Comment devenir indispensable au travail?

Publié le 15/02/2017 à 06:26, mis à jour le 15/02/2017 à 06:29

Comment devenir indispensable au travail?

Publié le 15/02/2017 à 06:26, mis à jour le 15/02/2017 à 06:29

Pour devenir indispensable, il faut apprendre à sentir l'air du temps.. Photo: DR

Avez-vous déjà entendu parler de Norman Lear? Moi non, jusqu'à ce jour récent où je suis monté à bord d'un avion d'United Airlines pour me rendre à Chicago et où j'ai découvert une entrevue de ce monsieur de 94 ans au sourire malicieux, au regard pétillant d'intelligence et au splendide chapeau blanc. Une entrevue accordée à Hemispheres, le magazine gratuit de la compagnie aérienne américaine, qui m'a trotté dans la tête durant tout le vol. Vous allez vite saisir pourquoi...

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Norman Lear est une légende vivante de la télévision américaine. Il a écrit et produit une quantité phénoménale de téléséries d'une audace folle, à l'image de All in the family qui a vu le jour en 1971 et qui osait explorer des thèmes comme le racisme, le sexisme et la révolution sexuelle : le succès a été tel que cette télésérie-là a été la plus populaire aux États-Unis durant ses cinq premières années de diffusion. Dans les années 1970 et 1980, Norman Lear était tout simplement incontournable. Une anecdote l'illustre à merveille : il y a eu une période où neuf de ses téléséries (Sanford and son, Maude, Good Times, etc.) étaient diffusées en parallèle et enregistraient une audience hebdomadaire d'en moyenne 120 millions de téléspectateurs – ce qui, je dis ça comme ça, dépasse l'audience du dernier Super Bowl (111,3 millions de téléspectateurs aux États-Unis).

Le plus beau, c'est qu'à 94 ans, il est toujours actif dans le milieu télévisuel américain! Exemple: Netflix vient tout juste de diffuser les premiers épisodes du remake de son One day at a time des années 1970, dans lequel une mère mono-parentale américano-cubaine (Justina Machado) se démène comme une folle pour s'en sortir tout en gérant deux enfants intenables et une mère tout aussi déchaînée (Rita Moreno). Un remake dans lequel Norman Lear intervient comme producteur principal.

Autre exemple, et c'est là où je voulais en venir : Norman Lear fait actuellement des pieds et des mains pour se faire acheter un projet de télésérie qui lui est venu il y a de cela cinq ans. De quoi s'agit-il? De Guess who died, dans lequel on assiste au quotidien riche en émotions fortes de pensionnaires d'une résidence pour personnes âgées. L'idée de cette télésérie lui est venue le jour où il a réalisé la façon dont les Américains – et plus globalement, les Occidentaux – voyaient leurs aînés – ou plutôt, la façon dont ils refusaient de les voir.

La question m'a sauté aux yeux, tout comme vous, j'imagine : «Mais comment fait donc ce type pour demeurer pertinent aussi longtemps?» C'est que son idée de télésérie est tout bonnement géniale – d'ailleurs, le jour où le New York Times en a parlé, à l'aide d'un court vidéo montrant les coulisses des auditions [à voir à la toute fin de ce billet], il semble que des chaînes de télévision aient vite fait part de leur intérêt à Norman Lear.

Sa réponse? C'est justement elle qui m'a trotté dans la tête, des heures durant : «À présent, je me lève chaque matin sans espoir particulier. Parce que j'ai compris que l'espoir n'est qu'un mécanisme de survie qui présente le grave défaut de nous empêcher de vivre pleinement le moment présent», a-t-il confié.

Et d'expliquer : «Il y a deux mots auxquels nous ne prêtons pas assez attention : «fini» et «suivant». Nous considérons, en général, que lorsque quelque chose est fini, c'est fini – et nous passons à l'étape suivante. Or, il m'est apparu qu'il existe un hamac entre ces deux mots, à savoir un espace, ou un temps, je ne sais pas trop, qui mène de l'un à l'autre. À nous de le découvrir, puis d'apprendre à en faire bon usage. Moi, ça m'a pris une vie entière pour le saisir. Si bien que, maintenant, je savoure chaque seconde qui s'écoule comme la quintessence de mon existence : en ce moment-même, je vous parle, ma vie m'a mené jusque-là pour vivre cet instant précis et ce n'est que pur plaisir pour moi», a-t-il dit.

Wow! Quelle sagesse...

Et c'est bel et bien ce «détachement» qui lui permet de sentir si bien la réalité qui l'environne, et par suite, de demeurer pertinent dans le cadre de son travail d'auteur et de producteur même s'il approche du siècle d'existence. Un peu comme si cette paix de l'âme lui ouvrait toutes grandes les portes de la perception...

Norman Lear a ainsi récemment participé à la docusérie intitulée America Divided, dans laquelle on assiste aux conséquences dramatiques de la gentrification de certains quartiers de métropoles américaines. Le travail préparatoire l'a amené à rencontrer tant des expulsés qui ont vécu pendant des années dans des logements en état de décrépitude que des bobos aux yeux remplis d'étincelles à l'idée de bientôt emménager dans des lofts luxueux, construits à la place des logements des pauvres. Autant de rencontres humaines marquantes, qui lui ont permis de se mettre littéralement à la place d'autrui, quelle qu'ait été la personne en question, et d'ainsi percevoir la réalité à travers les yeux des autres.

Résultat? Une docusérie troublante de justesse, fruit de son «détachement», et donc, de l'exacerbation de ses sens. Oui, une oeuvre télévisuelle que personne d'autre avant lui n'avait esquissé avec autant de brio. Le signe, donc, d'une sempiternelle pertinence qui fait de lui, Norman Lear, quelqu'un d'encore indispensable aujourd'hui.

Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :

> Qui entend être indispensable au travail se doit de cultiver le détachement. À l'image de Norman Lear, il lui faut comprendre que le meilleur moyen de saisir au vol les bonnes idées qui gravitent autour de lui est de se détacher des fioritures du quotidien (ex.: l'espoir, qui ne cesse de nous projeter vers le futur, et donc loin du présent) pour savourer l'instant présent. Dès lors, il sentira ce que les autres n'arrivent pas à sentir, et sera par conséquent en mesure de lancer des projets aussi inattendus qu'inespérés.

En passant, l'écrivain français Claude Frisoni a dit dans Frisoni soit qui mal y pense : «C'est leur pertinence qu'on reproche aux impertinents».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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