Comment trouver une toute nouvelle motivation au travail?

Publié le 19/04/2017 à 06:06, mis à jour le 19/04/2017 à 06:17

Comment trouver une toute nouvelle motivation au travail?

Publié le 19/04/2017 à 06:06, mis à jour le 19/04/2017 à 06:17

Le Norvégien Magnus Carlsen affiche un Elo historique de 2.882 points. Photo: DR

Les temps sont durs, et vous sentez votre moral se plomber de plus en plus. Ou encore, vous pensez avoir fait le tour de votre job, et ne voyez plus rien de palpitant poindre à l'horizon. Que faire dès lors pour booster votre motivation au travail?

Soyons francs, cette interrogation existentielle, nombre d'entre nous se la posent, de temps à autres. Pour, en général, l'écarter du revers de la main, en se disant vaguement que ça ira mieux demain. Pas vrai?

Pourtant, vous savez fort bien que ce n'est pas là la meilleure façon d'agir. Mais vous y recourez sans réfléchir, car cela vous donne l'impression de disperser ainsi les nuages noirs qui s'accumulent sur votre tête. Une périlleuse impression.

La véritable solution? Eh bien, je pense avoir trouvé une piste fort intéressante à explorer à ce sujet dans une étude intitulée Personal bests as reference points, laquelle est signée par : Ashton Anderson, chercheur de Microsoft Research à New York (États-Unis); et Etan Green, professeur de science de la décision à la Wharton School à Philadelphie (États-Unis). Regardons ensemble de quoi il retourne...

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Les deux chercheurs américains se sont demandé ce qui motivait vraiment les gens à donner leur 110%. Est-ce l'envie de gagner? Ou son contraire, la peur de perdre? Est-ce plutôt la récompense qui est à la clé? Ou au contraire, la crainte de rater la récompense qui est en jeu? Est-ce encore tout autre chose?

Pour s'en faire une idée, ils ont eu l'idée de se pencher sur le cas particulier des joueurs d'échecs. Et ce, en considérant deux possibilités :

1. Soit les joueurs d'échecs sont surtout motivés par l'envie de battre leur adversaire.

2. Soit ils sont surtout motivés par l'envie de progresser dans le classement Elo.

Le classement Elo? Il s'agit du palmarès mondial de tous les joueurs qui font des compétitions officielles, lequel permet à chacun de savoir s'il est un «bon joueur» (ce qui correspond à un Elo d'environ 1.600 points), un «très bon joueur» (Elo d'environ 1.800 points), un «joueur de niveau national» (Elo d'environ 2.000 points), un «candidat au titre de maître international» (Elo d'environ 2.200 points), jusqu'aux meilleurs du monde, qui dépassent les 2.800 points (le Norvégien Magnus Carlsen, vraisemblablement le meilleur joueur de tous les temps, affiche un Elo historique de 2.882 points).

Il faut savoir que chacun peut gagner, ou perdre, des points Elo lors de chaque compétition à laquelle il participe. S'il gagne contre des joueurs de son niveau, voire a priori plus forts que lui, cela lui fait gagner des points Elo; du coup, il progresse dans le classement Elo. En revanche, s'il enregistre une contre-performance, en perdant contre des joueurs a priori moins bons que lui, cela lui fait perdre des points Elo, ce qui le fait reculer dans le palmarès mondial. D'où la possibilité que des joueurs soient, en vérité, motivés à l'idée non pas nécessairement de battre leur adversaire, mais de progresser dans le classement Elo.

MM. Anderson et Green ont ainsi analysé une base de données phénoménale, celle du Free Internet Chess Server (FICS), qui concerne quelque 133 millions de parties jouées en ligne par quelque 70.000 joueurs de tous niveaux, du novice au champion. Une analyse effectuée à l'aide d'un prisme particulier : le moment auquel un joueur décide d'arrêter de jouer en ligne pendant un bon bout de temps.

