Quel est votre angle mort?


Édition du 25 Novembre 2020

Quel est votre angle mort?


Édition du 25 Novembre 2020

(Photo: Eddie Junior pour Unsplash)

À LA CHASSE. Depuis que la pandémie s’est installée pour une durée plus ou moins indéterminée, notre rythme et nos agendas ont changé. Fini les déjeuners, lunchs, soupers ou 5@7 et les rencontres sont enlignées de manière compulsive. Fini les pauses entre deux ­rendez-vous, les ­RDV au café d’en bas et les ­lunchs entre collègues sur le coin du bureau. Tout est désormais (trop) planifié à la minute. Après des mois de ce régime virtuel, les surprises et les discussions non dirigées nous manquent. Alors on fait quoi ? ­On change le format et on part à la chasse aux angles morts !

 

J’ai commencé il y a plusieurs semaines à inviter mes interlocuteurs à me rencontrer pour une « marche santé » tout en discutant de nos affaires. Le résultat a été incroyable.
Un beau vendredi chaud, je marchais avec un de mes candidats dans le cadre de notre discussion au sujet d’un rôle de ­PDG pour lequel je l’accompagne. Notre objectif était de réviser les prochaines étapes pour le conduire à sa nomination et lui donner les meilleurs conseils sur les étapes finales et l’aider à préparer la suite : sa prise de fonction. Dans ce ­cas-ci, nous sommes en présence du numéro 2 qui devient numéro 1. Méchant contrat. Le candidat interne est connu de tous. On sait ses forces comme ses faiblesses, ses alliés comme ses détracteurs… ­Donc, je reviens à ma marche pour anticiper et trouver les fameuses zones d’ombres de mon candidat. Pour ceux qui s’inquiètent de la confidentialité quand on parle à l’air libre, sachez que seuls les ratons laveurs et les écureuils du ­Mont-Royal nous ont entendus.
En marchant, alors que nous définissions, planifions et visualisions son processus de nomination et de prise de fonction, l’individu me demande direct : « ­Dis-moi quels sont mes angles morts. Qu’­est-ce que je ne vois pas qui devait me sauter aux yeux ou qui pourrait me faire déraper ? »
Un article récent du Harvard ­Business ­Review montre que, compte tenu de la période actuelle de turbulence, la conscience de son propre leadership est cruciale. Mais, comme la plupart des organisations ne disposent pas d’un moyen systématique de réfléchir aux options pour accroître la conscience de soi de leurs dirigeants, malgré les coachs et quelques programmes de développement, mieux vaut développer son angle de vue personnel à 360 degrés. Comment ?
gNe rien tenir pour acquis. Ce n’est pas parce que vous avez été promu ou nommé que tous sont en votre faveur. ­Assurez-vous d’avoir assez d’écoute et d’alliés pour voir venir les possibles forces contraires.
gSe rapprocher de la base. Plus on monte dans l’organisation, plus on perd le contact avec les fondations. ­Assurez-vous de rester connecté et de garder des liens à tous les échelons. ­Rendez-vous accessible. Récemment, une ­PDG me confiait qu’elle avait instauré, depuis la pandémie, les « cafés de ­Josée* ». Vous noterez que le titre porte son prénom et ne s’intitule pas « le café de la présidente », qui donnerait un ton plus « corporatif » et impersonnel en faisant référence au statut de la fonction.
gSe chercher un « avocat du diable ». Encouragez les personnes qui ont des avis différents et qui osent les énoncer, ­sollicitez-les et ­assurez-vous d’avoir toujours des rapports de sources différentes, des avis divergents et des lectures variées, même si elles vous semblent trop originales ou décalées…
g­Consulter ses proches. Ceux qui vous connaissent intimement, qui vous aiment et ne craignent pas de vous juger ou de vous décevoir. Ceux qui vous diront droit dans les yeux que vous êtes en contradiction, que vous faites fausse route ou qui ne comprennent rien à votre stratégie. Pour votre petite nièce de 8 ans qui vous demande de vous expliquer le sens de votre travail et à quoi sert votre organisation dans la grande chaîne de la vie, ­assurez-vous d’avoir une réponse qui lui parle. Si elle comprend, n’importe qui de votre ­CA, vos investisseurs et vos employés la comprendront. Ce sera le signe d’une stratégie limpide.
Enfin, faites le vide, méditez, joggez, marchez dans la nature ou ailleurs, mais surtout, restez contemplatif et observez autour de vous. La meilleure vision se développe dans un angle insoupçonné, loin des théories sophistiquées et alambiquées. Votre angle mort pourrait vous coûter cher…
* ­Nom fictif

 

Depuis que la pandémie s’est installée pour une durée plus ou moins indéterminée, notre rythme et nos agendas ont changé. Fini les déjeuners, lunchs, soupers ou 5@7 et les rencontres sont enlignées de manière compulsive. Fini les pauses entre deux ­rendez-vous, les ­RDV au café d’en bas et les ­lunchs entre collègues sur le coin du bureau. Tout est désormais (trop) planifié à la minute. Après des mois de ce régime virtuel, les surprises et les discussions non dirigées nous manquent. Alors on fait quoi ? ­On change le format et on part à la chasse aux angles morts !

