Les bons de souscription sont-ils magiques?

Publié le 15/05/2016 à 15:38

Les bons de souscription sont-ils magiques?

Publié le 15/05/2016 à 15:38

(Photo: 123rf.com)

Vous aimez un titre. Vous croyez en son potentiel. Vous découvrez par la suite que vous bénéficiez de la possibilité d’opter pour des bons de souscription (en englais «warrants») plutôt que les actions ordinaires. Donc, prenons l’exemple de General  Motors (N.Y., GM). Vous pourriez investir 5000$US et obtenir environ 160 actions d’actions de cette société. Vous détenez également le choix d’investir cet argent dans l’un de ses bons de souscriptions, soit la classe B (N.Y., GM-WTB) qui expire le 10 juillet 2019. Comme ceux-ci ne coûtent que 13$ par unité, vous aboutiriez à un total de plus de 380 bons.

En faisant vos calculs de projections, vous réalisez à quel point il pourrait être payant d’investir dans les bons si le titre explose. Sans verser dans les détails, mentionnons que chaque hausse de 1$ du titre procure un rendement de 3% pour l’actionnaire ordinaire, et près de 8% pour le détenteur du bon. C’est tout à fait normal: il s’agit de l’effet levier. Toutefois, il semble que plusieurs investisseurs n’arrivent pas à considérer les bons de souscription comme étant l’équivalant d’un emprunt ou de certaines options sur le marché. On tenterait de se conditionner à l’idée qu’ils constituent nécessairement une meilleure alternative que les actions ordinaires, comme s’il existait une sorte d’effet levier plus sécuritaire. Erreur!

Si tel est votre cas, soyez rassuré: vous n’êtes pas les seuls à vous y méprendre. Même les gestionnaires d’expérience se laissent parfois séduire.

Pour mieux visualiser le risque potentiel des bons de souscription, imaginez le monde boursier idéal. Chaque titre en Bourse offrirait chacun un bon de souscription sous-jacent. Par conséquent, tous vos titres pourraient être remplacés par son bon correspondant. Seriez-vous confortable  si votre portefeuille était constitué exclusivement de ceux-ci?  Nous espérons que non, car vous vous exposeriez à la possibilité d’une réelle catastrophe.

Considérez aussi les options

La plupart des sociétés de grande taille comportent des options permettant de bénéficier du même effet levier que les bons de souscriptions. Les options confèrent habituellement les mêmes avantages aux investisseurs que les bons, avec aussi certains mécanismes de protections en cas de changements importants au sein de l’entreprise. Cependant, les options se négocient sur la Bourse des options à Chicago (CBOE, ou Chicago Board Options Exchange) entre individus. Les bons quant à eux se transigent normalement sur la même Bourse que les actions ordinaires correspondantes et sont émis par la société concernée.

Le monde boursier «idéal» existe donc déjà en fait.  La différence réside souvent dans les échéances. Pour les options, elles se limitent à deux ans et demi tout au plus.

Malgré la courte période, on peut retrouver des situations fort intéressantes. Prenons le cas du fabricant de produits de tabac, Philip Morris International (N.Y., PM), qui se transigeait à près de 101$ à la fermeture des Bourses vendredi dernier. Un investisseur pourrait être tenté par les options d’achat échéant en janvier 2018, à un prix d’exercice de 80$, qui peuvent être achetées pour environ 20$. Vous faites votre calcul, et constatez que 80$ + 20$ résulte en une somme légèrement ou égale au prix actuel en Bourse. Pourquoi payer 101$ lorsqu’on peut payer seulement 20$ et profiter de l’effet levier?

Effectivement, la portion de la prime «temps» s’avère nulle dans ce cas-ci. Il ne s’agit pourtant pas d’une anomalie : avec l’option d’achat, on doit sacrifier le dividende ordinaire qui génère un rendement de 4%. Comme les taux d’intérêt sont devenus négligeables, pas facile de dire non à un tel dividende.

Toujours considérer les alternatives

Peut-être que vous considérez que laisser de côté un tel rendement ne vous dérange guère. Toutefois, il faut garder à l’esprit que vous pourriez emprunter en dollars américains à un taux similaire ou moindre. Autrement dit, dans un marché où séviraient des taux d’intérêt nettement plus onéreux, la prime de l’option serait normalement plus coûteuse.

Revenons à l’exemple des bons de General Motors. Certes, ils semblent bon marché, mais vous devez dire non à un dividende rapportant presque 5% annuellement. Quant à l’effet levier qu’ils procurent, il s’avère comparable à ce que nous pourrions reproduire avec un emprunt sur marge. Si le risque paraît faible, il s’agit d’une illusion. En fait, vous êtes assuré de ne pas perdre davantage que votre mise de fonds, soit 13$ par action, équivalant à un prix de 17.50$ pour l’action ordinaire. Si vous estimez très faibles les probabilités de voir le titre inférieur à ce cours, vous ne bénéficierez pas d’une grande protection.

En conclusion, nous ne voyons rien de mal à utiliser l’effet levier avec modération. Néanmoins, appelons les choses par leur vrai nom. Acheter des options d’achats, des bons ou emprunter sur marge créent tous de l’effet levier, et non de la magie. Notez que si vous aimez les bons de souscription, vous devriez également étudier constamment les options d’achat.

 

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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