La filière lithium: séduisante, mais exigeante (2)

Publié le 15/04/2021 à 09:12

La filière lithium: séduisante, mais exigeante (2)

Publié le 15/04/2021 à 09:12

Le Québec n’a pas vraiment d’expérience dans la création d’une filière de cette ampleur. (Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. La semaine dernière, je vous présentais quatre des douze défis et opportunités qu’offre la création d’une filière québécoise du lithium. Considérée comme d’avenir par nombre d’acteurs du milieu, cette dernière génère encore des questionnements. Quels éléments doivent être pris en considération? Dans cette deuxième partie de mon billet sur le lithium, on pose notre regard sur certains obstacles d’importance et certaines occasions de développement révélatrices du génie québécois.

La filière séduit, mais elle demande de s’y attarder de manière encore plus importante; voici les huit derniers éléments qui viennent compléter les défis et opportunités que nous suggère le dossier.

5. L’innovation au service d’un nouveau modèle

Le Québec n’a pas vraiment d’expérience dans la création d’une filière de cette ampleur. Le constat pourrait favoriser l’innovation, la mise en place de nouvelles façons de faire, de nouveaux concepts d’organisation du travail.

Par exemple, dans le modèle minier actuel, chaque société exploite sa mine et ses installations de première transformation.

Dans un projet plus collectif, on pourrait envisager d’acheminer le minerai de plusieurs mines indépendantes pour approvisionner une seule usine plus importante de transformation d’hydroxyde ou de carbonate.

6. La concurrence mondiale

Une telle filière devra trouver le moyen d’être concurrentielle au plan mondial, ce qui n’est pas évident.

Les coûts de construction au Québec sont parmi les plus élevés au monde, et ce, en raison des coûts reliés à la main-d’œuvre et aux standards de sécurité en place vis-à-vis de plusieurs autres juridictions dans les pays en développement ou à bas coût, telle la Chine.

Et du point de vue de l’exploitation des usines, notre main-d’œuvre n’est pas bon marché, puisque très qualifiée.

En considérant ces deux seules dimensions, plusieurs pays en développement sont en meilleure posture que le Québec pour construire et exploiter de telles infrastructures.

 

L’importance de convaincre les citoyens

7. L’acceptabilité sociale

Autre particularité de la société québécoise : le niveau d’acceptabilité sociale détermine de plus en plus le sort des grands projets collectifs.

Dans ce contexte, le respect de l’environnement, la participation des populations locales et des Premières Nations déterminent souvent les conditions préalables à la réalisation des projets. Encore à ce chapitre, les différences dans l’échelle des valeurs posent des défis évidents de concurrence avec d’autres régions du globe.

8. Le savoir-faire technologique

Le Québec dispose d’une main-d’œuvre experte dans beaucoup de domaines technologiques et d’un savoir-faire impressionnant en matière industrielle.

La recherche atteint des niveaux de classe mondiale dans beaucoup de secteurs.

Même si elle est différente, l’expertise que nous avons développée dans l’aluminium —un secteur de transformation d’une matière première— illustre notre capacité de réussir dans la grande industrie technologique.

Vu sous cet angle, le développement de l’expertise technologique nécessaire paraît réaliste et réalisable.

 

Du point de vue de l’exploitation des usines, notre main-d’œuvre n’est pas bon marché, puisque très qualifiée. (Photo: 123RF)

 

9. La taille des joueurs

Le contexte mondial dans lequel s’installera cette filière gagnerait sûrement à s’appuyer sur une ou plusieurs entreprises de grande taille qui possèdent des installations technologiques robustes et qui font déjà affaire dans certains marchés mondiaux.

Chose certaine, un tel projet ne se développera pas uniquement dans l’univers des start-up!

 

L'industrie ne doit pas manquer le virage technologique

10. L’évolution technologique

Des accumulateurs sans lithium sont actuellement à l’étude. Ces recherches pourraient éventuellement occasionner des soubresauts dans le marché du lithium. Les fluctuations de prix pourraient alors affecter les exploitations les plus coûteuses.

De ce point de vue, les acteurs devront assurer une vigie technologique de tous les instants tout au long du développement de la filière.

Par ailleurs, le même hydroxyde ou carbonate de lithium produit au Québec pourrait approvisionner des fabricants de composantes et d’accumulateurs employés à d’autres fins que les véhicules électriques.

Ce marché est vaste.

11. La culture du partenariat

L’industrie minière québécoise se distingue des autres provinces canadiennes par sa disposition à créer des partenariats notamment dans le financement de projets. La Caisse de dépôt et placement du Québec, le Fonds de solidarité FTQ, la société en commandite SIDEX et Ressources Québec investissent des sommes importantes dans des minières de chez nous.

La valeur ajoutée de ces collaborations est inestimable. En dépit des différences entre ces joueurs, les intervenants se parlent et coopèrent pour faire aboutir les projets miniers.

12. L’inévitable pari

L’intention de bâtir une filière du lithium au service de l’électrification des transports et de placer l’ensemble de l’œuvre comme fer de lance de l’avenir économique Québec demeure un pari audacieux, exigeant et risqué.

La situation est kafkaïenne : si le gouvernement ne fait rien et que le secteur connaît un boom extraordinaire, on l’accusera d’un manque de vision.

Même l’agence Bloomberg situe le Canada en quatrième place des pays les mieux positionnés pour établir une chaîne d’approvisionnement complète dans la production de véhicules électriques.

Par ailleurs, une fois sur sa lancée, ce vaste chantier connaîtra nécessairement des échecs, des dépassements de coûts, des incidents, etc.

C’est le lot des grands projets.

À l’instar des grands choix de société, le développement d’une filière complète d’électrification des transports pose des défis de taille et présente des opportunités exceptionnelles.

Dans le contexte de la pandémie actuelle, il apparaît de plus en plus évident que la sortie de la crise mondiale actuelle offrira des occasions uniques de rêver collectivement, de démarrer de grands projets et d’innover.

Berceau historique de toutes les grandes industries sur ce continent, le Québec en est certainement capable.

 

À propos de ce blogue

Le regard d'un spécialiste du secteur minier au Québec auprès de l’industrie, des gouvernements et du grand public. Maxime Guilbault est associé au sein du groupe de Certification chez PwC Canada et leader du groupe Mines et Métaux pour le Québec. Au cours des 15 dernières années, il s’est spécialisé dans la prestation de services aux clients du secteur minier et il travaille avec des sociétés à différents stades, allant de l’exploration à l’exploitation. Plus récemment, Maxime s'est concentré sur les entreprises qui cherchent activement à développer de grands projets d'investissement. En 2017, Maxime a supervisé la rédaction de la plus importante publication mondiale de PwC sur l’industrie minière «Mine 2017. Stop. Think…Act».

Maxime Guilbault
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