Que pense Warren Buffett d'un salaire minimum de 15$ l'heure?

Publié le 13/08/2016 à 18:23, mis à jour le 14/08/2016 à 11:07

Que pense Warren Buffett d'un salaire minimum de 15$ l'heure?

Publié le 13/08/2016 à 18:23, mis à jour le 14/08/2016 à 11:07

Un débat sur le salaire minimum fait rage à l’heure actuelle, et nous entendons de plus en plus parler du chiffre magique «15», que ce soit aux États-Unis ou ici. Ce montant correspond au taux horaire qui règlerait apparemment en partie le problème de la pauvreté. Mais qu’en pense Warren Buffett, celui qui réclame depuis longtemps une taxation plus élevée pour les mieux nantis?

Selon lui, hausser la rémunération minimale créerait des distorsions dans notre système. «J’aimerais bien que tous les travailleurs gagnent au moins 15$ de l’heure, mais ce minimum causerait presque assurément une réduction majeure de l’emploi, affectant particulièrement les travailleurs ne possédant que les habiletés de base.»

Nous avons remarqué que dans notre entourage, la plupart des gens connaissent la position de Buffett face à la taxation des riches, mais pas celle vis-à-vis la hausse du salaire minimum. Si l’on accorde une quelconque crédibilité à ses opinions, on devrait s’intéresser à l’ensemble de celles-ci, surtout lorsque l’une d’elle semble aller dans le sens contraire de l’autre.

Plutôt que d’augmenter le revenu plancher, M. Buffett prône l’expansion du «Earned Income Tax Credit» (EITC) (faites une recherche Google du titre "Better Than Raising the Minimum Wage" pour consulter cet article gratuitement), qui incite les personnes moins fortunées à obtenir les compétences nécessaires pour devenir plus productives. Quant à nous, il serait facile d’opter plutôt pour la hausse : nous ne serions nullement affectés personnellement. Nous pourrions même suggérer 25$ de l’heure, puisque une telle rémunération demeure dans l’intervalle des salaires jugés «décents» à notre avis.

Il suffit cependant de penser à l'effet d’une telle hausse sur les petits commerçants, comme dans le secteur de la restauration par exemple. Certains peinent déjà à joindre les deux bouts. Vont-ils conserver leur clientèle s’ils font grimper les prix des repas pour compenser?

Le principal problème

Tout le problème réside dans la tarte des revenus. Si un employeur détient un budget de 100000$ pour ses employés, et qu’il emploie 5 personnes à 20000$ par année, il devra forcément n'en employer que 3 si la paie par individu explose de 50%. Ceux qui restent en bénéficieront, les autres en pâtiront. Pour faire fonctionner le tout, on doit soit trouver des moyens d’amener le budget affecté à l’emploi à augmenter, soit inciter les travailleurs à se recycler dans d’autres emplois plus payants.

Dans le premier cas, il peut s’agir simplement d’une hausse des prix demandés aux consommateurs. En cas de succès à court terme, on assisterait probablement à une levée de l’inflation générale, rendant inefficace la hausse du salaire minimum à moyen ou long terme (tout coûterait plus cher).

Certains amèneront l’argument à l’effet que les travailleurs bénéficiant de la hausse dépenseront davantage, et contribueront donc à améliorer les revenus un peu partout. Cela ne s’avère vrai probablement qu’à court terme, puisque comme nous venons de le mentionner plus haut, le prix des biens et des autres salaires finiront par s’ajuster.

Ajoutons à cela l’utilisation de plus en plus populaire des robots dans nos sociétés. Plus les salaires augmentent, plus il devient rentable d’opter pour des machines qui peuvent fonctionner toute la journée et qui ne prennent ni vacances ni leur retraite.

En conclusion, il n’existe pas de solutions simples, mais nous connaîtrons peut-être dans cinq ans l’effet d’une forte augmentation du salaire minimum. À Seattle, la hausse sera instaurée graduellement jusqu’à 2021, et 4 ans plus tôt pour les plus grosses entreprises. Comme les maisons coûtent cher dans cette région, les comparaisons demeureront difficiles. Un montant de 20$ de l’heure aurait peut-être été nécessaire. Néanmoins, de plus en plus de villes américaines instaurent ou songent à instaurer des hausses. Nous verrons avec le temps si les réticences de M. Buffett s’avéraient fondées.

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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