Quand sera-t-il le tour des entrepreneurs, M. Trudeau?

Publié le 24/09/2021 à 15:13

Quand sera-t-il le tour des entrepreneurs, M. Trudeau?

Publié le 24/09/2021 à 15:13

(Photo: LinkedIn Sales Solutions pour Unsplash)

Un texte de Stéphanie Bernadet, PDG de Naturmania 


COURRIER DES LECTEURS. J’ai choisi de prendre la parole en tant qu’entrepreneure, à la suite de cette campagne électorale accélérée et poussée de force dans la gorge des électeurs. J’ai choisi de m’exprimer parce que je n’arrive pas à décolérer. Depuis la fermeture des bureaux de scrutin et la fin du dépouillement des bureaux de vote, je bous de rage. 

Mon entreprise, située à Québec et œuvrant dans le domaine de la pêche, de la chasse et du plein air, est en fonction depuis près de 30 ans. Je conçois, sans prétention, des produits pour jouer dehors avec des gens d’ici et pour des gens d’ici. Mes articles sont en vente dans plusieurs points de service à travers le Québec et le Canada. Je me bats chaque jour, depuis le début de la pandémie, pour passer au travers de cette crise mondiale sans précédent. La dernière campagne électorale était un caprice d’enfant gâté. Et, ce 20 septembre dernier, je m’attendais à du changement. 

Pendant la campagne, j’aurais aimé entendre parler de vrais enjeux. J’aurais voulu savoir quel était leur plan pour la suite. J’aurais aimé connaître les actions que nos futurs dirigeants envisageaient. Mais les débats ont été vains et les mêmes sempiternelles questions constitutionnelles ont occupé les discours et détourné les discussions des vrais enjeux. 

Pendant que notre gouvernement continue de se préoccuper de sa popularité, continue de faire des promesses creuses et, pire encore, maintien des programmes qui asphyxient sa population, la crise se perpétue. Moi, comme citoyenne et comme entrepreneure, j’avais des questions à lui poser et maintenant que Justin Trudeau est de retour dans le même siège du conducteur sans volant, c’est à lui que je m’adresse : 

Quand, M. Trudeau, allez-vous arrêter de donner la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE)?

Quand, M. Trudeau, allez-vous réagir à la pénurie de main-d’œuvre manufacturière?

Quand, M. Trudeau, allez-vous imposer des moratoires sur les tarifications de transport?

Quand, M. Trudeau, allez-vous vous asseoir avec les propriétaires d’entreprises, étranglés par vos mesures, et vous pencher RÉELLEMENT sur leurs enjeux?

Quand, M. Trudeau, allez-vous regarder en face votre désastre économique et vous arrêter de gaspiller l’argent de nos taxes et de nos impôts?

Personne ne souhaitait des élections? En fait, à bien y penser, moi oui! Comme plusieurs amis entrepreneurs, d’ailleurs. Le gouvernement libéral de Justin Trudeau n’a pas cessé de nous décevoir, de nous mettre des bâtons dans les roues et même, de freiner les efforts des entreprises pour maintenir l’économie à flot! 

Ce gouvernement a octroyé des millions de dollars en subventions aux travailleurs ayant perdu leurs emplois, à la suite de la première vague de fermeture des entreprises à cause de la pandémie. Or, ces travailleurs, pour la plupart, n’ont jamais réintégré le marché de l’emploi, malgré la réouverture de leur entreprise. Ils ont calculé qu’il était plus rentable de rester chez eux, à bénéficier de la PCRE (ou PCU) plutôt que de revenir travailler. Ils ne se sont pas non plus réorientés afin de pallier l’impressionnante pénurie de travailleurs.

Personne ne peut venir me dire que la pénurie de main-d’œuvre est un produit de mon imagination! Toutes les entreprises sont placardées d’affiches « Nous embauchons »! Les entreprises ont du mal à demeurer ouvertes par manque de main-d’œuvre. Les chaînes de production s’épuisent, les ressources viennent à manquer. On est à bout de forces...

J’entends les gens dire : « Vous n’avez qu’à augmenter leurs revenus, les gens vont revenir travailler! » C’est une idée bien sympathique. Croyez-moi, j’aimerais vraiment payer mes employés plus grassement. En fait, si je les rémunérais à la mesure de ce que je considère qu’ils méritent pour être restés, pour avoir tant sacrifié au cours des derniers mois, pour s’être accrochés, avec moi, envers et contre tout pour maintenir mon entreprise au maximum de sa capacité, ils seraient tous millionnaires! 

