Ce vendeur à découvert s'acharne sur Home Capital

Publié le 23/04/2017 à 11:38

Ce vendeur à découvert s'acharne sur Home Capital

Publié le 23/04/2017 à 11:38

Les dernières semaines se sont avérées difficiles pour les actionnaires de Home Capital Group (Tor., HCG). On a appris jeudi que l'OSC (Ontario Securities Commission) entamait des procédures contre des anciens dirigeants de la société, ainsi que contre la firme. Marc Cohodes, un vendeur à découvert qui vit en Californie, s’acharne contre la compagnie, et ce, depuis au moins 2014. Il a participé à une entrevue de la chaîne BNN  tout récemment.

M. Cohodes ne mâche pas ses mots. Selon lui, la société constituerait une fraude de fonds en comble. Il pense que sa valeur nette est nulle, et que sa santé financière ne correspond pas à ce que les états financiers reflètent. M. Cohodes a même qualifié Gérald Soloway, le fondateur de la banque, de «version bancaire de Mike Pearson (ancien dirigeant de Valeant)». Selon ce qu’auraient raconté d’anciens employés, les souscripteurs de prêts s’adonnaient à la modification de leurs innombrables feuilles de tableurs afin de rendre conformes les demandes qui leur étaient soumises.

En opposition aux allégations de M. Cohodes, certains argumentent à l’effet que les pertes sur prêts sont quasi-inexistantes chez Home Capital, attestant de la qualité des souscriptions. En 2016, moins de 8M$ ont été affectés aux provisions pour perte. Cela correspond à moins de 2% de revenus nets d’intérêts. Nous voyons régulièrement des provisions équivalant à 10% et plus de ces revenus, même chez plusieurs grandes institutions canadiennes, dont le profil de risque des clients est supposé être moins risqué.

Un coup d’œil aux réserves pour pertes nous permet de constater qu’elles affichent des niveaux extrêmement bas, comparativement à ce que nous avons l’habitude de voir. Elles se situent à 0,2% des prêts. Notez la différence entre les réserves et les provisions. On retrouve les premières au bilan, alors que les provisions s’avèrent être une dépense à l’état des résultats. Une institution peut décider d’enregistrer une grande provision afin d’élever ses réserves en cas de perte. Cela n’occasionne aucune perte pour la banque. Il s’agit simplement d’un montant mis de côté afin de prévoir les coups durs dans le futur.

On pourrait nous rétorquer que le faible niveau de réserve est justifié par les faibles pertes réelles ainsi que par le bas taux de prêts douteux (pertes possibles en fonction de la santé financière des emprunteurs). Toutefois, dans un marché immobilier qui s’enflamme, comme ce fut le cas au Canada en 2016, même les emprunteurs les moins disciplinés n’auront pas de mal à joindre les deux bouts.

Le vrai test survient lorsqu’un marché s’effondre. Comme le disait Warren Buffett, c’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus. Par conséquent, nous attachons peu d’importance aux statistiques des prêts douteux dans un marché immobilier en effervescence.

Nous aimons plutôt assister à des réserves élevées, ainsi qu’à un bas taux de levier. Rien n’empêche une institution financière de démontrer une attitude conservatrice, en absorbant des provisions pour pertes plus élevées afin de bâtir une solide réserve. Or, cela ne semble pas être le cas chez Home Capital Group. Pourtant, étant donné le profil de risque de leurs clients, qui, doit-on le souligner, sont souvent refusés chez les autres institutions, une réserve plus élevée au bilan serait appropriée à notre avis.

M. Cohodes maintient une position à découvert sur le titre de la firme depuis 2014. Il est également pessimiste vis-à-vis son compétiteur, Equitable Group (Tor, EQB). Personnellement, nous avons des doutes depuis au moins 2007, alors que nous nous montrions pessimistes à l’égard du marché immobilier canadien. Cependant, rien de catastrophique ne s’est produit depuis ce temps.

Il faut des nerfs d’acier pour vendre à découvert un titre sur une longue période de temps. On peut parfois y laisser sa chemise, même si l’on avait raison au final. M. Cohodes a vécu certaines expériences désagréables durant la crise, alors qu’il était à la tête d’un fonds de couverture.

A-t-il raison concernant Home Capital Group? Son succès à l’endroit de Valeant Pharmaceuticals (Tor., VRX) et Concordia International (Tor., CXR) lui ont apporté certes beaucoup de notoriété. Néanmoins, misez davantage sur votre propre recherche pour arriver à vos propres conclusions. Écouter attentivement les commentaires des vendeurs à découvert constitue un bon point de départ, car ils sont fortement motivés à tenter de prouver leur point. Non seulement ils scrutent minutieusement tout ce qui est divulgué publiquement, ils effectuent aussi des recherches peu accessibles aux gens du public, comme obtenir des comptes rendus d’anciens employés. En incorporant leurs commentaires à vos propres recherches, vous pourrez prendre de meilleures décisions.

P.S. : Gardez à l’esprit que certains de ces vendeurs à découvert seront affectés par le biais de confirmation. Ainsi, ils pourraient ne divulguer que les informations qui corroborent leur version, en espérant influencer les investisseurs.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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