Voici le secret pour prédire l'avenir!


Édition du 24 Novembre 2018

Voici le secret pour prédire l'avenir!


Édition du 24 Novembre 2018

Qui d'entre nous ne souhaiterait pas connaître le futur ? A fortiori, quels sont les gens d'affaires qui n'aimeraient pas être en mesure d'anticiper les tendances émergentes, et pouvoir ainsi se mettre en avant de la parade ? La réponse va de soi : tout le monde aimerait en être capable.

Si je vous disais maintenant que, vous comme moi, nous sommes vraiment aptes à prédire l'avenir ?

Je l'ai réalisé lorsque j'ai récemment dévoré le livre Penser global du penseur français Edgar Morin, au détour de la réflexion suivante : «Dans la conception hippocratique de la médecine, il y a l'idée que c'est le moment de la crise qui permet le diagnostic, ce moment où les symptômes apparaissent assez évidents pour pouvoir dire si l'on a affaire à la grippe ou au choléra, écrit-il. Or, le bon médecin voit, lui, des signaux faibles avant même que les symptômes ne soient clairs.»

Et d'ajouter : «Il y a toute une connaissance à développer à partir de l'étude des signaux faibles, qui sont des indicateurs de vitalité et de créativité, ou bien de déclin et de mort.»

Les signaux faibles. Voilà l'outil qui nous manque pour deviner ce qui se profile à l'horizon avant tout le monde, me suis-je alors dit. Ni une ni deux, j'ai tenu à le vérifier. Et c'est ainsi que j'ai découvert qu'il était bel et bien possible de découvrir l'avenir en lisant correctement dans le présent, tout comme le font les bons médecins...

L'indice Starbucks

Edward Glaeser est professeur d'économie à l'Université Harvard, aux États-Unis. Avec deux de ses collègues, il a croisé les données du recensement avec celles de Yelp, une application qui permet aux consommateurs de partager entre eux leurs commentaires à propos des commerces locaux. Leur idée : établir un moyen fiable de mesurer la «boboïsation» d'un quartier, et donc d'anticiper son enrichissement prochain en matière de revenus, d'éducation et de culture. Ils ont effectué ce travail de moine dans plusieurs grands centres urbains américains, dont New York, à partir de données des années 2010, et ont découvert que l'ouverture de certains magasins était suivie par une hausse conséquente du prix des logements. Par exemple, chaque fois qu'un coiffeur ouvre dans un quartier, les prix de l'immobilier sont boostés d'en moyenne 1,04 %. Idem pour les épiceries (+0,92 %), les fleuristes (+0,71 %) et les bars à vins (+0,67 %).

«À noter un détail fort intéressant : l'ouverture d'un Starbucks correspond à une hausse des prix de l'immobilier d'en moyenne 0,54 %. D'où la pertinence de considérer tout nouveau Starbucks comme le signe clair de la «boboïsation» d'un secteur géographique donné», notent les chercheurs de Harvard dans leur étude. Bien entendu, ce n'est pas le nouveau Starbucks lui-même qui est à l'origine de la hausse des prix de l'immobilier. Il n'en est, en vérité, que le signal faible, celui qu'il convient de considérer pour anticiper la prochaine tendance haussière.

Prédire la hausse du bitcoin

Fascinant, n'est-ce pas ? Poursuivons à l'aide d'un autre exemple, celui du bitcoin... Tout le monde pense que les cryptomonnaies sont d'une volatilité extrême, à tel point qu'elles sont totalement imprévisibles. Hum... vraiment ?

Feng Mai, un professeur de systèmes d'information à l'Institut de technologie Stevens, à Hoboken, aux États-Unis, et quatre autres chercheurs ont regardé ce qui se passait sur les médias sociaux juste avant que le bitcoin ne connaisse une subite fluctuation de valeur. C'est comme ça qu'ils ont vu que :

> chaque fois qu'il y avait une prépondérance de publications haussières sur le forum Bitcointalk.org, s'ensuivait une hausse de la valeur du bitcoin. (En revanche, l'inverse n'était - curieusement - pas vrai.)

> la corrélation était plus élevée auprès d'une partie précise des participants au forum, à savoir la «majorité silencieuse» (les 95 % qui publient globalement moins de 40 % des publications).

Qu'est-ce à dire, au juste ? C'est simple : il est possible de prédire la hausse du bitcoin - mais pas la baisse -, rien qu'en considérant ce que disent ceux qui participent occasionnellement aux forums de discussion spécialisés dans les cryptomonnaies. Si les gens évoquent de plus en plus l'idée d'acheter, alors il convient d'acheter. Par voie de conséquence, mieux vaut ne pas se fier à ce que disent les plus «vocaux» de ces mêmes forums, c'est-à-dire ceux qui se présentent souvent comme des experts et tiennent à en convaincre tout le monde en multipliant les publications aussi péremptoires que creuses.

«La vague de fond qui naît sur les forums et les médias sociaux est par conséquent un signal faible d'une redoutable efficacité pour prédire la tendance haussière du bitcoin. Reste, toutefois, non seulement à savoir l'identifier, mais aussi à l'analyser avec justesse», est-il noté dans l'étude.

Bref, les signaux faibles sont tout autour de nous, désireux d'être vus et saisis. Mais, aveuglés que nous sommes par les signaux forts et trop évidents, nous ne nous en apercevons même pas. À tort, de toute évidence. À nous, donc, d'apprendre à les déceler, de faire l'effort de regarder la réalité autrement et ainsi de devenir les «médecins» du futur de notre domaine de prédilection. Car, c'est bien connu, l'avenir appartient aux défricheurs...

*****

Espressonomie

Un rendez-vous hebdomadaire dans Les affaires et Lesaffaires.com, dans lequel Olivier Schmouker éclaire l'actualité économique à la lumière des grands penseurs d'hier et d'aujourd'hui, quitte à renverser quelques idées reçues.

Découvrez les précédents billets d'Espressonomie

La page Facebook d'Espressonomie

Et mon dernier livre : 11 choses que Mark Zuckerberg fait autrement