Une importante acquisition est annoncée? Prudence

Publié le 05/08/2017 à 07:39, mis à jour le 05/08/2017 à 07:40

Une importante acquisition est annoncée? Prudence

Publié le 05/08/2017 à 07:39, mis à jour le 05/08/2017 à 07:40

Photo: 123rf.com

2 août 2016. Teva Pharmaceutical Industries (NY., TEVA) annonce l’acquisition d’Actavis Generics. Il s’agit d’une grande bouchée pour l'entreprise israélienne. Le montant de la transaction est fixé à plus de 40G$US, soit une somme équivalente au double de ses revenus. L'optimisme est débordant. On prévoit d’importantes synergies, et le chef de la direction de l’époque, Erez Vigodman va même jusqu’à dire que cette acquisition hissera l'entreprise à un profil financier plus solide (cliquer ici pour la déclaration). Ceci alors qu’on augmente substantiellement la dette… Bref, la diversification dans la vente de médicaments génériques serait fort prometteuse, et le rendement des actionnaires, amélioré.

Deux saisons plus tard, l'action de Teva a perdu 35% de sa valeur. M. Vigodman quitte soudainement son poste, et la société demeure sans chef de la direction. Jeudi dernier, Teva annonce des résultats fort décevants. Le titre plonge de 24% en une seule journée. Les ventes de médicaments génériques ne donnent pas les résultats espérés. On prend une charge importante en conséquence, et on coupe le dividende de 75%!

Certains ont critiqué la direction de Teva d’avoir payé le prix fort pour Actavis. Au cours de 2016, la société s’est endettée de 27G$US, et voilà que les perspectives ne sont plus ce qu’elles étaient. Or, si cette transaction semble avoir été si peu avantageuse pour Teva, qu’en est-il pour le vendeur?

Allergan plc (NY., AGN) a reçu 33G$US en argent pour Actavis, ainsi qu’une centaine de millions d’actions de Teva, qui se négociaient à 54$US à l’époque. Fait étonnant: le chef de la direction, Brent Saunders, a déclaré d’emblée qu’il obtenait un superbe multiple. Or, si le vendeur est emballé à l’idée de vendre cher, l’acheteur ne devrait-il pas émettre des réserves de son côté?

On ne peut pas obtenir une transaction «extraordinaire» des deux côtés, à moins de circonstances exceptionnelles. Si l’un des partis s’avère particulièrement avantagé, c’est presque toujours au détriment de l’autre.

Ce que l'investisseur peut apprendre de cette transaction

En tant qu’investisseur, on peut apprendre beaucoup en étudiant les deux côtés de la transaction.

Dans ce cas-ci, M. Saunders fournissait un indice très appréciable. L’une des raisons qui nous avaient amenés à devenir actionnaires d'Allergan reposait sur l’astuce de cette transaction. Nous aimions la façon de penser de M. Saunders, qui priorisait la rentabilité plutôt que la croissance à tout prix. Les actionnaires de Teva avaient avantage à prendre ce commentaire en considération, surtout dans le contexte où une importante dette devait être assumée pour clore la transaction.

Soulignons qu'Allergan avait reçu environ 85% du prix de la transaction en argent. Le reste était payé en échange d’actions de Teva. En vertu de l’entente initiale, Allergan était dans l’obligation de conserver les actions pendant au moins un an.

Grâce à cette situation, les actionnaires de Teva disposaient d’un autre indice fort utile. En effet, lors de l’annonce de ses résultats en mai, Allergan a pris une charge importante sur la valeur de ses actions de Teva, estimant qu’elle ne récupèrerait jamais la valeur de cette participation. En outre, on rapporte que M. Saunders aurait déclaré plus tôt dans l’année que sa société avait l’intention de vendre toutes ses actions de Teva dès que les termes de la transaction le permettraient. Autrement dit, M. Saunders avait bien hâte de se débarrasser de ces actions!

Trop de dirigeants sont incités à faire croître leur entreprise à tout prix. Il est donc primordial de chercher à connaître les véritables motivations du vendeur lorsqu'une transaction d'envergure est annoncée.

Au sujet des auteurs du blogue: Patrick Thénière et Rémy Morel sont analystes financiers et propriétaires de Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

À propos de ce blogue

Patrick Thénière et Rémy Morel sont associés et gestionnaires de portefeuille chez Barrage Capital, une firme montréalaise de gestion d'actifs. www.barragecapital.com

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