Comme vous l'avez vu dans le vidéo, la criante injustice dans la paye a déclenché la colère de celui que l'on continuait à rémunérer en concombre. Celui-ci s'est mis à jeter sa récompense sur l'expérimentateur, furieux de voir que son voisin, lui, dégustait du raisin. D'un seul coup, ce qui le satisfaisait ne lui convient plus du tout. Scandalisé, il refuse même toute forme de rémunération. Comme le souligne M. De Wall, pince-sans-rire : «Voilà expliqué le mouvement Occupy Wall Street»…
D'autres expériences menées sur des capucins ont révélé des choses troublantes. Par exemple, ils sont capables de partager la récompense si l'un reçoit plus que l'autre. Ou encore, ils peuvent refuser d'activer un mécanisme qui leur distribue de la nourriture quand ils réalisent que le système envoie des décharges électriques à leurs amis. Bref, les capucins sont empathiques, ils sont clairement sensibles à la souffrance – physique comme psychique – d'un des leurs.
«Nous sommes, nous aussi, programmés pour être empathiques, pour être en résonance avec les émotions des autres. Cette résonance est une réaction automatique sur laquelle nous n'avons que peu de contrôle. On a tendance à dire que, lorsque les êtres humains agissent "bien", c'est à cause de la culture ou de la religion; et quand ils agissent "mal", on accuse la nature, où la compétition paraît si féroce. Je ne suis pas d'accord avec ça. La vérité, c'est que les "bons" côtés de la nature humaine, tout comme les "mauvais", nous les partageons avec les autres hominidés; pas seulement l'agressivité, mais aussi l'empathie», a dit en 2010 Frans De Wall au quotidien Libération, à l'occasion de la parution en français de son livre L'Âge de l'empathie.
Comment expliquer de tels comportements empathiques? Par Darwin, d'après le directeur du Yerkes National Primate Research Center d'Atlanta (États-Unis), la "Mecque" de la recherche sur les singes. «Si on le lit attentivement, on voit bien que c'est exactement ce qu'il dit. Ceux qui en font la victoire du plus fort sur le faible ne l'ont pas compris. En fait, il montre que pour vaincre le fort, la coopération des faibles est efficace», a-t-il poursuivi, en précisant que «l'empathie humaine s'appuie sur une longue histoire évolutionniste, dans laquelle nous comptons sans cesse les uns sur les autres pour assurer notre survie».
Et d'ajouter : «Beaucoup de conservateurs, en particulier aux États-Unis, justifient une société extrêmement compétitive en disant que la nature est elle-même compétitive et que l'idéal pour l'être humain est de vivre dans une société qui imite la nature. C'est une interprétation abusive de Darwin. Oui, la compétition est importante dans la nature, mais, on l'a vu, il n'y a pas que ça».