victorieuse que l'a porté là et l'opposition, qu'elle soit exprimée ou silencieuse.

> Compétence. La compétence du leader s'exprime par deux choses : sa façon de gérer l'économie du pays et sa façon de gérer l'ordre du pays, à savoir la puissance accordée à l'armée et aux forces de police. L'idée est simple : si le leader prend des décisions économiques fortes et impopulaires, il lui faut absolument accroître le niveau de puissance des forces de l'ordre pour rester au pouvoir; et inversement, s'il prend des décisions molles mais populaires, il lui faut accorder moins de puissance aux forces de l'ordre, ce qui ne va pas sans risque, car celles-ci peuvent être amenées à renverser le leader en place pour le remplacer par un autre plus disposé à leur être favorable.

On le voit bien, il est ici question d'équilibre. Le leader qui veut durer dans le temps doit parvenir à manœuvrer habilement dans le jeu de pouvoir qui se déroule au sein du pays qu'il dirige. Au moindre faux-pas, il tombe de son piédestal.

Une fois ce modèle de calcul terminé, les deux chercheurs l'ont inséré dans un ordinateur et ont regardé ce qui se produisait dans tous les cas de figure imaginables. Cela leur a permis de découvrir que :

> Une question de personnalité. Quand une menace de révolution surgit, le leader a toutes les chances d'être renversé. Cela étant, une chose peut lui sauver la mise : sa personnalité.

Sa personnalité? Pour saisir de quoi il s'agit au juste, il convient de comprendre le mécanisme qui le met soudain en danger. Dès que la menace de révolution pointe, la coalition victorieuse, c'est-à-dire le socle du pouvoir du leader, se met à s'effriter. En effet, certains vont penser qu'il est urgent d'assouplir les mesures économiques pour calmer la grogne du peuple, tandis que d'autres vont penser qu'il est urgent de renforcer la puissance des forces de l'ordre afin de mater la grogne naissante. En conséquence, quoi que décide le leader, il créera des mécontents au sein de ses propres rangs. Des mécontents qui pourront même en venir à vouloir le départ du leader, si jamais ils ont l'assurance que cela leur permettra de ne pas perdre les avantages dont ils disposent.

Comment le leader peut-il alors s'en sortir? Le modèle de calcul indique que la solution pour lui consiste à concentrer ses efforts sur la coalition victorieuse. Sa priorité doit dès lors être de retrouver un socle stable, mais pas trop mince, sur lequel appuyer son autorité. Un socle qui peut être fait, en partie, de nouvelles catégories de personnes : pour séduire celles-ci en toute urgence, une seule chose jouera, à savoir sa personnalité. Voilà l'explication.

Bien entendu, Richard Jong-A-Pin et Shu Yu ont tenu à vérifier si leur modèle de calcul collait, ou pas, à la réalité. C'est pourquoi ils ont vérifié si celui-ci permettait de prédire, ou pas, le sort qui attendait quelque 2100 leaders politiques soumis à de fortes turbulences, entre 1875 et 2004.

Résultat? Le modèle de calcul est bel et bien solide. Il permettait de dire à l'avance si le leader en danger allait perdre, ou pas, son pouvoir, en fonction des mesures économiques et militaires adoptées ainsi que des mesures concernant la coalition de personnes le soutenant.

Bon. Maintenant, on peut se demander quel enseignement on peut tirer de cette étude. Je pense qu'il y en a au moins un qui est pertinent pour qui dirige une équipe, voire une entreprise :

> Qui entend perdurer au poste qu'il occupe ne le peut que grâce à une chose : non pas sa compétence, mais plutôt sa personnalité. Car de cette dernière seule découlera les appuis dont il aura besoin pour asseoir son autorité, lors des premières turbulences venues.

En passant, le président américain John F. Kennedy aimait à dire : «En chinois, le mot "crise" est composé de deux idéogrammes : l'un représente le danger, l'autre, l'opportunité».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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