Mais j’ai une question pour ces gens qui brandissent très vite l’argument des augmentations de salaire. De combien de pour cent seriez-vous prêts à voir les prix de vos biens de consommation augmenter afin de permettre aux entreprises de payer leurs employés avec des salaires plus élevés ? Parce que le salaire minimum à 15 $/h c’est bien beau, mais je fais quoi, moi, avec mes employés qui sont payés environ 3 $ de l’heure de plus que le salaire minimum actuel (16 $/h) et qui verraient cet écart passer à quelques sous?

Dans mon entreprise, ce que je donne à l’un, je dois être prête à le donner à l’autre. Si j’augmente ma masse salariale de 3 $/h pour un, je dois le faire pour tous. Or, je n’en ai pas les moyens. Pas en contexte de pandémie. Pas en contexte de pénurie de main-d’œuvre. Pas quand mes frais à moi augmentent bien au-delà de ce que je peux absorber. 

Il y a un an à peine, il me coûtait 6 000$ US pour un transport par cargo. Aujourd’hui, ce même cargo me coûte 30 000$ US. Une augmentation de 500 %. Quel marché absorbe ce type d’inflation? On a du mal à approvisionner nos clients, les commerces, et ceux-ci peinent à rester ouverts. 

Je réitère donc ma question. Si j’augmente les salaires de mes employés, je vais devoir augmenter mes prix. On va tous devoir le faire. À combien de pour cent d’augmentation des prix l’équilibre entre les revenus et les dépenses va-t-il s’écrouler? Qui s’enrichira grâce à ces prix gonflés? Pas moi en tout cas.

Je salue les employés du monde de la santé. Je les trouve infiniment courageux et honorables. Leur assiduité à maintenir un réseau déjà oppressé est remarquable. Leur courage, à travailler dans l’inconnu de la maladie et de ses conséquences sur leur propre santé, m’impressionne. Leur dévouement, envers des gens qui refusent de suivre les recommandations de la santé et de se faire vacciner et qui, en ce moment, engorgent notre réseau qui peine à suffire, me sidère. Je ne ferais pas leur travail. Je n’aurais pas cette compassion. Je n’aurais pas cette patience. Ces gens tiennent le système de santé à bout de bras. J’ai l’impression que nous, entrepreneurs, c’est l’économie qu’on tient à bout de bras! 

En ce moment, bien que je ne sauve pas de vies, je dois faire preuve de résilience, de courage, d’obstination, de motivation et d’une certaine dose de folie pour m’accrocher à mon entreprise. M’accrocher à cette équipe extraordinaire qui m’entoure et me permet de continuer. Je ne le fais pas toute seule, je le fais avec eux et pour eux. Je ne sauve pas des vies, je conçois des articles de plein air. Je n’œuvre pas dans les biens essentiels, je ne suis pas considérée comme une entreprise « nécessaire ». Mais je trouve que, dans un contexte aussi déprimant, permettre aux consommateurs de se changer les idées est vital. J’ai contribué, à ma modeste façon, à leur permettre de passer au travers l’isolement, en leur permettant de sortir jouer dehors. 

Je me suis battue pour continuer à fonctionner malgré toutes les conditions imposées par la santé publique. J’ai fermé mes portes quand le gouvernement l’a imposé aux entreprises. J’ai rouvert et réembauché tous mes employés dès que l’on a pu faire du télétravail. J’ai affronté la fermeture de ma clientèle, pendant des mois, tout en maintenant mes opérations, sans rentrées d’argent, parce que nous devions être préparés à une réouverture. J’ai absorbé la pression du directeur de banque préoccupé, celle de mes employés, apeurés, celle de mes fournisseurs, inquiets, celle de mes clients, désemparés. Je me suis mise en mode solution, on s’est retournés sur un dix cents ; on a été créatifs et originaux. On s’est réinventés. On a saisi toutes les opportunités qui se sont offertes. On s’est défendus. 

Mais j’ai peur, M. Trudeau. Peur de ne pas voir de changement dans vos actions, peur de voir le statuquo perdurer. Peur de finir par ne plus pouvoir continuer. Il y a trop de contraintes, trop d’incertitude. Vous nous maintenez dans une position difficile à tenir. Il va devoir y avoir des actions concrètes mises en place.

J’en ai marre d’entendre les consommateurs, voyant les tablettes vides, dans les commerces, dire que la pandémie a le dos large! Ils réagissent quand les prix augmentent, en accusant les entreprises d’en profiter pour s’en mettre plein les poches. Ce n’est pas mon cas... 

