Peter Lynch et Warren Buffett: avis divergents sur les options

Publié le 03/12/2016 à 15:06

Peter Lynch et Warren Buffett: avis divergents sur les options

Publié le 03/12/2016 à 15:06

Warren Buffett utilise les options depuis des années

Hormis leur philosophie similaire par rapport à la façon de s’enrichir à la Bourse, Peter Lynch et Warren Buffett affichent un autre point en commun: leurs rendements et le temps de détentions des fonds qu’ils géraient pour des tiers. M. Lynch était à la tête du fonds Magellan chez Fidelity de 1977 à 1990, soit une période de 13 ans. M. Buffett géra également des fonds, sous forme de fiducies («partnerships») de 1956 à 1969, soit également une période de 13 ans. Leurs rendements? Tous les deux ont engendré un rendement d’environ 30% annualisé.

Il ne s’agit probablement que d’une coïncidence. Cependant, malgré leur discipline à constamment s’en remettre à l’analyse fondamentale pour évaluer les titres qu’ils sélectionnaient, soulignons leur divergence d’opinion par rapport au recours aux options en portefeuille.

M. Buffett n’offre pas de conseils précis à ce sujet, voulant probablement éviter que les gens ne s’y brûlent. Toutefois, il a émis ce commentaire dans un article du Washington Post en 2002 : «J’ai acheté et vendu des options pendant 40 ans». Il affirma ces propos afin de démontrer qu’il avait de l’expérience pour évaluer les options.

Quant à M. Lynch, il commenta à l’effet que le temps joue contre soi. Dans son livre «One Up On Wall Street», il déclare qu’il ne comprend pas leur fonctionnement lui-même. Pourquoi l’un s’intéresserait-il à ce véhicule financier, alors que l’autre le dénigre?

M. Lynch raconte dans son livre l’exemple de l’individu qui trouve une idée extraordinaire de faire environ 75% en Bourse, mais qui ne détient que 3000$ en liquidités. Frustré par le peu d’argent qu’il possède pour profiter d’une si belle idée, il se tourne vers les options. Plutôt que d’acheter 150 actions à 20$ chacune, il investit la totalité de l’argent dans des options d’achat lui permettant d’acheter le titre à 20$, pour seulement 1$. Ainsi, lorsque le titre aura atteint 35$, il empochera 15 fois sa mise plutôt que 1,75 fois.

Le problème réside dans le temps qui passe. Au bout d’environ deux mois, l’option expire, alors que l’action n’a pas bougé. Peu après l’expiration de l’option, le titre s’envole! Donc, l’individu avait bien raison, mais le temps lui fit défaut. Or, plusieurs éléments sont à considérer dans cet exemple.

D’une part, on prend l’exemple d’une option à court terme, alors qu’il existe souvent des échéances surpassant les deux ans. D’autre part, on omet d’établir une comparaison juste. Les options confèrent certes un effet de levier, mais il doit être appliqué suivant une certaine logique. Personnellement, nous comparons la prime temps (dans ce cas, le 1$ par action payé par l’individu) comme étant des «intérêts» sur une dette fictive. Si vous pensez avoir les moyens de vous acheter une maison de 300 000$, allez-vous soudainement opter pour une bien plus grande maison, pour laquelle les intérêts sur l’hypothèque équivaudraient à environ 300 000$ sur quelques mois? En effet, dans cet exemple, il s’agirait d’une propriété d’une valeur d’au moins 50 millions de dollars.

De toute évidence, la banque vous empêcherait d’effectuer un tel choix, car cela s’avèrerait suicidaire financièrement. Du côté des options, la même logique s’applique! Il est impensable de ne jamais subir de conséquences néfastes en optant pour un effet levier rocambolesque de 20 fois! Ce n’est pas parce que vous n’avez plus d’argent pour payer les intérêts d’une hypothèque nettement trop élevée que vous devez conclure qu’emprunter à la banque pour de l’immobilier constitue un mauvais investissement. Vous l’aurez deviné: on doit utiliser les options autrement, et aussi considérer toutes les formes d’investissement possibles avec celles-ci (voir blogue sur le sujet).

Coûteuses, les options?

M. Lynch mentionne également que les options sont souvent dispendieuses, et donc, coûteuses pour celui qui les achète, ce qui s’avère juste. C’est justement pourquoi on doit parfois les vendre plutôt que les acheter! Si une proposition semble désavantageuse d’un côté, regardez de l’autre côté. Vous disposez du merveilleux choix de vous retrouver d’un côté ou l’autre de la transaction.

Finalement, M. Buffett aurait suggéré selon Lynch que les produits dérivés deviennent interdits. M. Buffett s’est souvent prononcé contre leur traitement comptable par leurs utilisateurs peu conservateurs, ainsi que contre l’abus d’octroi d’options aux hauts dirigeants. Soulignons que M. Buffett a eu fréquemment recours à leur utilisation dans ses investissements, particulièrement dans les cas où il souhaitait diminuer son risque financier. Il suffit de songer aux bons de souscriptions qu’ils recevaient en achetant des actions privilégiées auprès de Goldman Sachs (N.Y., GS) ou Bank of America (N.Y., BAC) durant la crise financière. Ainsi, grâce aux bons de souscriptions, il jouissait des mêmes avantages que les actionnaires ordinaires, mais bénéficiait du statut d’actionnaire privilégié (rang prioritaire en cas de liquidation et réception de dividendes).

Pour conclure, nous savons fort bien qu’un grand nombre de négociateurs d’options n’ont point recours à l’analyse fondamentale dans leurs décisions d’investissement. Cela constitue une grande erreur et une distraction inutile. Les produits dérivés ne remplacent pas les actions. Elles peuvent parfois s’avérer des alternatives intéressantes, et doit être utilisées avec beaucoup de modération.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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