L'endettement des ménages et les médias

Publié le 01/03/2021 à 11:44

L'endettement des ménages et les médias

Publié le 01/03/2021 à 11:44

COURRIER DES LECTEURS.  Les médias traitent fréquemment de l’endettement des ménages et des gouvernements. Toutefois, du moins dans le premier cas, l’accent est-il toujours placé au bon endroit ?

La figure 1 ci-dessus résume l’histoire récente de l’endettement des ménages canadiens telle que racontée fréquemment au public. Elle suggère qu’au cours de la dernière décennie, à l’exception de 2020, leur situation financière s’est détériorée. Le poids du service de la dette, soit le remboursement du capital augmenté des intérêts, sur le revenu disponible se serait alourdi, abstraction faite de l’inversion récente. Ce message peut être trompeur parce qu’incomplet. Il ne tient pas compte de l’usage des fonds empruntés.

L’ensemble d’une opération d’emprunt par un ménage peut se résumer ainsi. Un emprunt a pour effet de lisser le flux des revenus disponibles annuels successifs d’un particulier. L’emprunteur utilise maintenant ses revenus futurs. Dans un premier temps, les fonds se déplacent de leur source, le prêteur, vers l’un ou l’autre de leurs deux points d’aboutissement chez l’emprunteur, l’accroissement de la consommation courante ou celui de l’actif composé de biens durables et de titres. Au cours des exercices suivants, intérêts et remboursement du capital inversent ce trajet, à partir du produit des placements ou d’une réduction de la consommation.

Si l’on entend exposer la situation financière des ménages, il y a lieu d’examiner le ratio de la dette à l’actif. Ce dernier évalue le résultat cumulé des décisions antérieures. La partie des emprunts susceptibles de contribuer au service de la dette s’est ajoutée à l’actif. À cet égard, la figure 2 suggère que la situation financière des ménages canadiens s’est améliorée au cours de la dernière décennie. La croissance des actifs a été supérieure à celle des dettes. Une partie des revenus courants, en sus des emprunts, a été investie.

 

Le ratio du service de la dette au revenu disponible, présenté à la figure 1, fréquemment transmis par les médias, est d’une allure différente. Il représente le ratio de deux flux monétaires et ne prend pas en compte la partie des emprunts consacrée aux investissements, augmentée du gain en capital non réalisé qui peut en résulter.

Toutefois, toute opération financière comporte un avantage et un risque, le risque financier. En effet, il est possible que les revenus futurs soient inférieurs aux anticipés. Le poids relatif du service de la dette, investie et consommée, en sera alourdi. À la limite, certains ménages seront en défaut. Le taux d’intérêt s’élèvera avec la probabilité de cette occurrence. Enfin, le gain en capital peut être volatile et contribue donc au risque, qui variera en fonction inverse du niveau de diversification du portefeuille. De plus, le gain sera réduit des impôts latents.

Laquelle de ces deux figures représente au mieux la situation des ménages et peut contribuer à la prise de décision dans le domaine financier ? La réponse dépend du niveau de risque attribué par le décideur aux acquisitions augmentées des gains en capital. S’il juge qu’ils peuvent s’évanouir rapidement, il se fiera surtout à la première. Sinon, il se fiera plutôt à la deuxième, moins volatile et plus orienté vers l’avenir. À cet égard, notons au passage que la portion risquée de l’actif représentée par les actions et les parts de fonds communs de placement est relativement stable. Elle oscille entre 17 % et 20 %.

L’amélioration de la situation financière des ménages suggérée par la figure 2 est importante. L’investissement financé par les emprunts et les fonds propres libérera des ressources qui permettront de lutter contre la pollution, les changements climatiques, l’évasion fiscale et les inégalités.

 

Un texte de Jean-Marie Gagnon, professeur associé au département de finance, assurance et immobilier, FSA ULaval

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