Si vous avez déjà feuilleté un magazine dans lequel apparaissaient les chiffres sommaires des états financiers de plusieurs franchises disponibles, vous aurez probablement remarqué les marges de profits. Elles peuvent sembler alléchantes! C’est souvent le cas pour la plupart des petits commerces à vendre. En tant qu’investisseurs, le réflexe usuel consiste à comparer les marges de profits d’une petite entreprise avec celles des sociétés publiques.
Par exemple, dans le cas de Chipotle Mexican Grill (N.Y., CMG), leurs marges nettes oscillent autour de 10%. Du haut de ses 2000 restaurants, la chaîne bénéficie d’un volume d’achat important auprès de ses fournisseurs, ce qui aide à la profitabilité. Un restaurant unique ne jouit pas de ce genre d’économies d’échelle. Pourtant, par le passé, il nous est personnellement arrivé à plusieurs reprises de voir des marges impressionnantes pour les petits commerces. Des taux de l’ordre de 30% n’étaient pas rares. Comment est-ce possible?
Trois éléments à considérer
Il existe trois éléments qui seront souvent négligés dans une présentation sommaire. Il s’agit du coût de la gestion, la dépréciation et les impôts. Prenons un exemple fictif, Petit Commerce Inc (PCI). Ses ventes s’élèvent à 250 000$, et les profits, 75 000$. Quant au capital requis, seulement 80 000$ auront à être déboursés. Le prix demandé de 240 000$ sera financé à 66% par une banque, ce qui nécessite seulement le tiers du coût pour le futur propriétaire.
Si l’on divise les profits par le capital requis, on dirait toute une affaire : 94% de retour sur le capital. Difficile d’obtenir un tel rendement en Bourse! Cependant, vous aurez probablement deviné qu’il s’agit d’un rendement brut, auquel on doit soustraire quelques dépenses, tout comme c’est déjà le cas pour les sociétés publiques.
Souvent, le salaire du propriétaire n’est pas inclus. Votre temps vaut quelque chose. Si vous devez consacrer 60 heures par semaines, et peut-être même davantage, en faisant participer votre conjoint(e), vous méritez d’être payés. Ce coût correspond aux frais affectés à la gestion, qui comprend l’embauche et le suivi des employés, la comptabilité, la gestion des stocks, etc. Peu de gens étant novices en affaires s'en doutent, mais un propriétaire de petit commerce doit presque tout le temps être présent dans son commerce, s’il veut éviter des désagréments. Faites le calcul en incluant toutes les heures d’ouvertures, qui incluent souvent de longues heures les fins de semaines : voilà beaucoup d’heures à consacrer au commerce.
Considérer la valeur de votre temps
Combien vaut votre temps? Avec toutes les responsabilités que le travail implique, il ne serait pas déraisonnable de se payer au moins 60 000$ annuellement. Le profit de PCI vient donc de passer à 15 000$ (75 000$ - 60 000$).
Une autre dépense qui peut être omise facilement concerne l’amortissement et la dépréciation. Pour opérer, de l’équipement s’avère nécessaire. Étant en constante utilisation, celui-ci brise éventuellement ou devient désuet. De gros coûts sont à prévoir pour les réparations ou le remplacement. Prévoyons 10 000$ par an. Les profits viennent de tomber à 5 000$ pour PCI.
Finalement, tout profit exige un paiement d’impôts. Un propriétaire qui ne gagnerait qu’un maigre 5 000$ en serait exonéré. Autrement, s’il détient des revenus passifs, une autre réduction doit être prévue. Une fois toutes les dépenses incluses, les marges sur les ventes deviennent beaucoup moins spectaculaires.
Gérer : pas toujours de tout repos
Un point plus qualitatif cette fois à prendre en considération : la gestion personnel. Si vous n’avez jamais possédé un petit commerce, vous sous-estimerez peut-être le travail exigeant qui consiste à trouver, maintenir et surveiller le personnel. Si les salaires tournent autour de la rémunération minimale, la rotation d’employés occasionnera parfois bien des frustrations et du stress. En Bourse, vous devez apprendre à vivre avec les fortes fluctuations des titres, mais vous n’avez pas à vous faire du souci si un employé vient subitement de quitter sans préavis.
Il faut donc faire preuve de prudence lorsque les marges de profits et le rendement sur le capital net semblent trop beaux pour être vrais, et procéder à des ajustements. Tout comme pour la Bourse, demeurer conservateur dans ses évaluations évitera bien des déceptions.
Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com
