Filière batterie: une ambition tout à fait réaliste, même en plein emploi

Publié le 30/01/2024 à 11:00

Filière batterie: une ambition tout à fait réaliste, même en plein emploi

Publié le 30/01/2024 à 11:00

L’usine de Nemaska Lithium en construction à Bécancour (Photo:courtoisie)

EXPERTE INVITÉE. Les besoins de main-d’œuvre que vit le Québec, à l’instar de nombreuses autres juridictions à travers le monde, sont des préoccupations légitimes qui interpellent la grande majorité des acteurs économiques. Les sondages démontrent qu’ils demeurent, malgré le ralentissement de l’économie, une des principales préoccupations des entreprises. Et les courbes démographiques sont sans équivoque : la pression continuera d’être élevée jusqu’en 2030. 

Dans ce contexte, développer de nouvelles filières d’avenir, comme celle de la batterie, en situation de plein emploi, est-il pertinent? Assurément. Alors que le reste du monde s’engage vers la décarbonation d'ici 2050, c’est l'inaction qui serait dommageable à notre prospérité collective.

 

La mouvance du marché de l’emploi 

L’histoire nous prouve que ce n’est pas parce que nous sommes aujourd’hui dans une situation de plein emploi que nous le serons nécessairement au cours des prochaines décennies. Le Québec n’évolue pas en vase clos. Notre prospérité est intimement liée à notre capacité d’être compétitifs en matière de production de biens et services. Et pour la maintenir, il faudra se positionner pour répondre aux besoins du monde de demain. L’économie n’est pas statique; le marché du travail se transforme. Il est vital que nous soyons à l’avant-garde des secteurs en émergence. 

Au fil du temps, des industries s’étiolent ou disparaissent, comme les secteurs des pâtes et papiers, du textile ou de l’amiante. Alors que d’autres émergent, pensons à celle de l’aérospatiale, de l’aluminium, des jeux vidéo pour ne nommer que celles-là. Ces transformations occasionnent à leur tour une redéfinition des métiers et des compétences requises par les travailleurs. Plus l’économie est dynamique et le marché du travail est fluide et sans barrière, plus ces changements permettent aux travailleurs de trouver de meilleurs emplois. 

Cela ne signifie pas d’abandonner les secteurs plus traditionnels, au contraire! Mais il faut avoir la vision et le courage d’investir, simultanément, dans certains secteurs d’avenir pour lesquels nous avons de très solides atouts, même si cela implique des bouleversements. 

Le Québec a d’énormes atouts pour le développement d’une filière batterie : production d’énergie renouvelable à 99%, présence des minéraux essentiels à la batterie en grande quantité, accès au marché nord-américain où les grands joueurs de la batterie souhaitent absolument être présents. Mais nous avons un autre avantage majeur, soit la qualité et le haut niveau du savoir-faire de la main-d’œuvre québécoise et un système d’éducation de classe mondiale. La filière batterie pourrait d’ailleurs permettre d’en accroître le dynamisme et de générer de nouvelles occasions de carrière. Les nouvelles filières, surtout les plus « vertes », créent des emplois qui interpellent les nouvelles générations de travailleurs. Ceux-ci souhaitent que leur travail ait un sens, ils veulent faire une différence. Ils sont préoccupés par l’avenir de la planète et se sentent interpellés à y contribuer.

 

Une occasion de développer un écosystème local de talents 

Au Québec, il y a de nombreuses entreprises actives dans la filière batterie. La grande majorité d’entre elles sont des entreprises québécoises. Ce tissu d’expertise a constitué un facteur d’attraction pour les entreprises étrangères qui ont décidé de s’installer ici, comme Ford et ÉcoPro, GM et Posco, ou Northvolt. Les bénéfices pour l’économie sont multiples. Cette force économique en émergence offrira des occasions de carrière intéressantes pour les travailleurs québécois. Leur arrivée accélérera le déploiement de nouvelles générations de travailleurs ayant les compétences requises pour accélérer la transition énergétique. 

Par ailleurs, il est bien documenté que les filiales de grandes entreprises attirent et retiennent les talents étrangers, élargissant ainsi le bassin de ressources humaines et favorisant les échanges d'employés entre filiales étrangères et entreprises locales. Les transferts des connaissances dépassent les murs de l’entreprise et percolent au sein de l’écosystème local. Parce que plus il y a de débouchés, plus le talent émerge. 

Les retombées à cet égard qu’ont eues les Pratt & Whitney Canada ou Bell Textron Canada, de grands joueurs internationaux du secteur de l’aérospatiale établis au Québec depuis plus de 50 ans, sont notables.

 

Se mobiliser et sortir des sentiers battus 

Pour répondre à la demande, le milieu s’organise. De nouveaux programmes de formation sont en cours d’élaboration. Le projet d’une école de la transition énergétique à Bécancour porté par le Cégep de Drummondville en témoigne. D’autres initiatives de co-recrutement d’étudiants et de travailleurs à international, d’autres axées sur la technologie, la formation, la rétention, seront mises de l’avant afin de former cette nouvelle génération de travailleurs pour combler les quelque 10 000 emplois à être pourvus d'ici 2030 dans la filière batterie, mais aussi dans les autres entreprises manufacturières qui auront besoin des mêmes talents pour se moderniser. 

Quand on sait que près de 45 000 nouveaux emplois ont été créés annuellement, en moyenne, au Québec depuis dix ans, dont plus de 11 000 dans les trois régions les plus touchées par l’arrivée de grands joueurs de la batterie, cette ambition nous apparaît tout à fait réaliste. 

Tout changement comporte son lot de défis et d’incertitude. Plutôt que de focaliser sur les irritants, il est essentiel de s’affairer à gérer les risques inhérents à ces transformations de l’économie. Il faut faire preuve d’audace et continuer à investir dans le développement de ces filières d’avenir. Cela est essentiel tant pour le futur de l’économie que celui de l’environnement.

 

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À propos de ce blogue

Mia Homsy est vice-présidente Main-d’œuvre et intelligence économique chez Investissement Québec. Elle est notamment responsable de déployer des stratégies visant à aider les entreprises à pallier la rareté de main-d’œuvre qualifiée, en combinant des stratégies d’attraction de talents étrangers et l’accompagnement des entreprises dans l’identification des solutions les plus pertinentes. Avant de se joindre à Investissement Québec, Mia Homsy était PDG et cofondatrice de l'Institut du Québec, un centre de recherche socioéconomique dont la mission consiste à identifier des politiques et actions qui améliorent la société québécoise. Auparavant, elle a occupé des postes d’influence à portée économique auprès de ministres responsables des portefeuilles de Développement économique et des Finances du Québec.

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