Bombardier-Embraer: un mariage à favoriser ?

Publié le 21/01/2014 à 14:12

Bombardier-Embraer: un mariage à favoriser ?

Publié le 21/01/2014 à 14:12

Ne nous faisons pas d’illusions: le Québec ni le Canada ne pèsent lourd dans l’économie mondiale. Souvenons-nous: en 2006, ce qui ne fait pas 300 ans, Montréal était encore le siège social d’une compagnie qui avait un chiffre d’affaires de près de 26 milliards de dollars US et qui employait alors 73 000 personnes sur la planète. Vous avez reconnu Alcan.

En 2003, l’entreprise avait pris le contrôle d’Algroup (Alusuisse Lonza Group) et de la française Pechiney. Alcan devenait alors, devant Alcoa, le leader mondial des technologies d’électrolyse pour la production d’aluminium primaire et le troisième pour la fabrication de produits en aluminium. Ce n’était pas rien. Ce qui ne l’a pas empêchée d’être elle-même rachetée par l’australienne Rio Tinto en 2007. Et, autour d’un verre, nous pourrions aussi parler de Molson devenue Molson-Coors.

Levons maintenant les yeux vers le ciel. Qu’y voyons-nous? Des avions fabriqués par Bombardier. Et par la brésilienne Embraer. Depuis quelques années, toutes deux ont décidé de jouer dans la cour des grands: Bombardier avec la CSeries et Embraer avec ses appareils 170, 175, 190 et 195. Vous avez compris: les deux entreprises sont de tailles comparables et se disputent le même marché.

Se disputent? Le terme est faible. Vous connaissez la saga judiciaire à laquelle, entre 1996 et 2011, elles se sont livrées devant l’Organisation mondiale du commerce, s’accusant mutuellement de profiter de subventions indues. Si, de 2000 à 2009, les choses se sont calmées, le bal a recommencé en janvier 2009. Et s’il n’y avait que cela: v’là-t-y pas que, le 7 octobre 2013, le Brésil a demandé haut et fort au gouvernement canadien des clarifications sur des activités d'espionnage qui auraient ciblé les communications de son ministère des Mines et de l'Énergie. Rien pour inciter les Brésiliens à nous inviter à danser la samba.

Mister Harper, approchez votre oreille. Au lieu d’encourager de telles pratiques, poussez donc dans l’autre sens. Pourquoi, par exemple, ne pas favoriser avec le gouvernement de Brasilia une forme de mariage entre Embraer et Bombardier Aéronautique? Ne me regardez pas de cette façon-là: je ne suis pas tombé sur la tête, victime d’un acte de démence aussi soudain que déplorable. Comment se sont développés les deux géants de l’aéronautique? En août 1997, Boeing n’a-t-elle pas racheté, pour 13 milliards de dollars son rival, la société McDonnell Douglas? Et Airbus n’est-elle pas née de l’union de plusieurs fabricants européens à la fin des années ’60? Vous allez me dire que les gouvernements du temps n’ont pas participé à de telles opérations? Que les gouvernements français et néerlandais n’ont pas eu leur mot à dire dans le “mariage” Air France / KLM? Idem pour ceux de la Suisse et de l’Allemagne dans le cas Swiss / Lufthansa? Come on! Ne faites pas pleurer les veuves éplorées dans les chaumières...

Étudiez la petite histoire de Bombardier: à la Canadair d’origine se sont ajoutées les sociétés Short Brothers de Belfast, Learjet de Wichita et De Havilland Canada de Toronto. Dans le cas de l’avionnerie de l’Irlande du Nord, qui croirait que ça n’a pas fait l’affaire des autorités britanniques de “sauver” ces emplois dans un partie du Royaume-Uni qui est un vrai baril de poudre? Du côté d’Embraer, ce fut sensiblement l’équivalent: une suite de fusion impliquant, entre autres, l’ITA, le

CTA et la Neiva. Croyez-vous vraiment, Mister Harper, que Boeing, Airbus ou un quelconque conglomérat chinois ou russe – appuyés par leurs gouvernements – ne tenteront pas, dans un avenir pas si lointain, de faire main basse sur Bombardier Aéronautique ou sur Embraer?

Ne vaut-il pas mieux prendre les devants et encourager ces deux dernières à unir, d’une manière qui restera à préciser (les options sont nombreuses), leurs forces, capitaux et compétences? Faites brûler un grand cierge aux pieds de Thomas Moore, le saint patron des politiciens, Mister Harper. Ne croyez-vous pas que tout le monde, le Brésil et le Canada, et les deux entreprises en question, en profitera?

La question vaut d’être posée. Et elle demande des réponses.