Prêts auto: la nécessité de charger cher

Publié le 20/05/2017 à 11:54

Prêts auto: la nécessité de charger cher

Publié le 20/05/2017 à 11:54

Charger un haut taux d’intérêt à un consommateur dont le crédit est entaché, afin de lui permettre d’acquérir un véhicule, est-ce vraiment nécessaire? Une compagnie efficace peut-elle dégager un rendement acceptable en se contentant d’un taux jugé «raisonnable»? Nous avions discuté de ce sujet en 2013, à propos des micro prêts (cliquer ici), avec comme exemple la société World Acceptance (NASDAQ, WRLD). 

Avec des prêts de tailles très modestes, il s’avère très difficile de rentabiliser ses affaires sans exiger des frais exorbitants. Qu’en est-il pour les prêts dans le secteur des voitures usagées? Nous avons jeté un coup d’œil aux récents résultats de la financière  Nicholas Financial (NASDAQ, NICK), qui acquiert des prêts auprès des concessionnaires principalement dans le sud-est des États-Unis. Ces résultats nous fournissent d’importantes informations. Nous aimons d’ailleurs la façon dont sont présentées les données, puisque cela nous permet de comprendre aisément leur modèle d’affaires.

Voici les taux d’intérêt en fonction du solde des prêts:

Intérêts, incluant les frais (revenus pour la société): 26%

Dépenses d’opérations: 10%

Emprunts: 3%

Provisions pour pertes: 15%

Total: -3%

Ces taux sont prélevés sur des prêts moyens d’environ 12 000$, pour des voitures usagées. Le taux de 26% comprend les frais de dossier. Quant aux dépenses d’opérations, elles incluent tout ce qui touche la gestion de l’entreprise et des clients: employés, matériel informatique, loyers, recours pour reprise de possession des véhicules, etc.

Par conséquent, dans le cas de Nicholas Financial, avant même de dégager un profit, elle doit débourser pour l’équivalent de 10% par an sur l’ensemble des prêts pour ses opérations. À noter que plus de travail est requis pour les dossiers dont le crédit est considéré «subprime», surtout lorsque le client cesse d’effectuer ses paiements.

En incluant les frais d’emprunt, le point de rentabilité se trouverait à 13% si la société ne perdait jamais d’argent pour cause de non paiement. Lorsque tout va à merveille, le taux de perte pour provisions demeure bas. Ce fut le cas quelques années avant la crise financière, alors que ce taux oscillait autour de 2%.

En 2009, celui-ci grimpa à 7,9% pour l’année. Soulignons que la société récupère d’importantes sommes d’argent grâce à la repossession et à la vente des véhicules des clients. Par conséquent, si elle évalue mal la valeur de ceux-ci lors de l’établissement des prêts, elle encourt un risque non négligeable. Tout récemment, le taux des pertes pour provision explosa à 15%, causant une perte dans ses résultats trimestriels.

Si l’on normalise le taux à un niveau raisonnable de 5%, nous constatons qu’avant de commencer à engendrer un profit, la société doit exiger au moins 18% d’intérêts. S’agit-il d’un taux raisonnable? Pourquoi est-il si élevé?

Dans un monde idéal, tous les clients effectueraient leurs paiements à temps et entretiendraient bien leur véhicule. Or, comme nous ne vivons pas dans ce monde idéal, une bonne partie du taux d’intérêt exigé doit servir à couvrir les dépenses pour collecter les clients, ainsi qu’à compenser pour la perte de valeur du véhicule lorsqu’il est repris. De toute évidence, une personne qui peine à rencontrer ses paiements éprouvera également de la difficulté à payer les entretiens nécessaires pour maintenir la valeur du véhicule.

Actuellement, l’industrie fait face à une forte compétition, ce qui nuit à la rentabilité des prêts. Nicholas Financial ne pourra pas enregistrer des pertes aussi élevées indéfiniment. Toutefois, l’étude de ses résultats «normalisés» nous fournit un bon exemple de la nécessité de charger de hauts taux d’intérêts pour assurer la survie d’une entreprise dans ce domaine.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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