Original, n'est-ce pas? Mais on ne peut plus judicieux, en vérité. Car lorsqu'on décide d'arrêter de jouer en ligne à ce qui est une passion, c'est le signe d'un certain accomplissement : on a réalisé quelque chose de remarquable, on a atteint un cap, bref, on a bien mérité de se reposer un moment avant de reprendre de plus belle.

C'est, donc, en scrutant à la loupe les toutes dernières parties jouées avant un temps de pause conséquent que les deux chercheurs américains ont été en mesure d'identifier ce qui motivait à ce moment-là chaque joueur à donner son 110%. Oui, ce qui les avait poussé à donner un dernier coup de collier avant la ligne d'arrivée, en dépit du fait qu'ils avaient oeuvré depuis fort longtemps pour en arriver jusque-là.

Résultats? De fort belles trouvailles :

> La magie du record personnel. Les joueurs redoublent d'intensité dans leur jeu dès lors qu'ils sont en mesure de battre leur record au classement Elo. Par exemple, un joueur dont le record est un Elo de 1.950 points donnera son maximum pour le dépasser si jamais son Elo actuel est de, disons, 1.935 points; en revanche, il ne jouera pas aussi fort ses parties s'il en est loin à la suite de plusieurs défaites (à, disons, 1.815 points).

> La féérie des barres symboliques. Les joueurs jouent avec davantage d'intensité lorsque leur classement Elo approche d'un multiple de 100. Par exemple, quelqu'un qui a un Elo de 1.795 points va s'acharner pour gagner, dans l'espoir de franchir la barre symbolique des 1.800 points; et la même personne s'acharnera par la suite nettement moins pour faire progresser son Elo de 1.825 points (car elle est encore loin de la barre symbolique des 1.900 points).

À noter un point fondamental : la magie du record personnel est un facteur de motivation nettement plus important que la féérie des barres symboliques. C'est même, disons-le de but en blanc, LE facteur clé de la motivation des joueurs d'échecs qui parviennent à donner leur 110% alors même qu'ils commencent à sentir leur motivation fléchir (de longues séries de parties jouées, marquées tant par des joies que par des déceptions; des mouvements de yo-yo dans le classement Elo; etc.).

À noter, également, que l'envie de battre autrui ne motive en rien un joueur d'échecs qui commence à être gagné par une certaine fatigue. Non, ce qui l'intéresse au plus haut point, c'est, finalement, de... se battre lui-même! De faire mieux qu'il n'a jamais fait. Tout comme un agent immobilier peut triper à l'idée de vendre un condo à un prix qu'il n'a encore jamais atteint, ou un sprinter, à l'idée de battre son record personnel sur 100 mètres : leur motivation ne repose aucunement sur l'envie viscérale de faire mieux que les autres, mais de faire mieux qu'ils n'ont jamais fait.

Voilà. L'air de rien, MM. Anderson et Green ont mis au jour quelque chose d'exceptionnel : ni plus ni moins que la clé de la véritable motivation, celle qui permet à quelqu'un de donner son 110% aux moments cruciaux (d'ailleurs, souvent les moments où le moral est plombé...). Une clé qu'on peut présenter comme suit, à mon avis :

> Qui entend trouver une toute nouvelle motivation au travail se doit de tenter de battre un record personnel. Il lui faut identifier l'un de ses grands succès professionnels – de préférence, un succès chiffré, car c'est plus parlant –, puis mettre tout en oeuvre pour faire mieux à court ou moyen terme, en planifiant soigneusement les différentes étapes pouvant lui permettre d'y parvenir (des étapes qui peuvent revenir, si l'on veut, aux nombres multiples de 100 des points Elo des joueurs d'échecs). À noter que la simple idée de «battre la concurrence» ou de «faire mieux qu'un collègue» ne fournira jamais la motivation nécessaire pour donner vraiment son 110%; bien au contraire, cela ne fera que l'enfoncer dans son abattement.

En passant, le philosophe latin Sénèque a dit dans ses Questions naturelles : «Tirons notre courage de notre désespoir même!»

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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