J’ai commencé il y a plusieurs semaines à inviter mes interlocuteurs à me rencontrer pour une « marche santé » tout en discutant de nos affaires. Le résultat a été incroyable.

Un beau vendredi chaud, je marchais avec un de mes candidats dans le cadre de notre discussion au sujet d’un rôle de ­PDG pour lequel je l’accompagne. Notre objectif était de réviser les prochaines étapes pour le conduire à sa nomination et lui donner les meilleurs conseils sur les étapes finales et l’aider à préparer la suite : sa prise de fonction. Dans ce ­cas-ci, nous sommes en présence du numéro 2 qui devient numéro 1. Méchant contrat. Le candidat interne est connu de tous. On sait ses forces comme ses faiblesses, ses alliés comme ses détracteurs… ­Donc, je reviens à ma marche pour anticiper et trouver les fameuses zones d’ombres de mon candidat. Pour ceux qui s’inquiètent de la confidentialité quand on parle à l’air libre, sachez que seuls les ratons laveurs et les écureuils du ­Mont-Royal nous ont entendus.

En marchant, alors que nous définissions, planifions et visualisions son processus de nomination et de prise de fonction, l’individu me demande direct : « ­Dis-moi quels sont mes angles morts. Qu’­est-ce que je ne vois pas qui devait me sauter aux yeux ou qui pourrait me faire déraper ? »

Un article récent du Harvard ­Business ­Review montre que, compte tenu de la période actuelle de turbulence, la conscience de son propre leadership est cruciale. Mais, comme la plupart des organisations ne disposent pas d’un moyen systématique de réfléchir aux options pour accroître la conscience de soi de leurs dirigeants, malgré les coachs et quelques programmes de développement, mieux vaut développer son angle de vue personnel à 360 degrés. Comment ?

— Ne rien tenir pour acquis. Ce n’est pas parce que vous avez été promu ou nommé que tous sont en votre faveur. ­Assurez-vous d’avoir assez d’écoute et d’alliés pour voir venir les possibles forces contraires.

— Se rapprocher de la base. Plus on monte dans l’organisation, plus on perd le contact avec les fondations. ­Assurez-vous de rester connecté et de garder des liens à tous les échelons. ­Rendez-vous accessible. Récemment, une ­PDG me confiait qu’elle avait instauré, depuis la pandémie, les « cafés de ­Josée* ». Vous noterez que le titre porte son prénom et ne s’intitule pas « le café de la présidente », qui donnerait un ton plus « corporatif » et impersonnel en faisant référence au statut de la fonction.

— Se chercher un « avocat du diable ». Encouragez les personnes qui ont des avis différents et qui osent les énoncer, ­sollicitez-les et ­assurez-vous d’avoir toujours des rapports de sources différentes, des avis divergents et des lectures variées, même si elles vous semblent trop originales ou décalées…

— Consulter ses proches. Ceux qui vous connaissent intimement, qui vous aiment et ne craignent pas de vous juger ou de vous décevoir. Ceux qui vous diront droit dans les yeux que vous êtes en contradiction, que vous faites fausse route ou qui ne comprennent rien à votre stratégie. Pour votre petite nièce de 8 ans qui vous demande de vous expliquer le sens de votre travail et à quoi sert votre organisation dans la grande chaîne de la vie, ­assurez-vous d’avoir une réponse qui lui parle. Si elle comprend, n’importe qui de votre ­CA, vos investisseurs et vos employés la comprendront. Ce sera le signe d’une stratégie limpide.

Enfin, faites le vide, méditez, joggez, marchez dans la nature ou ailleurs, mais surtout, restez contemplatif et observez autour de vous. La meilleure vision se développe dans un angle insoupçonné, loin des théories sophistiquées et alambiquées. Votre angle mort pourrait vous coûter cher…

 

* ­Nom fictif

À propos de ce blogue

Nathalie Francisci est présidente exécutive pour le Québec chez Gallagher. Elle oeuvre en recrutement de cadres depuis 25 ans. Entrepreneure, experte en gestion des talents, elle est reconnue comme l’une des références au Québec. Femme d’affaires engagée, elle siège sur plusieurs CA. Conférencière et chroniqueuse, ses interventions font la différence par l’énergie et style direct qui s’en dégagent. Passionnée par nature, elle n’oublie jamais qu’elle travaille avec des gens, pour des gens. Elle partagera avec vous ses réflexions et expériences sur l’univers du recrutement et de la gestion des talents pour faire réfléchir autant les individus que les organisations. Nathalie Francisci a été Finaliste au Concours des Mercuriades en 2001, elle a reçu le Prix «Nouvelle Entrepreneure du Québec» en 2001 et «Entrepreneure – petite entreprise» en 2007 décerné par le RFAQ et elle a remporté le Prix Arista en 2008. Elle porte les titres de CRHA et de IAS.A.

Nathalie Francisci
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