Comment faire face à une brusque surcharge de travail?

Publié le 11/07/2017 à 06:06, mis à jour le 11/07/2017 à 06:32

Comment faire face à une brusque surcharge de travail?

Publié le 11/07/2017 à 06:06, mis à jour le 11/07/2017 à 06:32

Certains ne savent plus où donner de la tête... Photo: DR

C'est l'été, plusieurs de vos collègues sont en congé, et vous vous retrouvez, du coup, à travailler plus fort que d'habitude. Beaucoup plus fort. Oui, beaucoup beaucoup beaucoup plus fort. Parce qu'il ne faut surtout pas que vos clients se rendent compte que seulement la moitié de vos effectifs est à l'oeuvre...

Est-ce que je me trompe? Non, j'en suis sûr.

D'où l'interrogation qui vous taraude, journée après journée: «Mais comment puis-je donc faire face à cette surcharge de travail?»

La bonne nouvelle du jour, c'est que je crois avoir trouvé une réponse lumineuse à cet égard. Je l'ai dénichée dans une étude intitulée Task selection and workload: A focus on completing easy tasks hurts long-term performance.

Celle-ci est signée par: Diwas KC, professeur de gestion des opérations et des systèmes d'information à l'École de commerce Goizueta d'Atlanta (États-Unis); Maryam Kouchaki, professeure de management à l'École de management Kellogg d'Evanston (États-Unis); Bradley Staats, professeur de gestion des opérations à l'École de commerce Kenan-Flagler de Chapel Hill (États-Unis); et Francesca Gino, professeure de gestion des affaires à la Harvard Business School de Boston (États-Unis). Regardons ça ensemble...

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Les quatre chercheurs ont voulu savoir comment les gens réagissaient, en général, lorsqu'une brusque surcharge de travail leur tombait sur les épaules. Pour s'en faire une idée, ils ont procédé en deux temps:

> Dans un premier temps, ils ont analysé les données recueillies, deux années durant, au sein du service des urgences d'un hôpital d'une métropole américaine dont l'identité n'a pas été divulguée. Ces données concernaient, entre autres, le nombre de patients accueillis, les procédures d'intervention entreprises pour chacun d'eux, le personnel impliqué dasn chaque cas, etc. L'idée était de voir comment chaque employé du corps médical réagissait en cas de soudaine surcharge de travail.

> Dans un second temps, ils ont demandé à 232 volontaires de bien vouloir se prêter à une petite expérience où il leur fallait faire face à une brutale surcharge de travail. L'idée était, cette fois-ci, non pas de voir leur réaction, mais plutôt de l'expliquer, c'est-à-dire d'identifier ce qui les poussait, au juste, à réagir d'une certaine façon et pas d'une autre.

Intéressant, n'est-ce pas? Eh bien, attendez de voir les résultats, car ils sont carrément renversants:

> Un biais commun. Dès qu'ils ont senti qu'il leur fallait faire face à davantage de travail que d'habitude, les employés de l'hôpital comme les volontaires ont, en général, réagi de la même façon: ils ont aussitôt donné la priorité aux tâches les plus faciles à accomplir. Ce réflexe est si fort que les quatre chercheurs en concluent qu'il s'agit ni plus ni moins que d'un biais cognitif, qu'ils ont dénommé le biais d'accomplissement de tâches (BAT).

> Un biais non seulement inefficace, mais aussi trompeur. À partir du moment où les gens se lancent dans une série de tâches faciles à accomplir, leur productivité connaît un bond. Ce qui leur donne la sensation d'être un champion de l'efficacité. Or, les quatre chercheurs ont découvert qu'il ne s'agit là, en vérité, que d'une illusion: lorsqu'on considère le moyen – et même le long – terme, la productivité des personnes concernées accuse le coup et se met à fléchir de manière inexorable.

L'explication? Elle est on ne peut plus simple... Lorsqu'on s'attaque à une série de tâches aisées à accomplir, on vole de succès en succès, et on se sent bien. On se sent de mieux en mieux, même. Mais à l'instant-même où l'on doit retrousser les manches pour faire face à des tâches plus complexes, on se met à déchanter: notre rythme de travail accuse le coup, notre cerveau carbure à toute vitesse, notre énergie fond à vue d'oeil; et malgré tous nos efforts, le succès n'est pas franchement au rendez-vous. Du coup, notre productivité chute d'un coup d'un seul; idem pour notre bien-être, voire pour notre estime de nous-mêmes. La souffrance commence...

Bref, nous voilà victimes du BAT.

Que faire? Les quatre chercheurs suggèrent d'agir en deux temps:

1. Prendre conscience du piège du BAT

On le voit bien, le BAT est un piège. Un piège sournois parce que séduisant: face à l'adversité, on pourrait considérer comme logique de commencer par le plus facile à accomplir (histoire de gagner en confiance) pour ensuite s'attaquer au plus difficile; mais c'est là se leurrer, car cette stratégie mène inévitablement à l'échec.

Il appartient aux managers de corriger le tir, surtout s'ils confient eux-mêmes davantage de travail qu'à l'habitude aux employés dont ils ont la responsabilité, selon les quatre chercheurs.

«Les managers ont tout intérêt à éduquer les membres de leur équipe quant aux périls du BAT. Il leur faut absolument réaliser que s'attaquer aux tâches les plus faciles dès qu'une surcharge de travail survient ne fait que miner la productivité de la personne concernée, que ce soit eux-mêmes ou autrui. Et donc, avertir tout le monde à ce sujet», notent-ils dans leur étude.

2. Viser... le plaisir!

Pour contrer les effets du BAT, il convient de combattre le BAT lui-même. Ce qui signifie qu'il nous faut nous retenir de nous lancer dans des tâches aisées à mener à bien quand on sent une surcharge de travail peser sur nos épaules. Il nous faut adopter une autre stratégie, adaptée à nous-mêmes.

«Les managers ont un rôle crucial à jouer en ce sens, poursuivent-ils. Il leur faut d'une part avoir l'honnêteté de reconnaître qu'un employé est soudainement surchargé de tâches, et d'autre part le conseiller sur la meilleure façon, pour lui, d'y faire face. Ça peut se traduire, entre autres, par l'attaque d'emblée de la tâche la plus ardue, après l'avoir subdivisée en différentes petites tâches moins complexes : l'employé en question n'aura plus, dès lors, l'impression d'être paralysé face à l'immensité de la tâche, et aura, au contraire, la sensation de progresser, même si c'est par petits pas.»

Et d'ajouter: «L'idéal, c'est d'identifier ensemble – le manager et l'employé surchargé – les micro-tâches susceptibles de lui procurer du plaisir. Puis, d'éparpiller celles-ci dans l'ensemble des tâches à accomplir. Car cela motivera l'employé à aller de tâche plaisante en tâche plaisante, comme autant de petites îles au milieu de l'océan qu'il lui faut traverser».

Voilà. Vous connaissez à présent un truc ultrasimple pour ne plus jamais sentir des gouttes de sueur glaciale couler le long de votre clonne vertébrale lorsqu'une subite surcharge de travail vous tombe dessus. Il vous suffit de résister aux charmes du BAT pour organiser les tâches à mener à bien de telle sorte que vous alliez d'île en île, de plaisir en plaisir, de joie en joie.

En passant, le journaliste français Jacques Chancel a dit dans Tant qu'il y aura des îles: «Chacun de nous porte en lui ses propres îles, refuges contre la bêtise, la laideur et la sourde contrainte d'un ordinaire non-désiré».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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