Que penser du dernier plan climatique du Canada?

Publié le 04/04/2022 à 08:51

Que penser du dernier plan climatique du Canada?

Publié le 04/04/2022 à 08:51

Hugo Cordeau (Photo: courtoisie)

Hugo Cordeau, étudiant au doctorat en économie à l’Université de Toronto

 

COURRIER DES LECTEURS. Les derniers rapports du GIEC nous rappel la primauté d’agir. Or, bonne nouvelle, le Plan de réduction des émissions pour 2030 du fédéral est le plus rigoureux à ce jour. Toutefois, certaines mesures — notamment celles à l’industrie pétrolière — ont été hautement critiquées.

 

Mise en contexte 

Selon le Production Gap Report 2021 du Programme environnemental des Nations Unies, afin d’avoir une hausse d’au plus 1,5 °C, la production mondiale des énergies fossiles doit décroître de 6 % par an. Or, le plan d’action du Canada, révèle qu’il prévoit augmenter sa production de 1 400 000 barils de pétrole par jour entre 2020 et 2030, soit, une augmentation de 34 %. Ironiquement, le Canada clame réduire les GES de cette industrie de 42 % sur la même période. 

C’est en voyant ces données que les environnementalistes et scientifiques crient aux techno-optimistes, pour ne pas dire greenwashing.  

Bien que je partage leurs désarrois, mon analyse est distincte. Je crois que le problème ne réside pas dans ce techno-optimiste, mais sur la façon dont nous mesurons les GES. 

Actuellement, le Canada ne mesure que les GES de portée 1 et 2, soit celle issue du processus d’extraction et provenant de la production d’énergie achetée par l’entreprise. Il exclut la portée 3, soit celle issue de la chaîne d’approvisionnement, ce qui inclut les émissions provenant de la combustion du pétrole et du gaz produits par l’entreprise. La portée 3 représente environ 85 % des GES de cette industrie, ou 1,3 fois les émissions totales du Canada, tous secteurs confondus. 

Le gouvernement stipule qu’il réduit les GES de l’industrie pétrolière, mais ne s’attaque qu’à 15 % des GES causés par le secteur pétrolier. Pis encore, il est probable que les pétrolières — tout comme les banques effectuent avec les shadow banks afin d’éviter la réglementation des accords de Bâle — délaissent certaines responsabilités à des sous-traitants, qui eux ne sont pas régis par la même réglementation. 

Si l’industrie pétrolière ne diminue pas son empreinte carbone, c’est toutes les entreprises qui se verront en payer le prix avec l’ajout de nouvelles mesures afin d’atteindre nos cibles de réduction de GES. Effectivement, le Canada est lié, légalement, à respecter ses cibles. 

D’ailleurs, la Banque centrale européenne a réalisé des simulations de crise à l’échelle de l’économie, lesquelles ont mis en évidence la nécessité d’améliorer les normes de déclaration des entreprises concernant les émissions de portée 3, car elles constituent une source majeure de risque de transition, pouvant endommager l’économie au passage. 

 

Solution

Afin d’éviter ces problèmes, il y a une solution très simple : inclure les émissions de portée 3 dans le système de plafonnement des émissions de GES proposé par le gouvernement fédéral. D’ailleurs, l’omettre serait contraire aux recommandations du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques, qui ont indiqué l’été dernier que les divulgations des émissions de portée 3 sont désormais appropriées pour tous les secteurs, et en particulier pour les entreprises pour lesquelles ces émissions représentent 40 % ou plus des émissions.

 

Revenons donc au techno-optimisme du gouvernement ; je ne crois pas qu’il en soit victime pour deux raisons.

1.     Son plan actuel contient une faille béante — la portée 3. Cette dernière rend réaliste l’atteinte de leurs cibles de réduction de 42 % assujettie aux portées 1 et 2, mais peut également impliquer une hausse globale des émissions de GES induit par l’industrie pétrolière canadienne. C’est un non-sens, qui frôle la démagogie.

2.     Une fois la portée 3 incluse dans le plan, ce dernier n’est pas assujetti à un techno optimiste ; je dirais que le gouvernement y est agnostique. Effectivement, le mécanisme de plafonnement des émissions impose aux pétrolières le risque de la capture du carbone (en l’absence de faille ou de passe-droit, bien entendu). Si elles capturent du carbone, tant mieux ; ces technologies sauront nous aider. Si ces technologies flanchent, l’industrie pétrolière devra diminuer ses GES autrement — par une réduction de la quantité produite, notamment. 

 

En bref, le plan du gouvernement détient une faille majeure: l’absence de l’inclusion des GES de portée 3. En réglant ce problème — solution à laquelle la finance s’est proclamée en faveur —, le gouvernement posséderait un plan des plus rigoureux. Il ne resterait qu’à s’attaquer à l’éléphant dans la pièce: les comportements individuels.

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