Des nouvelles de Mya


Édition du 19 Octobre 2019

Des nouvelles de Mya


Édition du 19 Octobre 2019

Mya est un robot qui permet d'automatiser 75 % d'un processus de sélection. (Photo: 123RF)

CHRONIQUE. Dans ma chronique de juin 2018, je vous présentais Mya, «recrubot» de profession. Mya est un robot qui permet d'automatiser 75 % d'un processus de sélection. Grâce à elle, le taux de succès des candidats sélectionnés augmente de 63 % jusqu'à 80 %. Elle est certes souvent utilisée pour les recrutements de masse plutôt que pour la direction d'une entreprise, mais c'est néanmoins un taux impressionnant. Les 25 % restants du processus servent à mesurer l'adéquation à la culture et au style de personnalité requis de l'individu avec l'entreprise, ce qui demeure toujours le rôle du recruteur en chair et en os.

J'écrivais à l'époque que le recrutement serait désormais «75 % d'intelligence artificielle pour un 25 % d'intelligence émotionnelle». J'y crois toujours.

Mais... nous sommes rendus en octobre 2019 et je me demande comment se porte Mya.

Le taux de chômage, au Québec, est à 4,7 %, soit clairement en déficit de talents. Le recrutement et la rétention n'ont jamais été aussi difficiles. Les candidats reçoivent des offres multiples, ce qui occasionne une surenchère des rémunérations et des conditions de travail meilleures. Les processus de recrutement sont soumis à une pression jamais vue sur les livrables et les délais. Il faut faire encore plus vite si on ne veut pas manquer la perle rare sans toutefois sacrifier la qualité des talents que l'on veut recruter. Comme Mya est composée à 100 % d'intelligence artificielle, elle n'a pas d'émotion et résiste donc très bien à la pression tout en gardant le cap sur son objectif de sélection. Mais comment se débrouille-t-elle au quotidien ? Où en sommes-nous dans nos directions des ressources humaines ?

Le PDG d'une entreprise des services financiers de Montréal, qui doit embaucher massivement des développeurs, programmeurs et chargés de projets, me racontait dans une récente discussion que son recrutement se faisait en majeure partie par sous-traitance. En effet, impossible de recruter 500 personnes en une année sans de l'aide externe.

Aux États-Unis, 40 % des entreprises américaines ont sous-traité une grande partie, voire la totalité des processus de recrutement, à des fournisseurs qui font souvent appel à d'autres sous-traitants, généralement situés en Inde et aux Philippines.

Ces entreprises parcourent LinkedIn et les médias sociaux pour trouver des candidats potentiels et vont même jusqu'à négocier le salaire. Pour embaucher des programmeurs, par exemple, ces sous-traitants peuvent aussi fouiller dans l'architecture des sites web qu'ils visitent et retracer les cookies et toutes autres traces des utilisateurs qui les visitent pour débusquer des candidats potentiels. Un vrai travail de détective numérique. Nous sommes ici quasiment rendus dans le dark web !

Autant dire que Mya semble être mise en sérieuse compétition avec des équipes d'humains basés en Inde.

Pendant ce temps, le nombre d'entreprises commercialisant des outils qui reposent sur l'intelligence artificielle et la science des données se multiplie.

Chercher la solution

Selon le rapport 2019 Deloitte Insights, «Leading the social enterprise: Reinvent with a human focus», l'industrie des Robotic Process Automation (RPA) grossit de 20 % par année et devrait atteindre les 5 milliards de dollars américains en 2024. Ces entreprises offrent des solutions technologiques appelées ATS (Applicants Tracking Systems) ou RPO (Recruitment Process Outsourcing) et développent de nouvelles applications qui nourrissent autant d'espoirs que de questions sur leur réelle efficacité.

Un article du Harvard Business Review de juin 2019, intitulé «Recruiting» fait état de nouveaux fournisseurs proposant toutes sortes de tests qui permettent de déterminer qui sera un bon candidat ou non. Or, ces solutions aident aussi les candidats à apprendre à obtenir de bons résultats. Tellement que certains fournisseurs de ces solutions aident leurs clients à déterminer ceux qui trichent en temps réel, par exemple, en se faisant remplacer par un ami qui passe les tests à leur place.

Malgré tout, l'intégration de la science des données et de l'intelligence artificielle au processus de recrutement est une tendance lourde. Selon un rapport de Deloitte Bersin, les entreprises qui intègrent l'IA dans leur acquisition de talents génèrent 18 % plus de revenus et augmentent leur profitabilité de 30 %.

La lutte pour recruter et retenir les meilleurs talents a donné naissance à toute une industrie qui se cherche encore et peine à offrir des solutions efficaces et prouvées. En attendant que Mya et ses amis arrivent à leur plein potentiel, les recruteurs n'ont pas d'autres choix que de se pratiquer à la chasse de haute voltige.

À propos de ce blogue

Nathalie Francisci est présidente exécutive pour le Québec chez Gallagher. Elle oeuvre en recrutement de cadres depuis 25 ans. Entrepreneure, experte en gestion des talents, elle est reconnue comme l’une des références au Québec. Femme d’affaires engagée, elle siège sur plusieurs CA. Conférencière et chroniqueuse, ses interventions font la différence par l’énergie et style direct qui s’en dégagent. Passionnée par nature, elle n’oublie jamais qu’elle travaille avec des gens, pour des gens. Elle partagera avec vous ses réflexions et expériences sur l’univers du recrutement et de la gestion des talents pour faire réfléchir autant les individus que les organisations. Nathalie Francisci a été Finaliste au Concours des Mercuriades en 2001, elle a reçu le Prix «Nouvelle Entrepreneure du Québec» en 2001 et «Entrepreneure – petite entreprise» en 2007 décerné par le RFAQ et elle a remporté le Prix Arista en 2008. Elle porte les titres de CRHA et de IAS.A.

Nathalie Francisci
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