La COP27 a-t-elle achoppé?

Publié le 29/11/2022 à 08:10

La COP27 a-t-elle achoppé?

Publié le 29/11/2022 à 08:10

«L’accord de la COP27 n’est pas allé au-delà de la promesse du pacte climatique de Glasgow [...]» (Photo: Getty Images)

Un texte d'André Gerges, B.B.A, MPA, Mini-MBA, Ph.D., coordonnateur scientifique et chercheur associé (York University), professionnel de recherche (Université Laval), consultant en management et gestion de projets

 

COURRIER DES LECTEURS. Baptisé COP de l’Afrique, le 27e sommet des Nations-Unies sur le changement climatique (également connu sous le nom de COP27), qui s’est tenu à Charm el-Cheikh, en Égypte, était censé promouvoir la «justice climatique», car il s’agit du continent le plus touché, mais le moins responsable de la crise climatique. Les négociations ont été dominées par la création d’un fonds destiné à indemniser les pays en développement pour les pertes et les dommages causés par le changement climatique. En effet, les États membres ont accepté de créer un tel fonds — une victoire pour les pays en développement.

Cependant, la question se pose: qui paiera et comment cette aide financière sera fournie pour aider des pays comme le Pakistan à se remettre des catastrophes climatiques?

L’accord de la COP27 n’est pas allé au-delà de la promesse du pacte climatique de Glasgow (Écosse) de 2021 qui vise à réduire progressivement les centrales à charbon non exploitées, malgré la proposition indienne d’éliminer progressivement tous les combustibles fossiles. Le texte n’annonce pas non plus de nouveaux objectifs ou engagements, menaçant l’objectif de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5°C, établi il y a sept ans dans l’accord de Paris.

Les pays en développement ont abordé la COP27 en espérant des progrès sur trois fronts:

a) le financement du climat et l’apport de 100 milliards de dollars US par an comme promis en 2009 ;

b) la décarbonisation mondiale et ;

c) la reconnaissance de la responsabilité des pays développés de payer pour les pertes et les dommages.

 

Alors pourquoi la COP27 a-t-elle échoué?

 

1. Contexte géopolitique

La COP27 a été éclipsée par la guerre en Ukraine, qui a mis à mal l’approvisionnement en gaz des gazoducs, incitant de nombreux pays à accroître leurs réserves nationales de combustibles fossiles. L’invasion russe a eu pour effet de renforcer l’influence des pays producteurs de pétrole et de gaz lors de la COP27, ce qui a nui aux négociations. Les dirigeants mondiaux, préoccupés par la flambée des prix de l’énergie et l’augmentation du coût de la vie, ont hésité à prendre des mesures audacieuses concernant les combustibles fossiles.

 

2. Moment et lieu

La COP27 s’est tenue à un moment inopportun. La première semaine s’est déroulée pendant les élections de mi-mandat aux États-Unis, alors qu’une grande partie des médias du monde entier scrutaient le résultat très serré de ces élections. La deuxième semaine a coïncidé avec le sommet du G20 à Bali, qui a encore détourné l’attention et a empêché de nombreux dirigeants mondiaux d’y assister.

Pour ne rien arranger, les négociations se sont prolongées jusqu’au week-end, au moment même où l’attention se tournait vers la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar. Cette situation est très différente de celle de la COP26, où le monde est resté engagé tout au long du sommet.

 

3. Manque de leadership

La diplomatie internationale est exigeante et demande énormément de temps, d’efforts et de compétences. Si la COP26 de 2021 à Glasgow a abouti à des accords sur la déforestation, les émissions de méthane et d’autres questions, c’est en partie parce que les hôtes britanniques et italiens ont travaillé dur pour parvenir à un consensus pendant l’année supplémentaire fournie par la pandémie. La présidence égyptienne de la COP27 a sous-estimé cette tâche. Les négociations n’ont été accélérées que dans les dernières 48 heures pour parvenir à un accord sur les pertes et dommages, et même alors, certains des plus grands émetteurs (Chine et Inde) ont refusé de contribuer au fonds.

 

4. Manque de confiance

Le plus grand échec a été le manque de confiance. Cela s’explique principalement par le fait que les 100 milliards de dollars américains promis par an ne se sont pas encore totalement matérialisés. Il s’agit d’une somme relativement faible si l’on considère que le Qatar aurait dépensé 220 milliards de dollars rien que pour accueillir la Coupe du monde. Les fonds destinés à soutenir l’adaptation au changement climatique n’ont pas non plus été versés. L’argent est là, le problème réside dans la volonté de l’allouer là où il est vraiment nécessaire.

Le point de friction le plus important concerne les pertes et les dommages. Lors de la COP26, les États-Unis, l’UE et le Royaume-Uni, avec le soutien de la Chine, ont bloqué la mise en place du mécanisme de compensation des pertes et dommages de Glasgow, car ils ne voulaient pas être responsables des effets du changement climatique. En Égypte, une déclaration a été publiée à la dernière minute indiquant qu’un tel fonds pour les pertes et dommages serait finalement mis en place.

À l’heure actuelle, seuls 10% des fonds alloués à la lutte contre le changement climatique parviennent aux communautés locales et le nouveau mécanisme devra remédier à cette situation. Des pays comme la Chine et l’Inde ont refusé de contribuer à ces fonds. L’Inde s’est opposée à l’inclusion de termes tels que «grands émetteurs actuels» dans le texte, car, historiquement, elle s’attend à ce que les grands émetteurs contribuent à ces fonds. C’était peut-être aussi le cas de la Chine il y a 30 ans. Mais aujourd’hui, les émissions historiques de la Chine sont presque aussi élevées que celles de l’Union européenne, de sorte qu’elle se réfère aux émissions par habitant et a réaffirmé son statut de pays en développement.

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