Comment bien réagir au bureau face à une injustice?

Publié le 18/08/2016 à 06:06

Comment bien réagir au bureau face à une injustice?

Publié le 18/08/2016 à 06:06

Parfois, une goutte suffit à faire déborder le vase... Photo: DR

L'injustice nous hérisse le poil. Elle nous choque, elle nous fâche, elle nous fait sortir de nos gonds. Elle peut même changer du tout au tout notre comportement — sous le coup de l'émotion — si l'on en est directement victime. Souvenez-vous, par exemple, de la fois où vous n'avez pas décroché le poste sur lequel vous postuliez : vous en avez hurlé, puis vous vous êtes montré particulièrement injuste à l'égard des principaux concernés (le jury de sélection, les autres candidats, etc.), ne serait-ce que par vos pensées vengeresses qui ont dû siffler à leurs oreilles. Vous voyez bien.

C'est d'ailleurs ce qui fait toute le force de l'injustice : elle est contagieuse, terriblement contagieuse. D'où la question suivante : y a-t-il un moyen pour ne pas trop souffrir d'une injustice qui nous est faite? Ou à tout le moins, pour ne pas nous montrer injustes à notre tour envers d'innocentes personnes (ex.: les autres candidats, etc.)?

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La bonne nouvelle du jour, c'est que je crois avoir trouvé la réponse à cette interrogation existentielle. Si, si... Dans une étude intitulée Generalized negative reciprocity in the dictator game: How to interrupt the chain of unfairness, laquelle est le fruit du travail de : Sabrina Strang, chercheuse en neuroscience à l'Université de Lübeck (Allemagne); Xenia Grote, directrice de recherche du Centre de neuroscience et d'économie de l'Université de Bonn (Allemagne), assistée de la doctorante Katarina Kuss; Soyoung Park, professeure de psychologie cognitive à l'Université de Lübeck; et Bernd Weber, professeur de neuroscience à l'Université de Bonn. Regardons ensemble de quoi il s'agit...

Les cinq chercheurs se sont intéressé au phénomène de la contagion de l'injustice : des études montrent en effet que nous avons la fâcheuse tendance de nous montrer injuste avec ceux qui nous entourent dès lors que nous sommes victimes d'un injustice, même si ceux-là n'ont rien à voir avec ce qui nous arrive. Par exemple, s'il nous arrive de nous faire avoir lors d'un achat, nous allons en général ressentir le besoin immédiat de faire subir la même chose à autrui si l'occasion nous en est donnée. Leur idée : identifier un moyen de contrer cette envie qui semble a priori plus forte que nous.

Pour ce faire, ils ont procédé à deux expériences, où les participants étaient invités à jouer au jeu du dictateur. Un jeu très simple : le joueur A dispose d'un montant d'argent et est invité de partager celui-ci avec le joueur B, si le coeur lui en dit ; puis, le joueur B est invité à partager avec le joueur C la somme éventuelle qu'il a reçue du joueur A, là encore, si le coeur lui en dit; et c'est tout.

À noter que les chercheurs avaient apporté une modification à la règle du jeu classique. Dans le cas présent, le joueur A n'existait pas en vrai, pas plus que le joueur C :

> Un juste partage. Certains joueurs B recevaient un certain montant d'argent qui leur était présenté comme un partage équitable puisqu'on leur disait que le joueur A avait effectué un partage 50/50.

> Un partage injuste. Les autres joueurs B recevaient un certain montant d'argent qui leur était présenté comme un partage de toute évidence inéquitable puisqu'on leur disait que le joueur A avait effectué un partage 75/25.

L'intérêt de cette modification est évident : cela permet de voir comment les gens réagissent à l'injustice.

Enfin, les chercheurs avaient demandé aux participants de bien vouloir remplir une tâche particulière, juste avant de faire leur choix concernant un éventuel versement d'argent pour le joueur C :

> Attendre. Certains ont dû patienter pendant trois minutes, sans rien faire d'autre;

> Écrire. D'autres ont dû décrire dans un texte rédigé à la main une image quelconque qui leur était soumise.

> Écrire pour autrui. D'autres encore ont dû écrire un courrier à la main à l'attention du joueur A, sachant que celui-ci lui serait remis;

> Écrire pour soi. Les derniers ont dû écrire un courrier à la main à l'attention du joueur A, sachant que celui-ci ne lui serait pas remis.

Résultat? Tenez-vous bien :

> Le double intérêt d'écrire pour autrui. Ceux qui ont écrit pour autrui au sujet de l'injustice qu'ils venaient de subir ont été les seuls à vraiment réussir à réguler leurs émotions en un court laps de temps. De surcroît, les mêmes participants ont été ceux qui se sont montrés les plus justes envers le joueur C.

Autrement dit, il suffit de prendre quelques instants pour rédiger à la main quelques mots adressés à autrui pour vite récupérer émotionnellement du coup dur ainsi que pour ne pas sombrer dans le cercle vicieux de l'injustice. Oui, vous avez bien lu : il suffit d'une feuille de papier, d'un stylo et d'un bref moment à soi pour partager avec quelqu'un d'autre tout ce que l'on a sur le coeur pour mettre fin à l'injustice. Incroyable, mais vrai.

«L'injustice est pénible à vivre, mais il ne dépend finalement que de nous pour l'annihiler. Dès lors qu'on en est personnellement victime, il convient de se retirer et de projeter toutes les émotions qui nous traversent sur une feuille de papier dans l'optique de partager tout ça avec quelqu'un d'autre, le coupable comme l'ami ou le collègue. Cela suffit à nous calmer et à nous ôter le réflexe de nous montrer injustes à notre tour à l'égard de ceux qui sont autour de nous à l'instant présent», notent les chercheurs dans leur étude.

Que retenir de tout cela? Ceci, je pense :

> Qui entend surmonter l'injustice qu'il vient de subir se doit de la détruire à l'aide de... sa meilleure plume! Il lui faut se munir d'une feuille de papier et d'un stylo, puis s'isoler un instant pour décrire à la personne qui occupe ses pensées (le coupable comme l'ami ou le collègue) la blessure qu'on lui a infligée. Ce faisant, ses nerfs ne seront plus à fleur de peau, ses battements de coeur s'apaiseront et ses idées se feront de moins en moins noires. À tel point que la spirale infernale de l'injustice prendra fin, comme par magie : l'envie de se venger sur la première personne qui passera sera aussitôt supprimée.

En passant, l'écrivain français Georges Bernanos a dit dans Les Grands cimetières sous la lune : «Le spectacle de l'injustice m'accable, mais c'est probablement parce qu'il éveille en moi la conscience de la part d'injustice dont je suis capable».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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