Personne ne pense à regarder le gouvernement. Généreux à outrance avec les derniers publics ; sa négligence, son manque de courage, son aveuglement volontaire et l’égocentrisme de son chef sont littéralement scandaleux! C’est son manque de sérieux et de conscience qui nous a conduits dans ce marasme.

Pendant qu’il exigeait la fermeture des entreprises, par souci de santé publique, il n’a pas réfléchi à ce que ces fermetures allaient occasionner auprès de toutes les parties, impliquées et coincées dans ces décisions. 

Pendant qu’il faisait pleuvoir l’argent sur les travailleurs touchés par les pertes d’emplois qu’il avait lui-même ordonnées, il n’a pas prévu de plan de relance ni de fins aux prestations.

Pendant qu’il accaparait les usines, les transports et les ressources pour subvenir aux besoins sanitaires, il n’a pas réfléchi aux conséquences de ces décisions sur les chaînes d’approvisionnement ni à l’effet domino que cela aurait pendant l’après-crise... 

Laissez-moi vous rappeler, objectivement, tout ce qui s’est passé au cours des derniers mois :

• Les entreprises ont été fermées sans avoir eu le temps de se préparer à revenir. 

• On nous a imposé des mesures sanitaires dans nos installations et obligé l’achat de matériel de cloisonnement, de désinfection et de contrôle de la circulation.

• Les manufactures d’ici et d’ailleurs se sont mises à produire des masques, du gel désinfectant, des jaquettes d’hôpital, des gants, etc., sans forcément réorganiser leur calendrier de production régulier, repoussant et, parfois même, annulant les productions d’articles divers que tout le monde attendait depuis quelques mois déjà. (T’sais le vélo ou le frigo que vous attendez depuis plus d’un an?) 

• Les frontières ont été fermées et le transport de marchandises a été restreint aux biens essentiels.

• Le blocus des voies ferroviaires par les autochtones a freiné la circulation de marchandises, déjà strangulée par les restrictions sanitaires.

• Les débardeurs du port de Montréal ont fait la grève. 

• Un bateau cargo s’est coincé dans le canal de Suez, créant un bouchon de circulation de marchandise monstre.

• Les incendies dans l’Ouest canadien ont stoppé momentanément la circulation de marchandise, puis les trajets ont été détournés et rallongés par la suite.

• Les bris d’équipement dans les ports, dans les manufactures, dans les appareils de transport ont créé des ralentissements incroyables et des montagnes de marchandises stagnantes et coûteuses.

• La pénurie bien réelle et fort problématique de conteneurs (parce que tout dort dans les ports à cause des nombreux retards) a occasionné une flambée des prix de transport sans précédent.

• La pénurie, elle aussi bien réelle, de certaines ressources, causée par les retards de  livraisons et de production, continue de mettre à mal l’ensemble de l’économie. 

• La maladie, voire la mort d’employés, dans plusieurs usines, a ralenti et même causé la  fermeture de certaines entreprises.

Il y a eu tout ça et tellement plus ! Parce que j’en oublie, c’est certain! 

Vous ajoutez à cela la déprime générale, la peur jusqu’à l’hystérie collective, le changement des habitudes de vie des gens et l’instabilité d’approvisionnement et vous obtenez tous les éléments nécessaires pour créer une crise économique sans commune mesure!

Moi, pour ces élections, j’avais la foi. J’étais naïve. J’ai vraiment cru que le temps de Justin Trudeau et du parti libéral serait révolu. J’ai souhaité, voyant désespérément qu’il allait demeurer en poste, qu’il ait au moins l’humilité de s’excuser et qu’il soit honteux de nous avoir fait faire tout ça pour rien! Qu’il admette qu’il n’avait pas réussi. Qu’il déclare qu’il allait prendre le temps de réfléchir et faire un examen de conscience. Ben non, toi! 

M. Trudeau, vous dites que vous avez compris et que les Canadiens vous ont donné un mandat clair! Clairement, vous n’avez pas entendu. Clairement, vous n’avez pas compris. Nous allons être muets pendant votre mandat, M. Trudeau, et vous, vous allez vous appliquer à demeurer sourd et aveugle. Quatre ans... Quatre longues années. Oh non! C’est vrai! Vous allez déclencher d’autres élections dans 18 mois! C’est ce que vous avez dit pendant cette dernière campagne... Mais entre ce que vous dites et ce qui se passe...